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MICHEL CÉRULAIRE, LE RETOUR AU STATU QUO

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parfois du droit chemin. On ne pouvait guère demander à ces barbares une parfaite exactitude : c’était déjà bien beau qu’ils confessassent correctement les mystères de la Trinité et de l’incarnation. N. 14, col. 805. La lettre de Pierre se terminait par un appel suppliant : « De toutes mes forces, écrivait le patriarche d’Antioche, je conjure Votre Sainteté de ne pas entrer en cette affaire avec un esprit de contention. Autrement il serait à craindre qu’en voulant réparer la déchirure on la rendît plus large. Pensez-y bien, tous les malheurs présents, tous les troubles qui ravagent les royaumes, toutes les calamités, pestes et famines qui désolent villes et campagnes, tous les échecs de nos troupes, ne proviendraient-ils pas d’ici, je veux dire de cette longue séparation, de cette mésintelligence de notre Église avec le Siège apostolique ? » N. 21, col. 812. Et, pour aller jusqu’au bout de ses audaces, l’excellent homme d’ajouter : « Que les Latins rectifient leur addition au symbole, et je ne demande rien de plus, laissant même de côté comme indifférente la question des azymes. Votre Béatitude pourrait se contenter de cela, de peur de tout perdre en voulant trop gagner. » N. 22. col. 813.

Au fait le patriarche d’Antioche se flattait encore de l’espoir que des négociations pourraient recommencer entre Rome et Constantinople. Dès que l’on connaîtrait le nouveau pape, il fallait s’adresser à lui avec beaucoup de simplicité et de douceur. Peut-être Dieu ferait-il luire sa vérité dans son âme ; peut-être déclarerait-il que tous ces bruits ont été faussement répandus sur le compte des Latins, ou que les actions de quelques-uns des siens n’engageaient pas la responsabilité de son Église. N. 19, col. 809.

14° Conclusion. Le retour au Statu quo. — C’était à coup sûr d’un robuste optimisme. Michel ne s’était engagé dans les négociations avec Rome que par la volonté expresse du basileus. Sans rien faire de positif pour empêcher leur succès, il s’était maintenu dans une attitude de froideur résignée ; puis, dès qu’il avait eu conscience des maladresses et de l’incapacité diplomatique d’Humbert, il avait habilement profité des moindres choses pour rendre impossible toute négociation. Il était arrivé à ses fins. Les pourparlers de paix ce n’était pas lui, pensait-il, c’était Humbert qui les avait fait échouer. Il était bien décidé maintenant à ne plus recommencer. Autour de lui se serrerait toute l’Église orientale. Il a. ait déjà partie gagnée avec le patriarche d’Antioche, car les scrupules de cet honnête homme, ne l’empêcheraient pas de régler pratiquement son attitude sur celle de Constantinople ; prévenus par Antioche, les patriarches de Jérusalem et d’Alexandrie ne manqueraient pas, il en était assuré, d’épouser sa querelle. Au fait s’agissait-il même de querelle ? Après un intermède de deux ans où la politique séculière avait voulu faire prédominer ses vues, on revenait tout simplement au statu quo anle. L’isolement où se complaisait l’Orient ne serait plus troublé par ces vains bruits d’entente avec Rome ; l’incident était clos. Passées’les vives émotions de juillet 1054, les choses reprirent à Constantinople leur aspect coutumier ; au fait ces émotions laissèrent si peu de trace que les historiens byzantins n’en conserveront pas le souvenir. Voir ci-dessus, col. 1680.

A Rome pareillement on n’attachera sur l’heure qu’une importance médiocre à l’insuccès de ces pourparlers de paix. La Commemoralio brevis trouve qu’après tout les choses ne se sont pas si mal passées à Byzance, et que Michel finalement a excité contre lui la colère de l’empereur. P. L., t. cxliii, col. 1002 C. La Vie de saint Léon IX par Wibert se contente de transcrire ce satisfecit qu’Humbert s’octroie à lui-même, et de même Sigebert de Gembloux, Chron., a. 1054, P. L., t. c.lx, col. 211, et l’Annaliste saxon,

