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MESSE DANS L'ÉGLISE BYZANTINE, CONTROVERSES


Cette manière ingénieuse de concevoir l’immolation du sacrifice eucharistique permet à la fois de montrer que c’est la consécration qui réalise cette immolation, et que le sacrifice eucharistique ne diffère pas, en réalité, du sacrifice de la croix. Car le théologien byzantin se pose l’objection tirée de l’unité de sacrifice de la Nouvelle Alliance si solennellement proclamée par saint Paul : « Ceci étant supposé, [dit-il, rien ne force à introduire plusieurs oblations du corps du Seigneur, uoXXàç t<xç Tcpoaayojyàç toû xupiaxoij gcùxx-ic, . Puisque ce sacrifice se produit non par l’immolation actuelle de l’Agneau, mais par le changement du pain en l’Agneau déjà immolé, il est clair que le changement a bien lieu, mais que l’immolation de la victime n’a pas lieu à ce moment ; et ainsi, ce qui est changé est multiple, et le changement se répète souvent ; mais rien n’empêche que le terme du changement (mot à mot : ce en quoi a lieu le changement) soit unique et reste le même ; que, de même qu’il n’y a qu’un seul corps, il n’y ait aussi qu’une seule immolation du corps, 71-p68yjXov g>ç yj [i.sv izia.60X75 yivexai, y) Se o-çay/) où yîvsTou tote, xal oûtoj to ji.èv (i.sTaêaXX6[i.evov TroXXâ, xal vj [XSTaêoX/) TroXXâxtç " tô Se sic o [xeTaoâXXeToa, oùSèv xcoXùsi êv xal to aura slva', . » Col. 441 A. Cette explication de l’essence du sacrifice de la messe diffère sensiblement, on le voit, des nombreuses théories de nos théologiens. Elle a cependant une grande affinité avec la conception de Suarez, et elle mérite considération.

A quel moment s’opère la consécration ? C’est sur ce point que Cabasilas s'écarte de la doctrine catholique. Il affirme que la transsubstantiation a lieu au moment où le prêtre demande à Dieu d’envoyer son Saint-Esprit pour faire du pain le corps du Christ, et du vin son sang, toùtcov elpyjfiivwv, to tcôcv ttjç Ispoopylaç Yjvuo’Tat. xal TSTÉXecTai, xal rà Sâipa Yjyiâafl/] xal ï) 0ucna àTr/)pTÎa-07). C. xxvii, col. 425 A. Il expose longuement son opinion, et attaque les Latins, qui attribuent la consécration aux paroles du Seigneur. C. xxviii-xxxi, col. 425-437. Cela ne l’empêche pas d’affirmer à maintes reprises que JésusChrist, à la messe, est à la fois le prêtre et la victime, que c’est lui qui est le ministre de notre sacrifice, XeiTO’jpyst tyjv XsiTO’jpylav t)u.gjv. C. xxviii, col. 428 B. Mais il n’opère le changement des oblats, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, qui est sa vertu, qu’au moment où le prêtre demande l’envoi du Saint-Esprit, TnaTSÙOfzev aÙTÔv etvai tov ÈvEpyoùvTa t6 |i.uafY)piov tÔv toû Kuploo Xôyov, àXX' oûtco, Stà Ispscoç, So’evteùÇecoç aùxoû xal eù^ç- C. xxix, col. 429 B.

Il faut remarquer aussi ce que notre théologien dit de l’offrande que Jésus fait de lui-même à son Père. Avant la consécration, le prêtre offre le pain et le vin et Jésus reçoit cette offrande. Mais quand les dons offerts deviennent lui-même, quand ils sont changés en son corps et en sang, alors le Christ s’offre luimême à son Père. C’est parce qu’il s’offre lui-même qu’on dit que le même offre et est offert, et reçoit ; il offre et il reçoit comme Dieu ; il est offert comme homme, irpoo-'-pépsi (xèv yàp xal ô Kùpioç, àXX'éaurôv to) ITxrpî, xal xà Soipa TaÙTa, ÔTav aÙTÔç yévcovTat… TTpoacpepcùV |i.èv xal TcpoaSe)(6(Aevoç wç 0e6ç, nrpoacpspoftevoç Se < !)< ; <5wOpco7ro< ;. C. xlix, col. 477 BC.

Notons enfin que Nicolas Cabasilas est un des rares théologiens byzantins qui distingue clairement dans l’eucharistie le sacrement et le sacrifice, et le mode d’efficacité de l’un et de l’autre. « Ce saint mystère, dit-il en parlant de la messe, sanctifie d’une double manière : par mode de médiation et d’intercession, T ? ; [AsaiTEta, et par la communion, tt] ixsTaXr^Ji.. Le premier mode est général et s'étend aux vivants et aux morts. Le sacrifice est, en effet, offert pour les

uns et les autres et leur rend Dieu propice. La seconde manière n’est accessible qu’aux vivants, car les morts ne peuvent prendre cette nourriture et ce breuvage. » C. XLii, col. 457.

