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MINISTRE DES SACREMENTS, ROLE


mortis rcaliim incurrunt. De sacrum, administr., 4. La faute est mortelle d’après tous les moralistes. Saint Thomas fonde cette gravité sur deux motifs : pertinet ad irreverentiam Dei et contaminationem sacramentorum, Sum. theol., III a, q. lxiv, a. f>. De ces deux fondements, le premier surtout paraît important au Docteur angélique : c’est pourquoi il ne considère pas comme péché mortel l’acte du laïc ou même du prêtre qui, en cas de nécessité, donnerait le baptême d’une manière privée : n'étant pas officiellement représentant de Dieu, il manque de respect au sacrement, mais non plus directement à Dieu : non exhiberet se ministrum Ecclesise, sed subueniret necessitatem palienli. Ibid. ad 3um. Saint Alphonse de Liguori, qui préfère l’opinion plus sévère, admet cependant que celle-ci soit probable et puisse être suivie en pratique. Theol. mor., 1. Vf, n. 32. Quoi qu’il en soit, le prêtre étant, par office, ministre de la plupart des sacrements, le Rituel, après avoir rappelé l’excellence et la sainteté de ses fonctions, lui recommande de travailler sans relâche à sa sanctification et de mener une vie « intègre, chaste et pieuse », pour être toujours à même d’administrer les sacrements avec toute la dignité morale et le respect qu’exige son rôle : meminisse in primis débet se sancta Iractare, aique omni fere lemporis momento ad tam sanctæ administrationis officium paratum esse oportere. Loc. cit., 3 et 4.

On trouvera chez tous les moralistes les détails pratiques qui se rapportent à cette nécessité de l'état de grâce pour administrer les sacrements, par exemple, Noldin, t. iii, n. 32 sq. ; Prummer, t. iii, n. 56 sq. 3. Grâces secondaires.

Le sacrement reste le

même dans son essence et dans ses fruits, quel que soit le ministre qui le confère ; la grâce que le fidèle y reçoit demeure identique, parce qu’elle est un don de Dieu, non un résultat de la valeur morale de l’homme. Efjectus sacramenti non datur melior per meliorem ministrum. Sum. theol., lîl a, q. lxiv, a : 2, ad 2um.

Cependant la dévotion personnelle ou la sainteté du ministre ne sont pas absolument sans efficacité. Au sacrement, toujours identique à lui-même, l'Église a ajouté, en effet, des prières et des cérémonies qui, récitées avec plus de piété, accomplies avec plus de dévotion, par un prêtre plus saint, obtiennent des grâces accidentelles plus abondantes. Aliquid annexum impetrari potest suscipienti sacramentum per devotionem ministri ; nec tamen minister illud operatur, sed impetral operandum a Deo. Ibid., a. 1, ad 2um. C’est pour cela qu’une messe célébrée par un saint, une absolution donnée par lui peuvent être plus efficaces. La messe ou l’absolution demeurent les mêmes ; leur effet ex opère operato ne change pas ; mais les prières qui les accompagnent, parce qu’elles sont d’un saint, ont, ex opère operantis, une vertu spéciale pour attirer les grâces de Dieu. Cf. Sum. theol., lll a, q. lxxxii, a. 6. III. Rôle nu ministre.

Au fond de ces discussions et de ces incertitudes sur les conditions d’orthodoxie et de moralité que doit remplir le ministre des sacrements, la vraie question qui se posait, sans que l’on en eût toujours conscience était celle-ci : Quel est, dans le sacrement, le rôle du ministre ? Dans l'œuvre de sanctification qui s’opère par le rite sacramentel, dans la production de la grâce que Dieu y a attachée, quelle part exacte lui revient ? Tant que cette question ne fut pas pleinement élucidée, partout où elle reçut des réponses erronées, le doute ou l’erreur se traduisaient dans la pratique par des exigences excessives, par le refus de reconnaître les sacrements conférés par des hérétiques ou par des indignes. — Or, sur ce point, deux grands courants se sont affrontés.

