Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée
1331
1332
MESSE DANS L’EGLISE BYZANTINE


peu avant la communion, immédiatement après la fraction de l’hostie et le mélange des deux espèces. L’eau chaude ou Çéov rappelle l’eau qui coula du côté du Sauveur, quand le soldat le perça de la lance. Quelques auteurs cependant, comme Syméon de Thessalonique, De divino templo, 94, P. G., t. clv, col. 741, y voient le symbole de la divinité, qui ne fut pas séparée du corps du Sauveur après sa mort sur la croix, tandis que, d’après Nicolas Cabasilas, Exposilio lilurgiæ, c. xxxvii, P. G., t. cl. col. 452, c’est la descente du Saint-Esprit, au jour de la Pentecôte, qui est signifiée par ce rite. Cette interprétation cadre mieux avec les paroles prononcées par le prêtre en bénissant le Çéov. Cf. Goar, Euchologium Grsecorum, Venise, 1730, p. 127-128 ; sur l’antiquité de cet usage, voir Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 101-102.

Le rôle de Jésus pontife est bien marqué par ces paroles de la messe de saint Basile, telle qu’on la trouve dans l’euchologe Barberini de la fin du viiie siè cle : « Tu es celui qui offre et celui qui est offert, celui qui consacre et qui est consacré. Tu as été constitué notre pontife, et tu nous as confié le ministère sacré du sacrifice liturgique et non sanglant, Zù el ô Trpooçépcov y.ocl 7Tpoacpep6fi.£vcç xal àyidcÇcov xai. àyiatlôu.evoç. » Brightman, Liturgies castern and western, t. i : Eastern Liturgies, Oxford, 1896, p. 318. Les rubriques qui accompagnent la prononciation des paroles dominicales : Hoc est corpus meum, etc., indiquent suffisamment que la consécration des oblats s’opère à ce moment et contredisent l’opinion des Grecs modernes sur la valeur consécratoire de l'épiclèse du Saint-Esprit. Cf. Goar., op. cit., p. 61 et 120. Signalons aussi l’expression : xà Û7ro ; j.vr / ji.aTa toû <rcùT7)p(ou aÙToù 7tâ00'jç, pour désigner l’eucharistie, qui se lit dans l’anaphore de la messe de saint Basile.

La liturgie syrienne avec ses nombreuses anaphores abonde aussi en rites et en formules à portée dogmatique. Elle se divise en trois parties. La première correspond à peu près à la prothèse des Grecs, et reçoit le nom de sacrifice de Melchisédech. En versant le vin dans le calice, le prêtre dit : Hoc vinum, quod est lypu.s sanguinis, qui /huit nobis ex latere Filii tui dilecti Jesu Christi ; et en mélangeant au vin quelques gouttes d’eau, il ajoute : Hanc etiam aquam, quæ est typus aqu.se illius, quæ /luxit nobis ex latere dilecti Filii, etc. Benaudot, op. cit., t. ii, p. 3. La seconde partie, pendant laquelle le prêtre encense l’autel et les oblats et fait une première commémoraison des vivants et des morts, s’appelle le sacrifice d’Aaron. On y trouve ce passage, qui exprime bien l’idée totale de la messe, commémoraison non seulement de la mort du Sauveur — qui reste pourtant au premier plan — mais aussi de tous ses mystères : Memoriam Domini Dei et Salvatoris nostri Jesu Christi lotiusque cjus dispensationis salutiferse pro nobis agimus. Ecce cnini annuntiationis cjus per archangelum vigilem, nativitatis cjus in carne, baptismi cjus in Jordane, passionis cjus saluturis, elevationis ejus in cruce, mortis ejus vivifiese, sepulluræ ejus gloriosw, resurrectionis prwcliiriv, ascensionis in cœlum sessionisque ejus ad dexteram Dei Patris, juxta diuinum ejus ad nos prweeptum, commemoradonem nunc celebramus super eucharistiam islam, quee coram nobis proposita est. Benaudot, ibid., p. 16. Avec la lecture de l'Épître et de l’Evangile commence le sacrifice de Jésus-Christ. Parmi les nombreuses messes syriennes, la plus important est celle de saint Jacques, frère du Seigneur. Elle insiste surtout sur le caractère propitiatoire du sacrifice eucharistique. Cf. Renaudot, ibid., p. 37, 38, II. Signalons dans une prière attribuée à Jacques docteur (on ne dit pus lequel) ce passage sur le prix « lu sacrifice de la masse : Aspice délie ta, sed aspice

simul sacrificium quod pro ipsis ofjertur, quia multo majus est sacrificium et victima quam reatus. Ibid., p. 22.

