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MIGNE, LES PATROLOGIES

tions utiles qui ont été faites sur ces écrivains, ainsi que les variantes, notes, remarques nécessaires pour l’intelligence du texte.

Enfin, pour que la nouvelle publication puisse être réellement à la portée de tous, elle est faite à un prix très bas : cinq francs pour les volumes de la Patrologie latine, huit francs pour ceux de la Patrologie grecque, pour ceux qui souscriront aux deux séries. « Nous le disons ici, écrit Bonnetty, sans partialité et après tous les organes de la presse, c’est un phénomène qu’un seul homme, sans être aidé par aucun gouvernement, ait pu réaliser de semblables résultats. » Ann. de philos. chrét., t. xxxiii, p. 349. Ce résultat est d’autant plus extraordinaire et tout à l’honneur de Migne que, peu d’années auparavant, un projet semblable, entrepris par Castelli, qui avait reçu les encouragements de Grégoire XVI et de plusieurs souverains catholiques, qui avait obtenu que l’on mît à sa disposition les presses de la Propagande, avait complètement échoué.

b) La mise en œuvre. — Pour mener à bien une telle entreprise. Migne avait besoin de collaborateurs. Il s’adressa à dom Guéranger. L’abbé de Solesme lui signala le nouveau prieur de Saint-Germain-des-Prés, formé à Solesme, dom Pitra. Dom Pitra était préparé à collaborer activement, sur cette partie, avec l’éditeur catholique. Il avait fait des Pères, durant son séminaire, son étude favorite, et son goût pour la patristique s’était encore développé à Solesme. Il accepta sans hésitation et, trois jours après, il apportait un prospectus qui donnait, « en quelques pages, une vue très nette de l’ensemble du projet, la liste des auteurs, des éditions et des dissertations qui devaient entrer dans cette collection. » Dom Cabrol, Histoire du card. Pitra, p. 111.

Il était impossible de songer à faire, pour chaque auteur, une édition critique : un projet aussi vaste n’aurait jamais été réalisé. Le mieux était donc de choisir les éditions des Pères et des écrivains ecclésiastiques que l’on jugeait les meilleures, les notes que l’on y ajouterait, les dissertations les plus rares et les plus remarquables qui accompagneraient le texte, sans cependant s’interdire de corriger le texte d’après les meilleurs manuscrits, d’indiquer les variantes importantes des principales éditions, de donner quelques fragments inédits, en faisant, en un mot, une véritable editio variorum, comme ce fut le cas pour Tertullien, Minutius Félix, saint Cyprien, etc… Dom Pitra assuma une grande partie de la tâche. Migne, dans l’Index XI, sous la rubrique Editores Patrologiæ, « inter quos præcipuus R. P. Pitra, O. S. B. », P. L., Tables, t. i, col. 338, ne cite pas d’autre nom que celui du prieur de Saint-Germain. Il eut donc dans l’édition de la Patrologie une part importante, y consacrant un travail considérable. De fait, il collabora à toute la Patrologie latine et à la Patrologie grecque, jusqu’à Photius. En 1865, devenu cardinal, il envoyait à Migne des notes pour la continuation des écrivains latins jusqu’en 1450.

A côté de dom Pitra et des bénédictins de France, d’autres collaborateurs méritent d’être signalés : Mgr Malou, évêque de Bruges, Forbes, de Glasgow, Floss, professeur à l’Université de Bonn, Œhler, professeur à Halle, Nolte, de Vienne, Denzinger, professeur à l’Université de Wurzbourg, qui fournit différents fragments inédits, Caillau, qui fit profiter Migne des manuscrits bénédictins dont il était dépositaire.