1° L’erreur. - Selon les uns, le ministre donne vraiment la grâce ; s’il ne l’a pas, il ne peut la donner. Le

sacrement devient ainsi l'œuvre personnelle de celui qui le confère ; le ministre l’accomplit en son propre nom : la grâce sacramentelle est dépendante de la grâce personnelle du prêtre, inexistante si le prêtre est luimême dans le péché ou l’hérésie, plus ou moins abondante selon le degré de sainteté que possède le prêtre. Ainsi raisonnaient certains des évêques d’Afrique qui soutenaient saint Cyprien dans l’affaire de la rebaptization : au concile de Cathage, tenu par saint Cyprien en 256, plusieurs des évêques expriment leur avis par cette simple formule : « Ne possédant pas la grâce, les hérétiques ne peuvent la donner. » P. L., t. iii, col. 1070. Cette conception simpliste fut adoptée quelque temps par les donatistes, â en juger par les réfutations de saint Optât, De schismate donat., t. V, 4, P. L., t. xi, col. 1052 sq., et de saint Augustin, Contra litt. Petiliani, t. II, c. xxxv, n. 82, P. L., t. xlhi, col. 288 ; cf. In Joan., tract, v, 13, et vi, 8, P. L., t. xxxv, col. 1421, 1429. Elle reparut dans les erreurs cathares sous leurs diverses formes, dans les mouvements révolutionnaires qui, sous prétexte de protester contre la corruption de l'Église, niaient tout pouvoir sacramentel au pape, aux évêques ou aux prêtres prévaricateurs, dans les hérésies de Wiclef et de Jean Hus ; cf. prop. 4 de Wiclef condamnée au concile de Constance : 5/ episcopus vel sacerdos existât in peccato morlali, non ordinat, non consecral, non conficit, non baplizat. Denz.-B., n. 584.

Saint Cyprien était trop éclairé pour se contenter d’une théorie aussi peu théologique. Sans doute il lui arrive de l’exprimer dans sa nudité ; il dit par exemple : Quis potest dare quodipse non habeat ? aulquomodo potest spiritalia agere qui ipse amiserit Spiritum sanctiun ? Epist., lxx, 2, Hartel, p. 769. Mais il comprend bien que, pour la rendre acceptable, il faut la rattacher à une base dogmatique plus large et plus solide : cette base, il la trouve dans le dogme de l’unité de l'Église. On sait que saint Cyprien fut un des premiers et des plus vaillants champions de ce dogme ; son traité De unitale Ecclesise, s’il n’est pas sans défauts, affirme avec une parfaite netteté la nécessité d’appartenir à la véritable Église, à la seule Église, si on veut arriver au salut. Il a formulé cette nécessité dans une expression aussi précise que celle à laquelle nous sommes habitués : Habere nonpotest Deum patrem, qui Ecclesiam non hubet matrem, c. vi, Hartel, p. 214. Pas de salut, pas de grâce en dehors de l'Église. Mais, faute d’avoir su distinguer dans l'Église le corps et l'âme, il aboutit à cette conclusion erronée que, les sacrements étant uniquement biens d'Église, le ministre n’y pouvant agir qu’au nom de l'Église, quiconque se trouve hors de l'Église est complètement exclu du domaine des sacrements, incapable de les donner, incapable de les recevoir. Autrement, dit-il, ce serait briser l’unité de l'Église hors de laquelle il n’y a pas de baptême, Epist., i.xx, 1, Hartel, p. 767 et 771 ; ce serait nier le privilège accordé par Dieu à son Église, privilège exclusif et qui n’appartient pas à l’hérésie, de. posséder et de donner â ses enfants la pureté, la vie, la sainteté : Si autem in lavacro, id est in baptismo, est generatio, quomodo generare filios Deo hæresis per Christum potest, quæ Christi sponsa non est ? Si ergo hœc est dilecta et sponsa quæ sola a Christo sanctifleatur et lai>acro ejus sola purgatur, manifestum est luercsim, quie Christi sponsa non sil, nec purgari, nec sanctificari lavacro ejus possc, filios Deo generare non posse. Epist., i.xxiv, 6, Hartel, p. 804. Des raisonnements analogues furent ('gaiement invoqués par plusieurs évêques du concile de 256. Primus de Misgirpa s’exprime ainsi : Non (est) baptisma nisi in Ecclesia unum et verum ; quia et Deus unus et fuies una et Ecclesia una est in qua stal unum baptisma et sanctitas ; et un autre :