Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

1687

MICHEL CÉRULA1RE. LA LÉGATION D’HUMBERT

1688

Pour autant que nous en puissions juger, la lettre adressée par Cérulaire au pape était extrêmement modérée dans les idées comme dans l’expression, et ne discutait aucun des griefs si abondamment accumulés contre l’action des patriarches de Constantinople par la première lettre de Léon. On en conclura avec Hefcle et plusieurs autres érudits que la lettre de Léon n’avait pas été envoyée à Constantinople. Voir les références aux divers auteurs dans A. Michel, op. rit., p. 55, n. 2. Peut-être Humbert qui se préoccupait de constituer, comme il le dit lui-même, un dossier patristique n’avait-il pas trouvé tout ce qu’il cherchait ; peut-être, au dernier moment, la douceur et la bonté de Léon IX avaient-elles reculé devant les expressions parfois si dures du manifeste ? Les deux hypothèses sont plausibles. Cérulaire, de son côté, améliora sérieusement le ton de la discussion : il regrettait, dans la lettre perdue, les trop longues dissentions qui séparaient les deux Églises, et se déclarait prêt à mettre le nom du pape aux diptyques et à engager tout l’Orient à en faire autant. C’est du moins ce que dit Léon IX dans sa réponse : Scripsisli nobis quoniam si una Ecoles la romana per nos haberei nomen tuum omnes Ecclesiæ in toto orbe terrarum (traduit èv Tf) otxoufiivjr)) haberent per te nomen nostrum. Loc. cit., col. 770 A. Ce ton irénique n’empêchait pas Cérulaire de signaler au pape les difficultés qui pouvaient être faites à l’union, ainsi que le patriarche le dira dans une lettre ultérieure à Pierre d’Antioche. P. G., t. cxx, col. 784 B. Mais il le faisait avec humilité, [X£Tà uoàXtjç TaTCeivoçpoCTÛv7)ç, désireux qu’il était de voir se resserrer les liens des deux empires, ce dont le pape le félicitera : Sicut cœpisti collabora ut duo maxima régna connectantur pace optata, P. L., t. cxliii, col. 777. C’étaient les mêmes sentiments qu’avec plus de chaleur encore exprimait Constantin Mononaque. Désireux d’effacer les traces de longues et pernicieuses discordes, il déclarait à Léon que tous ses efforts allaient à ménager la paix entre les deux Eglises. Sa lettre, il l’espérait du moins, serait une consolation pour le pape au milieu des grandes afflictions qui ne lui avaient pas été ménagées. En outre de cette promesse d’une amélioration des rapports ecclésiastiques, elle faisait, en effet, espérer au vaincu de Civitate des secours efficaces pour le tirer de sa fâcheuse situation. Cf. ibid., col. 777 C, 77913. Ces deux lettres arrivèrent à Bénévent, on se trouvait Léon IX, dans les derniers jours de décembre 1053 ou tout au début de 1054 ; elles apportèrent au pape un véritable réconfort.

La préparation de l’ambassade d’Humbert.


Nous ne saurions dire si les lettres constant inopolitaines indiquaient explicitement au pape la solution rapide et très efficace, consistant à envoyer d’urgence à Constantinople une ambassade munie de pleins pouvoirs. Mais cette idée était si naturelle qu’elle pouvait venir d’elle-même à la pensée de Léon et de ses conseillers. Puisque des raisons d’ordre temporel et d’ordre spirituel rendaient l’union désirable aux deux partis, le mieux était de commencer par causer ; 011 liquiderait plus aisément les difficultés pendantes par conversation que par lettres. La résolution fut vite prise à Bénévent de diriger vers la Corne d’or une légation pontificale.

