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MICHEL LE SYRIEN


d’autre part, il se laissa aller au népotisme et ne sut pas s’entourer, de sorte qu’il fut trahi par ceux qu’il avait le plus favorisés. Deux fois en quelques années, 1171 et 1176, les moines de son couvent de Màr Barsaumâ se révoltent ; le métropolitain Jean de Callinice, déposé en 1174, le fait arrêter par le préfet de Mardin, puis par les soldats de l’émir de Mossoul, Seif ad-din ; en 1177, c’est un différend avec le maphrien de Takrit. Mais la plus grosse épreuve devait venir à Michel de son disciple préféré, Théodore bar Wahboun, qui se laissa ordonner comme antipatriarche par quelques évêques mécontents. Pris, excommunié et dégradé en 1181, le rebelle s’évade du couvent de Mâr Barsaumâ et va intriguer à Damas auprès de Saladin, puis à Jérusalem, où il cherche l’appui des Latins contre le métropolitain Athanase, frère de Michel. A la mort du maphrien Jean, les évêques orientaux choisissent un moine du couvent de Mar Mattaï, Karim bar Masih ; mais Michel leur impose son neveu Jacques, consacré sous le nom de Grégoire. Bar "Wahboun et Bar Masih se réunissent contre le malheureux patriarche (1189). Puis Bar Masih ayant été dégradé en 1191, Bar Wahboun retrouve un protecteur dans la personne du catholicos d’Arménie, et obtient d’être reconnu par le roi de Cilicie comme ayant juridiction sur les Syriens de son royaume. Michel excédé veut se démettre au synode qui se tient à la Pentecôte 1193, mais les évêques refusent sa démission. Il est d’ailleurs délivré peu de temps après par la mort de Bar Wahboun. Le trouble continue cependant dans les diocèses orientaux, où Bar Masih intrigue de nouveau contre Grégoire. Enfin, dans les derniers jours de sa vie, Michel eut à lutter encore contre un de ses neveux, Josué Sephtânâ ou le Lippu, qui cherchait à s’assurer les votes des évêques pour la succession de son oncle.

Discuté par les siens, Michel semble avoir été plus considéré par les églises voisines. Le patriarche jacobite d’Alexandrie, à qui, dès son élection, il avait envoyé une lettre de communion, lui soumit son différend avec Marc ibn al-Qanbar, Chronique, p. 720, trad., t. iii, p. 379 sq. ; ses relations sont cordiales avec les catholicos arméniens de Hrom-klay, ses voisins, Nersès le Gracieux et Grégoire IV l’Enfant : il conseille ce dernier avec un ton de bienveillante protection. F. Tournebize, Histoire politique et religieuse de l’Arménie, Paris, 1900, p. 254. Toutefois, Michel ne les suivit guère dans leurs efforts pour s’unir aux Grecs, pour des raisons théologiques sans doute, mais peut-être aussi parce qu’il voyait dans un rapprochement avec Byzance un péril politique pour lui-même et pour son Eglise ; car le seul fait d’avoir reçu des lettres de l’empereur l’avait rendu suspect à certains émirs musulmans. Chronique, p. 704, trad., t. iii, p. 351 sq. Ses relations avec les Latins furent meilleures, nonobstant les jugements portés dans la Chronique sur les Francs et leur action en Orient. Les dignitaires latins reçurent Michel avec honneur et il attachait du prix à leur bienveillance : déjà on a vu son empressement à visiter les églises de Syrie et Palestine dès le début de son pontificat ; il les visita de nouveau les derniers mois de 1177 au printemps de 1179, et, entre temps, il eut soin de placer à Jérusalem, puis à Antioche, comme agent de liaison, un de ses frères, Slibâ consacré sous le nom d’Athanase. Il note avec complaisance les politesses ou faveurs que les Latins lui firent : réception dans l’église de Saint-Pierre, à Antioche, où on le fit asseoir sur la chaire de l’apôtre. Chronicon de Bahmani, éd. Chabot, p. 307, octroi de diplômes par les rois de Jérusalem, Amaury I er et Baudoin IV, Chronique, p. 719 sq., trad., t. iii, p. 379, invitation à se joindre au patriarche latin d’Antioche pour assister au

IIIe concile du Latran, qu’Alexandre III réunissait contre les Albigeois, ibid., p. 718, trad., t. ni. p. 377 sq.

