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MICHEL D’ANCHIALOS


car la lecture des meilleurs manuscrits, ô toû’Ay/ià-Âou marque, dans la terminologie du xiie siècle, un rapport, non au siège lui-même, mais à son titulaire. Michel paraît avoir été à la fois le parent et le collaborateur de l’évêque d’Anchialos ; en effet, il fut élevé par ce prélat, cf. S. Lampros, Mi)(aY)X’Axofxivâxou Ta acùÇ6fi.sva, t. i, p. 74, dont il fut sacellaire, Ephrsemii Cœsares, vers 10 183-10 184. Venu dans la suite à Byzance, il prit rang parmi les officiers patriarcaux et parvint à l’importante charge de protekdikos. Lampros, op. cit., p. 82. Les sources le désignent aussi comme « Û7toctoç tùv çiXoorôçov ». Ce n’est là ni un simple titre, ni un brevet de science décerné par des admirateurs, comme le pense Loparev, Viz. Vremennik, 1907, t. xiv, p. 337, et le suppose Gédéon, Ua.zpiot.pyix.oi Tcîvaxsç, p. 365. Cette appellation désignait à la fin du xii c siècle le recteur de la Faculté de philosophie érigée à l’Université nouvellement restaurée par Manuel Comnène. Michel nous l’apprend lui-même dans le discours qu’il prononça à l’occasion de son entrée en charge. La vaste culture du professeur est célébrée tant par les historiens que par les panégyristes. Il ne nous reste qu’un seul témoin de son éloquence (voir infra). C’est surtout à son énergie et à son sang-froid, Lampros, op. cit., p. 83, qu’il dut d’être choisi comme patriarche à la mort de Luc Chrysobergès, entre le 10 novembre 1169 et le 30 janvier 1170. Il devait, comme chef de l’Église, réaliser une œuvre canonique considérable (voir infra la bibliographie). Le pontificat de Michel d’Anchialos intéresse l’histoire de la théologie à un triple point de vue : par les mesures prises contre certaines hérésies, par l’attitude qu’il eut vis-à-vis de Rome, par les conditions qu’il mit à l’union projetée avec les Arméniens.

Mesures contre les hérésies.

 La manie disputeuse

de Manuel Comnène avait, en soulevant à tout propos les problèmes les plus délicats de la théologie, acculé les esprits les plus audacieux à de véritables nouveautés. Le basileus qui avait, par son intervention directe dans les débats, pris plaisir à les faire naître, eut la cruauté de les réprimer par le glaive et l’anathème.

A la question du sacrifice, réglée au synode de 1158, voir ci-dessus, col. 1338, avait succédé celle de l’infériorité relative du Christ, par rapport à son Père, exprimée par le verset de saint Jean : ’O toxttjp [zoo fxetÇov ii, oû ècmv, xiv, 28. Celle-ci devait-elle s’entendre de la nature divine, de la nature humaine ou du composé théandrique ? On avait donné à cette question, en 1166, une réponse solennelle qui avait semblé devoir être définitive. Cf. Chalandon, Jean II Comnène et Manuel Comnène, p. 644 sq. Or, à la mort de Luc, à la faveur des intrigues nouées pour la nomination de son successeur, l’affaire rebondit. Le métropolite de Corfou, Constantin, et Jean Irénikos, higoumène de Batala, furent les théologiens du mouvement. Revendiquant contre des mesures de police canonisées par des synodes le droit de parler de la nature humaine du Christ, ils l’isolaient complètement de sa personne divine par une abstraction mentale, xaxà <iûàp smvoiav. C’est seulement de la nature humaine ainsi considérée que le Christ a pu, disaient-ils, prononcer la phrase rapportée par saint Jean. Cette doctrine, s’il faut en croire Cinnamos, vi, 2, P. G., t. cxxxiii, col. 617 B, avait rencontré de nombreux partisans à la tête de l’Église ; on prêtait même au patriarche des faiblesses pour la nouvelle école, et il était clair que l’aristocratie lui était ouvertement favorable. Seul l’empereur, trouvant unique l’occasion de discuter, tint tête à ses sujets, et son amour-propre, piqué au jeu, avait obtenu la condamnation de ses contradicteurs. En

DICT. DE. THÉOL. CATH.

