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MICHEE, LES DOCTRINES


Samarie plutôt qu’à la captivité de Babylone qui aurait été caractérisée de manière plus nette — un « Reste » deviendra un peuple puissant. Cette notion du « Reste », devenant une forte nation, implique-t-elle, comme le prétendent nombre de critiques à la suite de Wellhausen, un développement trop avancé pour être datée du viiie siècle ? Il ne le semble pas ; les nombreux passages, où Isaïe revient sur l’idée de la fondation d’une nation nouvelle par ceux qui survivront au jugement de Jahvé, s’opposent au rajeunissement d’une espérance messianique dont l’expression se trouve déjà dans Amos, v, 15 et dans le nom symbolique du fils d’Isaïe, Shear-Iaschub : Un reste reviendra. 1s., vii, 3. N’est-ce pas à partir de l’époque des prophètes du vine siècle que la simple mention de ce « Reste » évoquera, dans la littérature biblique, la gloire et la splendeur de l’ère messianique ? d) Le Messie. — Pour compléter sa description du triomphe messianique, le prophète esquisse, au c. v, 2-6 (1-5 de l’hébreu), quelques traits de l’œuvre à réaliser par le souverain du nouveau royaume : « Mais toi, Bethléem-Éphrata, petite par ton rang parmi les dans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit être dominateur en Israël, et dont les origines sont de l’âge antique, des jours du lointain passé. Il les livrera donc jusqu’au temps où celle qui doit enfanter aura enfanté, et le reste de ses frères viendra se joindre aux enfants d’Israël. Il se tiendra ferme et gouvernera par la puissance de Jahvé, par la majesté du nom de Jahvé son Dieu ; et on sera dans la sécurité, car maintenant son prestige s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre… Il (nous) délivrera d’Assur, quand celui-ci envahira notre pays et qu’il foulera notre territoire. » Passage important dont il y a lieu de discuter et de préciser l’interprétation.

La venue du futur dominateur en Israël sera pour l’humble bourgade de Bethléem une gloire sans pareille. C’est bien, en effet, de Bethléem qu’il s’agit, et son nom n’est pas à rayer du texte original comme le voudraient Nowack, Marti, J. M. P. Smith ; ceux-là mêmes d’ailleurs, qui font de ce mot une glose tardive, reconnaissent qu’il est ici question, sans aucun doute possible, de cette cité, patrie de David ; l’allusion évidente à la dynastie de David, originaire de Bethléem et la manière dont Bethléem et Éphrata sont associées dans d’autres passages le prouvent bien. Cf. I Par., ir, 50-51 ; Ruth, i, 2 ; iv, 11 ; I Reg., xvii, 12 ; Jos., xv, 59 (Septante). Le sens de l’expression Bethléem-Éphrata est celui de Bethléem des Éphratéens, expression employée par le prophète, et pour bien marquer la population de cette ville qui renferme la souche généalogique du Messie-Sauveur et, sans doute aussi, sous l’influence de sa tendance à jouer sur les mots, Éphrata suggérant, en effet, un rapprochement avec la racine phârâh : produire.

Quel que soit le sens exact dans lequel doive s’entendre l’infériorité de Bethléem, relativement à d’autres clans plus importants de Juda — les traductions à ce sujet varient — ce que le prophète veut mettre en relief c’est Je contraste entre la petitesse actuelle de la cité et la grandeur de sa destinée, puisque c’est d’elle que doit provenir le dominateur en Israël. Les princes des prêtres et les scribes du peuple, répondant à Hérode qui s’informait auprès d’eux du lieu de la naissance du Christ, invoquèrent ce passage de Michée, mais sans reproduire à la lettre le texte du prophète : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es point la plus petite parmi les princes de Juda, car de toi sortira un chef qui doit paître mon peuple Israël. » Matth., ii, 5-6. A ce sujet, remarque le P. Lagrange, « Matthieu n’a pas dû se croire plus lié par les paroles prononcées par les scribes qu’au texte même de l’Écriture. Il en a rendu le sens général tout en changeant