Michel devait son prestige à l’incontestable noblesse de son caractère, intègre et ferme ; on peut penser qu’il le devait aussi à sa science. Un de ses contemporains, prêtre égyptien, répondant à une question de son neveu, le maphrien Grégoire, écrivait à son sujet, dans le style ampoulé de l’époque, mais non sans fondement : « … le bon pasteur, pieux et saint, seigneur de ceux qui ont été consacrés patriarches, gloire des peuples jacobites et notre gloire à tous, Anbâ Michel, ton oncle ; … plongé, comme il l’est, dans les sciences ecclésiastiques et philosophiques, leurs vagues battent sa pensée de leur entrechoquement comme le puissant Gihon (Nil), car il a embrassé toute connaissance et toute sainteté, céleste et terrestre… », L. Villecourt, Le livre du chrême, ms. Paris arabe 100, dans Le Muséon, 1928, t. xli, p. 51. Michel mérite donc le surnom de Grand ; il faut noter cependant que Barhébrœus, en accolant à son nom l’adjectif rabbâ, traduit « grand » par les orientalistes, n’entendait pas lui décerner un épithète d’honneur, mais simplement l’opposer à son neveu, Josué Sephtânâ, consacré sous le nom de Michel, surnommé ze’ourâ, ce qui ne doit pas être traduit « le Petit », mais « le Jeune », Michel le Grand devenant Michel l’Ancien, major et non magnus ; cf. W. Wright, A short history of syriac Literature, Londres, 1894, p. 150. — Le patriarche Michel mourut au couvent de Màr-Barsaumâ, le 7 novembre 1199.

IL Œuvres. — « Michel, dit Barhébrœus, laissa d’admirables ouvrages à l’Église de Dieu, » t. i, col. 606. Une anaphore est conservée sous son nom dans plusieurs mss., six au moins en Europe, dont un du xme siècle, Borgia Sijr. 159 : inédite, elle a été traduite par Eusèbe Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, t. ii, Paris, 1716, p. 438-447, et observation, p. 448, où il est noté que les oraisons y forment une série alphabétique. C’est Michel qui donna sa forme définitive au pontifical de l’église syrienne jacobite, .1. S. Assémani, Bibliothcca orientalis, t. ii, Rome, 1721, p. 155, encore inédit dans son ensemble, mais dont plusieurs parties ont été publiées outraduites. Cf. A. Baumstark, Geschichte der syrischen Lilcratur, Bonn, 1922, p. 299, n. 2. Quelques sedrâ ou parties d’offices portent le nom de Michel ; deux homélies métriques lui sont attribuées, dont une sur Jean de Mardin, dans un ms. de Deir Za’farân, l’autre sur Mâr Barsaumâ, ms. de Azekh, près Djézireh. Chabot, introd., p. xix. Nous savons aussi qu’il publia plu sieurs canons, tant au début de son pontificat que dans divers synodes, mais il n’en reste rien de défini : quelques citations dans le Nomccanon de Barhébrœus en proviennent peut-être. On lui doit aussi une biographie, écrite d’après des textes anciens, du légendaire évêque Abhay de Nicée, dont le Musée Britannique possède une copie faite de son vivant, en 1196, pour le couvent de Mâr Barsaumâ. Enfin, Barhébraus, t. ii, col. 351, mentionne une composition métrique à la louange d’une jeune chrétienne, qui avait été persécutée pour la foi à Mossoul en 1159. Ce poème n’a pas été conservé, non plus qu’un panégyrique de Denys bar Salibi, que Michel lui-même signale dans sa Chronique, p. 699, trad., t. iii, p. 345. Le Chronicon de Rahmani nous a conservé le début des instructions remises à Théodore bar Wahboun dont il sera question plus loin, l’acte de concession a titre personnel du diocèse de Mardin à son neveu, le maphrien Grégoire, éd. Chabot, p. 331-3, la sentence de déposition contre Bar Masih, p. 316-8, enfin une apologie de son neveu Grégoire, que Michel écrivit peu de temps avant de mourir, p. 334-6.

Deux ouvrages de Michel sont proprement théolo-