Le choix d’I Iinnhcrl connue représentant principal du Siège apostolique s’imposait ou à peu près ; c’était lui qui dirigeait la diplomatie pontificale, sa connaissance passable du grec, son érudition patristique lui permettraient de discuter là-bas les questions litigieuses avec une compétence qu’on aurait vainement attendue d’un autre Latin, on lui adjoindrait le chancelier de l’Église romaine, Frédéric de Lorraine (le futur Etienne IX) et l’archevêque d’Amalfl, Pierre. Ce fut Humbert encore qui rédigea les lettres « pie

l’ambassade remettrait au basileus et au patriarche. Voir l’étude détaillée et les preuves dans A. Michel, op. cit., p. 57 sq., et p. 73 sq. La fougue de l’ancien moine s’y tempérait de quelque douceur, mais il n’est pas difficile de retrouver en ses développements toutes les idées et quelques-unes mêmes des expressions du premier manifeste. Texte dans P. L., t. cxi.m, S. Léon, Epist., en, à Michel Cérulaire ; Epist., cm à Constantin, col. 773-781.

La lettre au basileus est destinée d’abord à accréditer les ambassadeurs auprès du souverain, à les recommander à sa bienveillance. Elle s’étend longuement sur les difficultés politiques dans lesquelles se débat le pape, reconnaît en termes voilés la défaite de Civitate, mais exprime l’espoir que les Normands, devant les forces combinées de l’Empire germanique et du basileus, n’auront pas le dernier mot. La question religieuse n’est touchée qu’incidemment, au début de la lettre d’abord, où Constantin est vivement remercié d’avoir voulu mettre un terme à une trop longue séparation : Posl nimium longas et perniciosas discordias, primus pacis et concordiæ monitor, portitor et exoptatus exaclor efficeris. Col. 777 C. II n’a point méprisé l’Église romaine, il a voulu l’honorer comme un fils bien né fait sa vieille mère. Puis, ayant longuement exprimé ses doléances sur les événements politiques, l’auteur revenait aux sujets de crainte que lui inspirait l’attitude de « l’archevêque » Michel. Sans doute la lettre que celui-ci venait d’envoyer était un appel à la concorde et à l’unité, mais on aurait voulu y trouver autre chose, un désaveu de ses actes passés : persécution contre les Latins et anathème contre l’usage des azymes ; entreprises sur la juridiction des « patriarches » d’Alexandre et d’Antioche, et pleraque (traduire plusieurs) quæ usurpare dicitur, sicut a nostris nuntiis diligenter cognoscere poteris. Col. 780 BC. « S’il persévérait en ces sentiments, la paix que nous lui envoyons ne pourrait que revenir vers nous » (allusion à Luc, x, 6). Le pape exprimait l’espoir qu’il n’en serait pas ainsi, et invitait discrètement le basileus à faire en sorte que ses justes craintes ne se réalisassent pas.

Mêmes idées, sous une forme à peine atténuée, dans la lettre adressée à « l’archevêque » Michel (on remarquera que la chancellerie romaine évite toujours le terme de patriarche). Le pape se déclarait touché par les appels de Cérulaire à la concorde, qui allaient au-devant de ses plus chers désirs. Il ne saurait dissimuler néanmoins à son correspondant que des rumeurs fâcheuses circulaient sur son compte. Sans vouloir en examiner le bien-for dé (il s’agit évidemment de ces griefs sur lesquels les apocrisiaircs fourniront de plus amples explications), la lettre passait à d’autres reproches sur lesquels elle attirait l’attention du destinataire : l’irrégularité de sa promotion (diccris neophgtus), ses empiétements sur les « patriarches » d’Alexandrie et d’Antioche (novaumbitione Alexuiulrinum et Antioclienum patriarchas anliquis sua aignitatis privilegiis privare contendens contra omne /as et fus luo dominio subjugare conaris). Détestable et lamentable était cette usurpation sacrilège qui faisait employer par Michel ce titre de patriarche œcuménique {qiiu te universalem patriarcham judas). Ce titre « d’universel » eût à la rigueur convenu à Lierre, mais connue on ne voit pas que celui-ci, bien que constitué prince des apôtres, l’ait jamais employé, ses succe-s seurs n’ont jamais tenté de le prendre : et Grégoire le Grand a donné sur ce point une rude leçon à Jean (le Jeûneur) de Constantinople. Frappé d’anathème, Jean est mort dans son obsl inat ion : malheureusement depuis quatre cent quarante ans que ceci s’est passé. combien d’imitateurs n’a-t il pas trouvés, parmi les titulaires de son siège ! Et cette considération se ter-