1170 le débat, s’il ne prit pas la même ampleur, fut tout aussi passionné. L’évêque de Corfou, condamnant le synode auquel il avait souscrit, traitait publiquement d’hérétique le patriarche défunt ; Jean Irénikos avait, lui, toujours réclamé contre la décision de 1166 ; il s’en était expliqué dans de volumineux traités, qui circulaient sans qu’on l’inquiétât. Des propos irrévérencieux tenus par lui sur le compte de l’empereur et du haut clergé firent qu’on s’en souvint. Une double procédure fut inscrite contre les délinquants, sans doute à dessein ; car le verdict, portant sur le même délit de récidive, fut successivement impitoyable et clément. Le prélat, accusé d’hérésie, perdit toute dignité ecclésiastique (synode du 30 janvier 1170) tandis que l’higoumène, au prix d’un repentir simulé, obtenait son pardon et conservait sa charge (synode du 18 février 1170). Jean, fort de cette clémence, continua ses menées et on dut en venir à l’anathème l’année suivante ; son nom fut associé à celui de Constantin et consigné dans le synodicon du dimanche de l’Orthodoxie. Sur ces démêlés théologiques, cf. L. Petit, Documents inédits sur le concile de 1166 et ses derniers adversaires, dans Viz. Vremennik, 1904, t. xi, p. 465493 ; P. Ouspenskij. Le mouvement théologique à Byzance au XI" et au XIIe siècles, dans le Journal du Ministère de V Instruction publique russe, sept., oct. 1891. Dans la controverse dogmatique le patriarche apparaît au second plan aux ordres de l’empereur ; il devait en politique prendre sur le maître de l’Empire une revanche éclatante.

Rome et Byzance.

 On sait que Manuel Comnène

tenta avec une rare persévérance d’unir les Églises grecque et romaine. A la base de ce dessein il y avait une visée politique ; reprenant une idée de son grand-père Alexis, le basileus rêvait de rétablir à son profit l’unité des empires d’Orient et d’Occident, et demandait à être couronné par le pape ; mais il savait que cela ne pouvait se traiter sans le retour des Grecs à l’obédience de Rome et prenait les devants.

Entamées sous Adrien IV, les négociations se poursuivaient avec Alexandre III. Vers la fin de 1167 le sébaste Jourdain avait fait au pape des propositions séduisantes de nature à le débarrasser de l’étreinte germanique. Dôlger, Corpus der griechischen Urkunden des Mittelallers und der neueren Zeit, n Teil, p. 81, n° 1480. Le pape ne pouvait se résoudre à couronner un prince schismatique ; il refusa l’or du basileus, mais pour ne pas sembler vouloir tout rompre, il envoya deux cardinaux porter à Byzance les conditions de Rome. On ne sait rien des tractations qui eurent alors lieu ; un conseil de Latins dont Manuel prenait les avis dut beaucoup faciliter la tâche des légats, tout en piquant la susceptibilité des prélats grecs. En mai 1170, l’empereur faisait à nouveau pressentir le pape ; ses apocrisiaires mirent cette fois au premier plan des négociations l’union des Églises ; la contrepartie politique se réduisait à une simple question de mariage entre une nièce du basileus et un seigneur italien. Sur cette base les pourparlers s’engagèrent ; puis une nombreuse et solennelle mission pontificale, composée de cardinaux, d’évêques et de théologiens alla porter à Constantinople les revendications du Saint-Siège. Le caractère de cette ambassade a été étrangement méconnu ou altéré par les historiens. Chalandon, op. cit., p. 566, la confond avec la première ; c’est à tort, car Michel était déjà patriarche quand il eut atîaire avec elle ; ce qui place son activité non en 1167 mais en 1170. Alexandre III réduisait au minimum les réclamations du Siège apostolique ; trois conditions seulement étaient mises à l’union : la confession de la primauté romaine, la reconnaissance du droit d’appel et l’inscription du nom du pape dans les diptyques. Le fait, d’autant plus surprenant qu’il est impossible

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