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    1. MIRACLE##


MIRACLE. DEFINITION TRADITIONNELLE

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prépare la notion catholique du miracle, mais ne la formule pas encore d’une manière précise et surtout exclusive.

3. L’influence augustinienne sur les écrivains postérieurs. —

Le haut Moyen Age a été sobre en fait de déclarations doctrinales touchant le miracle. L’inspiration augustinienne s’y reflète constamment, et la plupart des auteurs placent plus ou moins explicitement les miracles sur le même pied que les événements naturels : au fond, tous ne sont-ils pas également merveilleux et dus à la providence de Dieu ?

Saint Grégoire le Grand, par exemple, trouve les naissances quotidiennes d’hommes qui n’étaient pas, plus merveilleuses que la résurrection d’un mort qui a vécu ; la multiplication des pains moins merveilleuse que la génération des semences. Seule, leur fréquence a rendu viles et négligeables ces merveilles quotidiennes. Moral., IV, xv, 18, P. L., t. lxxv, col. 738-739 ; Ilomil. in evang., boni, xxvi, 12, t. lxxv], col. 1204. Plus tard, saint Pierre Damien rapprochera le miracle des merveilles de la nature. Dediuina omnipotentia, c. x-xi, P. L., t. cxlv, col. 011-614. « Sans aller jusqu’à affirmer que saint Augustin ait en la matière commandé tout ce que le haut Moyen Age a pensé au sujet du miracle, on ne peut s’empêcher de rapprocher des doctrines augustiniennes sur le caractère « miraculeux » des événements naturels et le caractère « naturel » du miracle, la crédulité médiévale qui a si fréquemment considéré comme faits historiques les faits les plus extraordinaires et les plus invraisemblables, sans ressentir le moindre besoin d’un examen critique. N’est-ce point en effet que l’on considérait le merveilleux comme un résultat normal et naturel de l’existence d’un Dieu toutpuissant qui gouverne le monde ?… Qu’on songe seulement un instant à l’abondante littérature des Vite, des Annales, des Chroniques, ou aux nombreux écrivains qui, comme saint Grégoire de Tours, saint Grégoire le Grand, et plus tard Pierre le Vénérable et Césaire d’Heisterbach, ont entrepris exprofesso la narration des faits merveilleux, capables d’édifier ou au moins d’intéresser les fidèles, qui étaient réputés s’être passés soit dans l’antiquité soit même à leur époque ! » Cf. Van Hove, op. cit., p. 34-35. On trouve aussi trace d’une mentalité semblable chez Raban Maur, Robert Pulleyn, Randinus, Roland Randinelli. Et cependant, même chez ces auteurs, il s’en trouve plus d’un qui sait mettre en même temps une opposition entre le fait naturel et le miracle proprement dit, le premier étant directement l’œuvre des forces créées, le second ayant pour cause unique et immédiate l’opération divine. Mais cette discrimination sera l’oeuvre du xiie siècle.

4. Première élaboration chez les scolastiques des XII* et XIIIe siècles. —

Saint Anselme, le premier, distingue un triple ordre de choses, d’après l’ordre des causes agissantes : nature, volonté de la créature, volonté de Dieu. Quand Dieu est seul à agir, son activité constitue le cursus mirabilis. Liber de conceptu virginali, c. xi, P. L., t. ci.vm, col. I l"> 146. Désormais, on caractérisera de plus en plus le miracle par son origine immédiatement divine.

Au Mi’siècle, on n’a encore sur ce point que des indications occasionnelles et peu explicites, qu’on trouve néanmoins déjà chez Alger de I.iége, Abélard, l’auteur des Scidenti.-r divinitatis, Alain de Lille, Pierre de Poitiers et même chez Robert Pulleyn et Roland l’andinelli. D’autre part, l’augustinisme se retrouve chez saint Bernard, qui note que les faits naturels diffèrent des miracles en ce que l’habitude les avilit. In vigilta Ndiivitatis Damini, sermo IV, n. 3, P. L., t. ci KXIII, col. PU. et à un degré moindre chez Rupert de Deutz, Pierre le Vénérable, Adam de Perseigne. Van Hove, op. cit.. p. 39.

