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MINUCIUS FELIX

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xvi-xxxyiii. Après avoir exprimé en quelques mots le droit de l’intelligence â rechercher la vérité, le pouvoir qu’elle a d’y atteindre, il démontre l’existence et l’unité de Dieu, la providence avec laquelle il gouverne l’univers, xvii-xix. Son argumentation, un peu superficielle, fait surtout état de l’harmonie du monde, de l’adaptation qu’on y remarque de moyens à des fins, et qui exclut le j ?u du hasard. Un développement plus spécial est consacré à l’unité divine, xviii, 5xix. C’est vers ce Dieu unique et provident que doivent s’orienter les hommes, car les superstitions, même traditionnelles, ne peuvent satisfaire leur instinct religieux. Suit une critique du paganisme, inspirée de l’évhémérisme, et une démonstration de la vanité de l’idolâtrie, xx-xxiv. C’est bien à tort qu’on attribuerait à de si misérables pratiques la puissance de l’Empire romain ; les quelques réalisations d’oracles en provenance des sanctuaires païens ne prouvent que l’habileté des démons ; « ce sont eux qui inspirent les devins, font palpiter les fibres des entrailles… font rendre des oracles, où un peu de vérité est enveloppé d’une plus grande quantité de mensonges ». xxvii, 1. C’est d’eux encore que provient, en définitive, la persécution contre les chrétiens. Et Octavius de discuter les uns après les autres tous les ragots qui traînaient dans les milieux populaires, et jusque dans les cercles les plus élevés de la société romaine, xxviixxxi. Le culte des chrétiens est pur ; sublime est leur doctrine. Et ceci donne à l’avocat du christianisme l’occasion de revenir sur l’enseignement de la nouvelle religion relatif à Dien et à l’eschatologie. La destruction finale du monde n’est-elle pas enseignée par les philosophes antiques ? Et quant à la résurrection des corps, n’en découvre-t-on pas le germe dans les doctrines de Pythagore et de Platon sur l’immortalité de l’âme et la métempsycose, de même que l’on retrouve dans les poètes classiques l’idée des rétributions futures, xxxiv-xxxv. Enfin la comparaison de l’idéal du chrétien avec celui du païen est tout à l’avantage du premier. « Paisibles, humbles, confiants dans la générosité de notre Dieu, nous sommes animés de l’espoir d’une félicité future, dont sa majesté présente est un gage certain. » xxxviii, 4. Et l’orateur de conclure : « Nous qui portons la sagesse, non pas sur notre visage, mais dans notre cœur, qui ne disons pas de grandes choses mais qui les faisons, nous nous glorifions d’avoir trouvé ce que les philosophes ont cherché avec les plus grands efforts sans pouvoir le rencontrer. » xxxviii, 0.

IL Caractères généraux. — On le voit, l’ensemble de l’argumentation demeure sur le terrain proprement philosophique, mais il faut toute l’ignorance de certains philologues en matière religieuse pour faire de Minueius, soit un hérétique en rupture de catholicisme, soit un déiste en marge du christianisme.

Il va de soi, et l’auteur l’indique lui-même, que la démonstration n’est pas une apologie complète du christianisme ; Octavius veut seulement amener son ami à la porte du sanctuaire : « Pour ce qui est du fond de la question dit Cécilius, je reconnais la Providence, je me rends quant à l’existence de Dieu et je tombe d’accord de la pureté de votre religion, qui est désormais la mienne. Pourlant il reste quelques points, qui sans doute ne font pas obstacle à la vérité, mais dont l’éclaircissement est nécessaire pour une complète instruction. » xi., 2. Ainsi se trouve affirmée, avec une netteté qu’on ne voit nulle part ailleurs dans les anciens, la distinction des privambuhi ftdei et de l’enseignement révélé lui-même. Ce dernier n’est pas louché ici, on sait que les catéchumènes y étaient seulement initiés dans les semaines qui pré cédaient le baptême.

