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    1. MIRACLE##


MIRACLE, DÉFINITION THÉOLOGIQUE

1806

miracle à nos facultés cognitives et opératives, t. II, dist. XVIII, a. 3, ad 4um, 5um, 6um. L’expression prœler spem est déterminée ultérieurement ; le miracle est prseter spem natura>, mais non prseter spem gratiæ, c’est-à-dire qu’on ne peut attendre le miracle de la seule opération des natures créées telle que l’ordre naturel nous la fait connaître, mais que la révélation peut nous apprendre à l’avance des interventions d’un autre ordre… En appliquant sa définition, Albert conclut que la création (y compris la dispositio et V ornât us), l’incarnation, la conception virginale, la résurrection finale, sont de véritables miracles. Van Hove, op. cit., p. 46. Dans la Summa theologiie, part. II, tract, viii, q. xxx, memb. 1, a. 1, Albert le Grand énumère quatre conditions du miracle : qu’il soit l’œuvre de la seule volonté de Uieu ; qu’il ne puisse être produit par les puissances naturelles ; que la production du miracle soit, contrairement au mode de production naturelle, subite et instantanée ; qu’enfin il soit accompli dans un but de justice publique, en vue d’édifier les croyants. Cf. sur ce dernier point S. Augustin, Liber de div. quæst., q. lxxix, n. 4, P. L., t. xl, col. 92. Le terme mirabile est plus général, et s’applique à des faits merveilleux qui ne sont pas à proprement parler miraculeux : la création, le gouvernement divin, la justification, l’incarnation, la résurrection finale, etc. On voit, par ces exemples, combien la terminologie et instable. Cf. part. II, tract, viii, q. xxxi, memb. 2, a. 3.

5. L’enseignement de saint Thomas. —

Saint Thomas accepte et explique la définition augustinienne, qu’il ne cite jamais textuellement, In /V am Sent., dist. XVII, q. i, a. 5, sol. 1 ; dist. XVIII, q. i, a. 3, obj. 2-4 ; De potentia, q. vi, a. 2, et obj. 1 ; a. 9, obj. Il ; Sum. theol., I a, q. cv, a. 7, obj. et ad 2um. Dans ses explications, le Docteur angélique accentue le caractère transcendant du miracle. Dans ces divers textes, on remarque… que le mot naturse, qui chez Albert le Grand ne servait qu’à préciser prseter spem dans l’explication de l’expression, se trouve maintenant introduit dans la définition elle-même, pour déterminer soit supra farultatem, soit prseter (supra) spem. La défi.iition n’en exprime que d’autant mieux le rapport du miracle aux facultés cognitives ou opératives de celui qui en est le témoin. Aussi le terme (ad)mirantis a-t-il une certaine tendance à disparaître. C’est ce qui arrive à l’endroit cité des Sentences où saint Thomas n’énumère que trois éléments de la définition, et à celui de la Somme, où les expressions supra facullatem et supra spem sont toutes deux déterminées par naturse. » Si l’on voulait synthétiser la pensée de saint Thomas, on pourrait, avec M. Van Hove, op. cit., la ramener à trois notions essentielles : 1° « Au point de vue du cours des événements, le miracle est un fait exceptionnel, en dehors du cours commun et normal des choses. » C’est l’explication de Vinsolitum de saint Augustin. 2° « Au point de vue du sujet du miracle : le miracle comporte que les puissances naturelles du sujet où il se produit n’en possède que la puissance obédientielle » ; c’est l’explication du supra ou prseter spem (ou facultatem) naturse. 3° « Au point de vue de sa cause efficiente, le miracle dépasse toutes les forces créées et ne peut être produit que par Dieu. » C’est l’explication de Varduum. Vouloir négliger l’un de ces éléments, c’est s’exposer à ne donner de la notion thomiste du miracle qu’un aperçu incomplet. On peut adresser ce reproche à E. Le Roy, qui n’a défini le miracle, d’après saint Thomas, que par le caractère exceptionnel. Annalesde philosophie chrétienne, décembre 1906, p. 228.