Césaire d’Heisterbach, donne encore du miracle une définition augustinienne : Miraculum dicimus, quicquid /it contra solitum cursum natunr, unde miramur. Dialogus miraculorum, x. 1, édit. Strange, Bruxelles, 1851, t. ii, p. 217. D’après S. Thomas, De potentia, q. vi, a. 2, sed contra 2, Richard de Saint-Victor aurait ainsi défini le miracle : Opus Creatoris mani/cstativum divinse virtutis. Aux « Magistri », Albert le Grand rapporte une définition analogue : Opus divinse potentia" ostensiinim. In 1 Ium Sent., dist. XVIII, a. 3. Guillaume d’Auxerre, sans définir le miracle, le caractérise nettement. Les miracles sont supra naturam. en opposition aux faits naturels, qui sont secundum naturam, et la raison de cette opposition se trouve dans les causes efficientes des uns et des autres. Les faits naturels viennent de Dieu, sans doute, mais par le moyen des causes naturelles secondes. Summa aurea, t. I, c. xii ; t. IV, c. ii, iv. Guillaume d’Auvergne définit les miracles : Virtutis Dei admirandas operationes insolitas cursuique natures contrarias. De /ide, c. m. Alexandre de Halès développe longuement cette notion. Il explique la définition de saint Augustin dans le sens de la transcendance du miracle et de la causalité immédiatement divine. Ardiium dicitur supra potestatem naturæ, ou encore : Miracula ab alio principio fiunt quant sit naturel, scilicel a superiori, id est, prima natura. Sum. Iheol., II a, q. lxii, memb. 1, 3. Insolitum (non dicitur) tuntum quia raro evenit…, sed quia contra consuetum cursum naturæ, elsi fréquenter, eveniat. Id., ibid., les monstres sont eux aussi contra naturam ; mais parce qu’ils sont produits par la nature, ils ne sont pas des miracles. La signification large de miraculum, dans le sens de merveilleux naturel ou préternaturel, existe chez Alexandre, d’après la terminologie même de saint Augustin. Ibid., memb. 1 : cf. q. lxxxv, memb. 3, et S. Augustin, Liber de div. queest., q. i.xxix, n. 4, P. L., t. xx., col. 92. La signification du mot mirabile est encore plus vague, et désigne à la fois le vrai miracle, le simple merveilleux angélique ou diabolique, les mystères de l’ordre surnaturel et la conduite divine des choses naturelles. Van Hove, op. cit., p. 13.

Saint Bonavénture, à propos de la formation d’Eve, exige deux conditions pour qu’il y ait miracle : le fait miraculeux doit être causé à la fois immédiatement par Dieu et contre la nature ; la nature peut le produire, mais d’une autre manière. Les phénomènes que la nature ne peut d’aucune manière produire sont supra naturam ; ce sont les mirabilia, véritables miracles néanmoins, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. In II"" 1 Sent., dist. XVIII, a. 1, q. H, ad 5’"" el 6um. D’ailleurs la terminologie de saint Bonavénture n’est pas constante.

On peut en dire autant de la terminologie d’Albert le Grand. Soit dans la Summa de creaturis, part. I. tr. i, q. i, a. 8, soit dans le Commentaire sur les Sentences, 1. H, disl. XVIII. a. 3, soit dans la Suntma theologim, part. II, tract, viii, q. xxxi, memb. 2, a. I, Albert reprend la définition augustinienne. Dans le Commentaire, chaque terme en est expliqué. Arduum exprime que la cause efficiente du fait miraculeux est supérieure à toutes les causes naturelles et volontaires, leic. cit., ad l 1 "", le miracle est donc une œuvre essentiellement divine ; cf. dist. I, a. 8 ; dist. XVIII, a. 2. Insolilum signifie plus que la simple rareté, notamment l’opposition au cours ordinaire des choses, el même l’absence d’une cause ordinaire et naturelle. L. ii, dist. XVIII, a. 3, ad 2° m et S » ; I. IV, dist. XVII, a. 12. Les deux autres éléments de la définition (supra spem aut facuttatem mirantis) expriment Albert le Grandie dit explicitementle rapport du