Mais de la préparai ion philosophique à la vérité,

l’esprit chrétien est loin d’être absent. Sans doute l’Écriture n’est jamais rapportée expressément, pourtant nombreux sont les passages de VOctavius qui ont leur parallèle dans le texte sacré. A dire vrai, la longue liste établie par Waltzing, p. 213-214 de sa grande édition, ne contient pas que des rapprochements indiscutables, il reste pourtant que, sur quelques points très précis de doctrine, VOctavius utilise les idées et parfois même les mots de l’Écriture. C’est le cas, en particulier, pour l’omniprésence de Dieu, Oct., xxxii, 9 ; le culte en esprit et en vérité, xxxii, 1 ; l’inutilité des sacrifices matériels, xxxii, 2-3, xxxviii, 1 ; la providence divine s’étendant aux oiseaux des champs, xxxvi, 5 ; le caractère moral de l’épreuve et de la souffrance, xxxvi, 9 et d’autres. Comme le dit très justement J. P. Waltzing, « si Minueius ne cite jamais expressément un texte de la Bible, ce n’était pas faute de la connaître : il voulait, c’est un éloge qu’il s’adresse à lui-même, xxxix, combattre les païens avec leurs propres armes ». Op. cit., p. 216. En fait, c’est aux philosophes de l’antiquité profane, spécialement à Cicéron et à Sénèque qu’il emprunte ses preuves en faveur des vérités de la religion naturelle, comme c’est aux poètes, aux érudits, aux archéologues qu’il demande des arguments contre les croyances et les pratiques païennes.

III. Auteur et date.

Sur l’auteur de ce charmant opuscule, il est impossible de rien dire, car nous n’avons sur lui que les maigres renseignements que nous fournit l’œuvre elle-même. Les plus anciens témoins étaient logés à la même enseigne. Quand nous aurons dit que Minueius était avocat au barreau de Rome, que, païen de naissance, il s’était converti assez tard, nous aurons dit à peu près tout ce que nous savons.

La date même de son œuvre n’est pas très facile à préciser. On ne peut remonter plus haut que le discours de Fronton contre les chrétiens, car il est fait à ce pamphlet une claire allusion, Octav., ix, 6 ; xxxi, 2. Comme Fronton est mort vers 170, on a ici un terminus a quo suffisamment ferme. Par ailleurs le traité quod idola dii non sint attribué (mais avec quelque hésitation) à saint Cyprien († 258) fournirait un terminas ad qacm, car il a pillé littéralement VOctavius. Cette marge de trois quarts de siècle, il est assez difficile de la resserrer.

On a essayé de le faire en précisant les rapports qui existent entre Minueius Félix et Tertullicn. Ces rapports sont incontestables, et il existe un réel parallélisme entre de nombreux développements de VOctavius et des passages de V Apologeticus, de V Ad nationes, du De anima et du De corona de Tertullien. En voir l’énumération dans Waltzing, op. cit., p. 214-215 et dans P. Monceaux, Hist. lilt. de l’Afrique, t. I, p. 468 ; voici les plus évidents de ces rapprochements : Apol., vii = Octav., xxviii, 6 ; Apol., ix = Octav., xxx. 3-6, xxxi, 2 ; Apol., xvii = Octav., xviii, 11 ; Apol., xxiixxiv = Octav., xxvi-xxvii ; Apol., xi.vm = Octav., xxxiv, 11, xxxv, 3 ; Ad nat.. ii, 2 = Octav., xiii, !, xix, 8 ; De cor., x Octav., xxxviii, 3, etc. Il ne s’agit pas seulement d’idées analogues et d’arguments semblables, mais d’une parenté des mots, des tournures, du raisonnement général, qui ne peut être fortuite. Cette parenté est d’ailleurs reconnue par tous les critiques.

Où l’on diffère c’est dans l’explication que l’on en donne ; les trois hypothèses possibles, utilisation par Tertullien et Minueius d’une source commune, antériorité de Tertullien, antériorité de Minueius, ont été soutenues par d&j critiques de valeur et avec des arguments spécieux. Aucune n’a réussi à s’imposer delin tivement. La première (Hartel, Wilhelm, Agami)

a semblé trop schématique, et n’a rencontré que pou