Par là nous aboutissons à une définition du miracle, propre à saint Thomas. Sum. theol., I a, q. cv, a. 7 : Miraculum dicitur quasi admiratione plénum (aspect subjectif, augustinien, expliqué et complété par ce qui suit) : quod scilicet habet causam simpliciter et omnibus occultam. H sec autem est Deus. Unde illa quæ a Deo fiunt prseter causas nobis notus, miracula dicuntur. Et pour bien préciser que le miracle relève de Dieu seul comme de sa cause efficiente, saint Thomas explique qu’il doit consister en un fait accompli prseter ordinem totius naturse creatse. Id., q. ex, a. 1.

En vertu de ces précisions, sauf de rares exceptions où l’on retrouve la terminologie antérieure, cf. De potentia, q. vi, a. 2, le mirum est nettement distingué du miraculum. Et la notion même du miracle devient ferme en raison de la rigueur du principe énoncé par saint Thomas. Le préternaturel angélique ou diabolique est nettement éliminé : quod habet causam simpliciter et omnibus occultam ; … quod sit prseter ordinem totius naturse creatse. Voir cependant quelques emplois du mot miraculum pour les prodiges préternaturels : De malo, q. xvi, a. 9, ad llum ; Di Joa., c. x, lect. 4 ; Comp. theol., i, c. cxxxvii. Les faits transcendants, mais conformes au cours naturel ou à la tendance des choses ne sont plus miracles : tels, la création du monde, la création des âmes, la justification du pécheur. Enfin, rien n’empêche que soient catalogués parmi les miracles des faits vraiment accomplis par Dieu, prseter causas nobis notas, tels que la résurrection générale. In IV’Am Sent., dist. XVIII, q. i, a. 3, ad 3um ; dist. XL. III, q. i, a. 1, sol. 3 ; De potentia, q. vi, a. 2, ad 4um ; la transsubstantiation, Sum. theol., III a, q. xxix, ad 2um ; la conception virginale, Id., q. xxxiii, a. 4 ; In IIIum Sent., dist. III, q. ii, a. 2 ; Quodlib., vi, a. 18 ; In epist. ad Heb., c. xi, lect. 3 ; Comp. theol. I, c. ccxxvi ; l’incarnation, Sum. theol., III a, q. xxxi, a. 1, ad 2° m ; In III* m Sent., dist. III, q. ii, a. 2 ; In 7Vum Sent, dist. XI, q. i, a. 3 ; De potentia, q. vi, a. 2, ad 3um et ad 9um ; a. 9, obj. 9.

Spéculations théologiques postérieures.


Les formules de saint Thomas ont fait loi dans la théologie catholique, qui se contente de préciser quelques points particuliers.

1. Classification des miracles. —

Saint Thomas a donné deux classifications principales du miracle.

Une première classification, communément admise, distingue les miracles en miracles supra, contra, præter naturam. De potentia, q. vi, a. 2, ad 3um. Cf. In II* m Sent. dist. XVIII, q. viii, a. 3 ; In epist. II am ad Cor., c.xii, lect. 4 ; In epist. ad Heb., c. ii, lect. 1 : — Supra : des faits ne pouvant d’aucune façon être produits par la nature, soit absolument (glorification des corps, incarnation), soit relativement au sujet (résurrection d’un mort). Contra : des faits supposant à une disposition que garde la nature (cf. A. de Poulpiquet, Le miracle et ses suppléances, p. 174), contrairement à l’effet produit par Dieu (jeunes gens dans la fournaise, enfantement virginal). Præter : des faits que peut produire la nature, mais que Dieu réalise d’une façon que la nature ne peut imiter (guérison instantanée, changement de l’eau en viii, multiplication des pains.)

Une deuxième classification est introduite à propos de la question si un miracle est plus grand qu’un autre, Sum. theol., I a, q. cv, a. 8, et distingue les miracles par rapport à la puissance de la nature créée, que dépasse l’effet miraculeux ; elle considère la substance du fait miraculeux, son sujet et la manière dont il est produit. C’est un miracle quoad substantiam facti, quand la nature créée ne peut le produire en aucune façon. C’est un miracle quoad subjectum in quo fit, quand il ne peut être produit par la nature dans le sujet même où il est réalisé : c’est le cas de la résurrection d’un mort, de la vue rendue à un aveugle.