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a. 1051, Mon. Germ. hist., Script., t. vi, p. 688. Le Chronicon Casinense trouve que tout est allé au mieux : Michel et Léon d’Achrida ont été anathématisés, et les légats sont repartis, ayant eu connaissance de la mort du pape, chargés des riches présents de l’empereur. Chron., ii, 85, Monum. Germ. hist., Script., t. vii, p. 686. On pense si, à distance, les événements se déformaient davantage encore. Lambert de Hersfeld écrit sans sourciller à l’année 1053 : « En ce tempslà Frédéric, archidiacre de l’Église romaine, s’en fut à Constantinople. Réunissant un synode, il y convoqua l’empereur et le patriarche ; mais comme ceux-ci prétextant leur primauté dédaignaient d’obéir, il sortit de la ville et, selon la manière des apôtres, secoua publiquement sur eux ses sandales. Ce fait causa une telle terreur aux habitants de Constantinople que, le lendemain, empereur et patriarche avec le clergé et le peuple, tous couverts de sacs et de cendres, vinren ; le trouver et prosternés à terre reconnurent l’autorité apostolique. » Ibid. t. v, p. 155-156. Que peut-on souhaiter de plus ?

La curie romaine avait sans doute des raisons pour juger autrement de l’issue du conflit. Mais Victor II ne se souciait guère de poursuivre, avec ses seules forces, la lutte contre les Normands d’Italie ; renonçant à toute politique hostile, il entrait avec eux dans la voie des négociations. L’appui de Byzance n’était donc plus nécessaire ; un jour allait bientôt venir où la papauté, laissant de côté Allemands et Bj’zantins, s’entendrait directement avec les conquérants de l’Italie, et les transformerait en défenseurs de l’Église romaine et de la réforme ecclésiastique. D’autres événements bien plus menaçants pour l’empire byzantin obligeraient d’ailleurs Constantinople à reprendre avec Rome des pourparlers. Mais ce n’est pas le lieu de parler ici des tentatives de rapprochement que la menace turque imposera bientôt aux basileis et aux patriarches. Voir Schisme d’Orient.

Michel Cérulaire ne connaîtra pas ces inquiétudes ; il jouira, jusqu’aux derniers temps de son pontificat, de cette autocéphalie à laquelle il tenait tant et qu’il avait cru menacée en 1052. Peu de choses, pensait-il, étaient changées à Constantinople depuis les jours de son accession au trône patriarcal, peu de choses, sauf peut-être l’accroissement de son propre pouvoir. Le geste par lequel il avait écarté tout danger d’un contrôle romain lui avait permis de raffermir l’autorité de Constantinople sur l’ensemble de l’Orient ; le coup de force qui, au dernier moment, avait brisé les velléités pacificatrices de Monomaque l’avait fait tout-puissant dans l’État. Lui aussi, comme l’évêque de Rome, n’était-il pas devenu le pape de l’Orient, l’égal, le supérieur même du basileus ?

En fait, sur tous ces points, l’honnête Pierre d’Antioche avait vu plus juste que lui. La déchirure légère qui, depuis si longtemps déjà, menaçait l’union des Églises grecque et latine était devenue, par sa faute, un trou béant, irréparable. En arrivant au trône patriarcal Cérulaire avait trouvé entre Rome et Constantinople cet état mitoyen qui n’est ni la paix, ni la guerre, mais la simple rupture des relations diplomatiques. Et lui, il avait fait en sorte qu’au lieu de la paix qui pouvait encore se conclure, ce fût la guerre qui arrivât. Devant l’histoire, il porte, croyons-nous, la responsabilité de cet acte décisif.

I. Soihces.

1° Œ’uvres de Michel Cérulaire. — En partie publiées dans P. G., I. cxx, col. 719-810 ; mais [’Homélie pour lu fete de l’orthodoxie, col. 724-736, est un ancien morceau liturgique bien antérieur à Michel ; quelques décisions synodales, prises du temps de Michel, sont à rechercher au t. exix, col. 747, 850 ; outre ces pièces, Pavlov, Aperçu historique et intertitre de l’ancienne i oit inique qrétorusse contre les Latins (en nissci, Pétersbourg, 1878,

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