Après la préparation des matériaux qui devaient entrer dans les Patrologies, il fallait passer à la composition. Migne voulut que sur ce point son œuvre fut irréprochable, Les prêtres qu’il avait accueillis a l’imprimerie du Petit-Montrouge étaient tout désignés pour les rôles de compositeurs et de correcteurs des ouvrages latins. Pour la Patrologie grecque, la tâche était moins aisée. Afin d’obtenir un texte net et élégant qui pût lutter avec les plus belles éditions modernes, il fit d’abord graver par Friry deux sortes de caractères, dont l’un, italique, devait mettre en évidence les mots et les citations que l’on voulait faire distinguer du texte ; c’est un perfectionnement que Migne est le premier à avoir introduit dans l’impression de la langue grecque. Ces caractères furent fondus dans ses ateliers. Il chercha ensuite, en dehors de France, des compositeurs et des correcteurs, qui non seulement connaissaient les lettres grecques, mais comprenaient ce qu’ils composaient. Il eut ainsi plusieurs grecs comme compositeurs, Sympsomo, Pantazidès et Dobriadès. Il s’attacha comme correcteurs Lehmann, de Leipzig, Reitchard, de Stuttgard, Sidon, de Cologne, Beyerlé, de Hanovre, Guardia, de Palma, Laas d’Aguerr, de Hollande, Tarlet, de Bruxelles, l’hébraïsant Drach, etc… ; une attention particulière fut donnée aux accents, fort négligés par les anciens bénédictins. L’éditeur ne recula pas devant les plus grands sacrifices pour aboutir à une perfection typographique aussi grande que possible : il en fut ainsi pour les Hexaples d’Origène. Dix-huit feuilles de cet ouvrage étaient déjà clichées ; Drach qui était chargé de la direction et de la correction du volume, voulut mettre à leur place les variantes du manuscrit de Coislin, que les bénédictins avaient renvoyées à la fin. On jeta à la fonte les dix-huit clichés et tout le volume fut repris par Drach. De même, il fit ajouter au volume déjà imprimé de la Préparation évangélique d’Eusèbe 260 colonnes, pour utiliser le travail de Séguier de Saint-Brisson, variantes et notes.

Ces détails suffisent pour donner une idée précise de la somme extraordinaire de travail et des efforts soutenus qui s’imposèrent à l’éditeur et à ses collaborateurs pour terminer, en vingt-deux ans, la publication des 388 volumes que contiennent les deux Patrologies. Mais, plus encore que le travail matériel, ce qu’il faut admirer ici, c’est l’initiative hardie, le sens de l’organisation, l’esprit d’ordre que supposent chez l’éditeur la mise en œuvre et la réalisation d’une entreprise aussi colossale.

c) Les sources. — La source la plus importante où devait puiser Migne est la Maxima bibliotheca veterum Patrum et antiquorum scriptorum ecclesiasticorum, publiée en 27 vol. in-fol., à Lyon, en 1677. sixième remaniement de la Bibliotheca SS. Patrum, éditée, un siècle plus tôt, par Marguarin de la Bigne, 8 vol., in-fol., Paris, 1575, complétée successivement à l’aide de la Bibliothèque des Pères, publiée par l’Université de Cologne, en 1616. du recueil liturgique de Hittorp et des publications du P. Fronton du Duc, 1618-1624. Une autre source importante est la Bibliothèque des Pères du P. Galland qui reprit, pour la compléter, la Bibliothèque de Lyon, en y ajoutant les Pères grecs et orientaux dans leur texte original ; cette publication était demeurée inachevée, 12 vol., in-fol, Venise, 1765-1788.

En dehors de ces grandes collections, Migne recourut à un grand nombre de bibliothèques particulières : aux bibliothèques polémiques de Simler, Scripta veterum latina, Zurich, 1571, de Gesner, Theologorum aliquot græcorum veterum orthodoxorum…, Zurich, 1559-1560, de Foggini, Opera selecta SS. Patrum, Rome, 1754-1771, de Gilbert Mauguin, Veterum scriptorum qui IX° s. de prædestinatione scripserunt opera et fragmenta, Paris, 1650, d’Oberthür, Opera polemica SS. Patrum, Wurzbourg, 1777-1794 ; aux bibliothèques scétiques de Chantelou, Bibliotheca Patrum ascetica, Paris, 1661-1673, de Poussines, Thesaurus asceticus, Paris, 1684, de Pez, Bibliotheca ascetica antiquo-nova, Ratisbonne, 1723-1740 ; à l’Homiliarium patristicum de