Le travail qui précède ayant été fait directement sur les sources, nous croyons inutile de donner une longue bibliographie, qui ferait double emploi soit avec celle qui a été donnée dans cet article même pour les trois premiers siècles, soit avec celles qui se trouvent aux différentes sections de l’article Eucharistie, ou à l’article Épiclèse eucharistique. Signalons seulement les ouvrages de quelques théologiens, où la preuve patristique sur le sacrifice de la Messe reçoit quelque développement : Bellarmin, Controversiæ, t. iv, De euebaristia et sacrificio missæ libri sex, Venise, 1724 ; Duperron, Traité du S. Sacrement de l’eucharistie, Paris, 1622 ; Petau, Dogmata theologica, De incarnatione, t. XII, c. xii-xiii, et Thomassin, Dogmata theologica : De Verbi Dei incarnatione, t. X, c. xvi, pour l’exercice du sacerdoce de Jésus-Christ ù la dernière cène ; Arnauld et les autres auteurs de la Perpétuité de la foi de l'Église catholique sur l’eucharistie, éd. Migne, 4 vol., passim ; voir t. IV, la VIIe lettre du P. Scheffmacher sur le sacrifice de la messe, col. 1107-1142 ; J. Assémani, Codex lilurgicus Ecclesiæ universæ, Rome, 1751, t. iv, p. 25 sq. ; N. Gihr, Die heilige Sacramente, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. i, p. 627-634 ; M. de La Taille, Mysterium fidei de augustissimo corporis et sanguinis Christi sacrificio atque sacramento, Paris, 1921, passim, où la tradition orientale est largement utilisée.

Pour les liturgies orientales, voir Goar, Euchologium Graxorum, Paris, 1647, Venise, 1730, p. 47-190 ; Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, Paris, 1716, Francfortsur-le-Mein, 1847, 2 vol., avec de savantes introductions et notes ; C. A. Swainson, Greek Liturgies, Cambridge, 1884 ; Brightman, Liturgies eastern and western, t. I, Eastern Liturgies, Oxford, 1896 ; P. de Meester, article Grecques (Liturgies), dans le Dictionnaire d’archéologie et de liturgie, t. vi, col. 1591-1662.


VII. LA MESSE DANS L'ÉGLISE BYZANTINE APRÈS LE IXe SIÈCLE.


I. Doctrine des théologiens de l'époque byzantine.
II. Controverses sur le sacrifice de la messe (col. 1336).
III. Doctrine des théologiens gréco-russes de l'époque moderne (col. 1343).

I. Doctrine des théologiens de l'époque byzantine. —

Pas plus sur le sacrifice de la messe que sur la plupart des autres questions dogmatiques, les théologiens de l'époque byzantine ne font notablement progresser par des spéculations originales l’intelligence de la doctrine traditionnelle. Ils se contentent généralement de répéter les affirmations des anciens Pères.

Ceux qui méritent le plus d’attirer l’attention sont les commentateurs de la messe byzantine. Quatre principaux commentaires nous sont parvenus : celui de Théodore, évêque d’Andida, au xiie siècle ; celui du Pseudo-Germain, dont le texte actuel a subi plusieurs remaniements s'échelonnant entre le ixe et le xiii 8 siècle ; celui de Nicolas Cabasilas, au xive siècle et celui de Siméon de Thessalonique, au xv. Nous laissons de côté le court traité du pseudo-Sophrone, publié par Mai dans le t. iv du Spicilegium romanum, Borne, 1840, p. 31-48, et reproduit par Migne, P. G., t. lxxxvii b, col. 3981-4002. Ce n’est qu’une compilation, qui emprunte beaucoup à Théodore d’Andida, et n’a rien qui ne se trouve dans le Pseudo-Germain.

1° Dans sa TcpoŒwpîa xecpavat.û8r ( < ;, P. G., t. cxl, col. 417-468, Théodore d’Andida commence par déclarer que les rites accomplis dans le saint sacrifice ne sont pas seulement la représentation, Timoç, de la passion, de la sépulture et de la résurrection du Sauveur, comme le déclarent beaucoup de ceux qui sont revêtus de la dignité sacerdotale, mais qu’ils symbolisent aussi toute la vie du Sauveur, tout le mystère de Yéconomie. Cette idée, Théodore n’est pas le premier à l’exprimer : nous l’avons déjà trouvée expressément formulée dans certaines liturgies, et saint Théodore le Sludite avait déjà dit avant lui que la messe est la récapitulation de toute l'économie,