4° Nous trouvons dans les écrits liturgico-dogmatiques de Siméon de Thessalonique, mais avec moins de précision et de développement, les idées principales que nous avons relevées dans le commentaire de Nicolas Cabasilas.

Même doctrine, en particulier, sur la consécration par l'épiclèse du Saint-Esprit, après laquelle le sacrifice est achevé, De divino templo, 86, P. G., t. clv, col. 732-733, Taùra tetsXexcx ; açpaytSt. aTaupoû xal ê7TtxXr)asi Ilvsï>(i.aTOÇ, tov ÇwvTa £Ù0ùç pXÉTtei Trpoxeîfjt.evov’lTjao’jv. Siméon parle de l’immolation spirituelle et intelligible de Jésus à la messe : l’autel symbolise le Christ immolé et vivant, gisant là comme sacrifié d’une manière intelligible et sans cesse immolé, xal aÙTov t’jtcoï tov XptCTÔv èaçayji.évov xal ÇôvTa, xal votjtwç Ixsïctî Ouô^evov xeljievov. De sacra liturgia, 98, P. G., ibid., col. 293 A ; cf. col. 297 C. Il insiste sur le rôle de Jésus, prêtre principal : « Bien que chaque jour des milliers de prêtres offrent le sacrifice, il n’y a qu’un corps et un sang, et un seul sacrifice et non plusieurs, car leVerbe de Dieu est vivant, et c’est lui qui opère par les prêtres, qui lui sont subordonnés, présent qu’il est partout et au-dessus de tout, é'v ècm tô CTÔjjjia xal aï[i.a, xal [lia. îr Ooaîa xal où 7toXXai'ô yàp Toù ©soûA6yoç ÇoJv èaTi xal èvepyTjç… oùSè r)(J.stç èvepyoù(i.sv teXoOvteç Ta (xuCTT'/jpia, àXXà XeiTOupyoû[jL£v (i.ôvov 7)toi ÛTcv)peToOfi.ev. » De sacramentis, 41, ibid., col. 181-184. Il traite la question de la consécration des parcelles, p-splSeç, détachées du pain du sacrifice à la cérémonie de la préparation des oblats en l’honneur des saints et pour les vivants et les morts. Il enseigne que ces [lepiSsc, ne sont pas changées au corps et au sang du Seigneur, mais qu’elles participent à une certaine sanctification, âyiaa[j16ç, par leur contact avec l’hostie consacrée. Mélangées au Précieux Sang, elles peuvent, à la rigueur, servira communier les fidèles, parce qu’elles sont imbibées du liquide consacré. Notre théologien semble faire de ces parcelles comme une sorte d’oblation et de sacrifice secondaire, à côté du sacrifice du corps et du sang du Sauveur, De sacra liturgia, 94, col. 280-286 ; De divino templo, 102, col. 748-749, ccvtI 7tpoaa>Tro>v eïoiv ûrcèp wv -TrpoaâyovTai., xal OuaîaêaTlvÙTrèp aÙTÛv TipoaçepofxévY) Œôj.


II. Controverses sur le sacrifice de la messe. —

Les controverses eucharistiques ne manquèrent pas, en Orient, pendant la période byzantine. On discuta avec les Lalins sur les azymes, sur l'épiclèse, sur la communion sous les deux espèces, voire même sur la nécessité de la communion pour les petits enfants. Mais ces controverses regardaient plus le sacrement que le sacrifice, et nous n’avons pas à en parler ici. En dehors de ces querelles entre Grecs et Latins, surgirent au xii° siècle deux autres questions se rapportant proprement au sacrifice de la messe, qui mirent aux prises les théologiens byzantins entre eux.

Controverse sur la nature du sacrifice de la messe.


Elle fut soulevée sur la fin de l’année 1155 ou au début de 1156 par le diacre Sotérikhos Panleugénos, au moment où il venait d'être élu patriarche d’Antioche. Il s’agissait de savoir si le sacrifice de la croix avait été offert par le Verbe incarné, prêtre et victime de ce sacrifice, aux trois personnes divines, ou seulement au Père et au Saint-Esprit. Sotérikhos trouvait une difficulté spéciale à admettre que le Verbe se fût offert à lui-même le sacrifice. Il voyait là une sorte de dédoublement hyposlatique abou lissant à l’erreur nestoricime : On offrant et un recevant, cela fait