la formule ; depuis la naissance du Sauveur il paraissait étrange de ne voir dans Bethléem que son peu d’importance dans les dans de Juda. » Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 26. Saint Jérôme, après avoir constaté que la citation n’est conforme ni à l’hébreu ni aux Septante, pense que l’évangéliste aurait voulu par là souligner la négligence des scribes et des prêtres dans la lecture des divines Écritures ; opinion plus curieuse que sérieuse, car les Juifs, selon leur méthode d’exégèse souvent plus attentive aux mots qu’au sens, ne se seraient pas tellement écartés du texte. Quoi qu’il en soit, c’est de Bethléem que les Juifs, selon saint Matthieu, attendaient le Messie, comprenant que l’oracle de Michée annonçait non seulement sa descendance davidique, mais encore le lieu de sa naissance. C’est ainsi que l’a également compris l’exégèse traditionnelle, encore que, à prendre à la lettre le texte même de la prophétie, il pourrait s’interpréter en ce sens seulement, que l’humble bourgade deviendra glorieuse du seul fait que le futur dominateur du royaume, descendant de la race de David, illustrera ainsi la patrie de ses ancêtres.

Les origines du futur roi dateront de l’âge antique, des jours du lointain passé. Faut-il, avec la Vulgate qui traduit : Et egressus ejus ab initio, a diebus seternilatis (Septante : xoci ë^oSoi. aùxou àp)^ç èi ; Y)U.epiiôv auôvoç) voir dans ces mots l’annonce de l’origine éternelle du Messie ? Pris au sens littéral, le texte hébreu n’implique pas cette doctrine, bien moins encore celle du mystère de la sainte Trinité comme le prétend Knabenbauer : Modus loquendi demum mi/sterio SS. Trinitatis patefacto claie patètl Commentarius in prophelas minores, Paris, 1886, p. 442. Malgré la solennité des termes employés par le prophète, il ne semble pas, en effet, qu’il y ait lieu de leur donner un autre sens que celui qu’ils ont, soit un peu plus loin dans le livre même de Michée, vii, 11, 20, soit dans le livre d’Isaïe, ut, 9 ; il s’agit des jours du lointain passé auxquels remonte la souche davidique dont sortira le Messie. Qu’à l’époque de Michée, David n’ait encore pu apparaître comme un personnage d’une si haute antiquité (Nowack, Marti, J. M. P. Smith), là n’est pas la question, « notons plutôt que Michée ne parle pas des origines antiques du futur dominateur en se tenant au point de vue de sa propre époque, mais en se plaçant au point de vue de l’époque de l’avènement du dominateur. C’est en effet le litre de l’origine antique de ce dernier qu’il expose, et il est évident que ce titre était à faire valoir en rapport direct avec celui dont il devait établir le droit ou l’autorité. D’ailleurs en rattachant la généalogie du Boi-Messic à la souche davidique, le prophète pouvait tenir compte de l’origine antique de cette souche elle-même. La prophétie n’offre rien d’incompatible avec la supposition qu’elle a été prononcée à une époque, où les descendants de David occupaient le trône et par Michée lui-même. » Van Hoonacker, op. cit., p. 389390.

Après avoir ainsi annoncé les origines du dominateur en Israël, le prophète poursuit, en fixant l’époque de son avènement et les caractéristiques de son gouvernement. Mien., v, 3-4. Si, à première vue, le > 3 : « Il (Jahvé) les livrera donc jusqu’au temps où celle qui doit enfanter ait enfanté » n’apparaît pas en relation logique avec ce qui précède immédiatement, il n’en fait pas moins partie du contexte, car l’épreuve dont le peuple doit être délivré, est supposée au f 1 (Hébreu, iv, 14), formant le début du passage ; la pensée est celle-ci : l’avènement du futur Roi-Sauveur marquera la fin de l’épreuve d’Israël qui ne sera livré aux mains de ses ennemis, que jusqu’au temps que celle qui doit enfanter aura enfanté. L’allusion manifeste que ces mots renferment à la prophétie