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MICHÉE, LES DOCTRINES


demande de toi : c’est seulement d’accomplir le droit, d’aimer la bonté et de te conduire humblement envers Dieu. » Mieh., vi, 8. Parole riche d’enseignements, évoquant la prédication d’Ames et d’Osée qui déjà s’efforçaient de faire comprendre au peuple, combien l’accomplissement des devoirs fondamentaux de l’ordre moral importait bien autrement qu’une célébration tout extérieure des cérémonies du culte. Am., v, 14, 21 ; Os., vi, 6 : parole qui annonce et prépare la réponse de Jésus-Christ sur l’amour de Dieu et du prochain. Matth., XXII, 34-40. Ce n’est pas à dire que, selon Michée, pas plus d’ailleurs que selon les prophètes, ses contemporains du vin-e siècle, Jahvé n’agrée pas les sacrifices, mais simplement que ces sacrifices ne sont pas l’unique chose désirée par lui ; quels que soient leur nombre et leur qualité, ils ne sauraient suffire par eux-mêmes à mériter la faveur divine, s’ils ne sont accompagnés des bonnes dispositions intérieures de ceux qui les offrent.

L’énumération des offrandes et des sacrifices, Mien., vi, 6-7, soulève un double problème : celui de l’omission des « sacrifices pour le péché » et celui de la mention des sacrifices humains. De l’omission des « sacrifices pour le péché » faut-il conclure, avec certains critiques, qu’alors cette catégorie de sacrifices n’était pas encore en usage’? Nullement, car il ne s’agit pas ici de faire une énumération exhaustive des offrandes et des sacrifices, mais de rechercher quels seraient, parmi les uns et les autres, ceux qui constitueraient l’hommage le plus éclatant à la divinité, et conséquemment le plus apte à détourner le châtiment divin ; c’est ainsi que l’holocauste est mentionné, parce que l’hommage qui y est rendu à Dieu est d’autant plus parfait que la victime y est entièrement consumée. D’ailleurs l’institution d’offrandes et de sacrifices pour le péché est déjà supposée en vigueur du temps du roi Joas. IV Reg., xii, 1(1.

Quant aux sacrifices humains auxquels ferait allusion la fin du ꝟ. 7 : « Lui donnerai-je mon premier-né pour ma prévarication, le fruit de mon sein pour le péché de mon âme ? » peut-on affirmer qu’ils étaient alors réellement offerts en Israël ? Beaucoup le pensent et, en conséquence, attribuent l’oracle, dans son ensemble, au règne de Manassé, durant lequel se pratiquaient les sacrifices d’enfants. IV Reg., xxi, 2-18, Sans doute l’histoire d’Israël n’est pas sans exemple de tels sacrifices, ainsi celui de la fille de Jephté et du fils d’Achaz, Jud., xi, 34-39 ; IV Reg., xvi, 3 ; d’autre part les reproches de Jérémie et d’Ézéchiel, qui sont les premiers à s’élever nettement contre la coutume des sacrifices d’enfanls, Jer., vii, 31 ; xix, 5 ; Ez.-J xx, 26 sq., ceux d’Osée peut-être, xiii, 2 ; ix, 13, la défense enfin de sacrifices humains dans la Loi, Lev., xviii, 21 ; xx, 2, eu établissent bien l’existence, mais non la pratique régulière et constante ; le prophète parle ici par pure hypothèse, mentionnant le « premier-né » cl le « fruit du sein » comme des victimes dont l’immolation constituerait le sacrifice par excellence, le plus efficace qui se puisse imaginer.

3. Le messianisme. - Aux sombres perspectives de l’oracle des trois premiers chapitres succède la vision de la splendeur future d’Israël et de Jérusalem parmi les nations. Mich., iv-v :

a) Conversion des peuples. - « Or il arrivera à la lin des joins que la montagne de la maison de Jahvé se trouvera dressée à la tête des monts et elle s’élèvera an dessus des collines, et des peuples y affineront ; des nations nombreuses s’en iront, disant : « Venez, montons à la montagne de Jahvé et à la maison du Dieu de Jacob, et il nous instruira dans ses voies el nous marcherons dans ses sentiers ; car de Sion sortira la loi et la parole de Jahvé de Jérusalem. » H sera l’arbitre de peuples nombreux et il exercera la jus tice envers des nations puissantes, au loin. » iv, l-3 a. Si les rabbins juifs et même quelques exégètes protestants modernes ont entendu cette prophétie au sens matériel d’un exhaussement physique de la montagne de Sion et du pèlerinage de toutes les nations au temple de Jérusalem, rien n’oblige « à prêter une conception aussi bizarre à l’auteur de cette magnifique prophétie… ; puisque le style des prophètes est poétique et imagé, il serait puéril d’expliquer littéralement toutes leurs descriptions. Les commentateurs catholiques et plusieurs protestants admettent donc avec raison que le tableau de cette grandeur de Jérusalem est idéal et symbolique. Le Temple, centre du culte de Jahvé, comme s’il s’élevait sur une haute montagne, sera visible de très loin. Toutes les nations s’y rendront librement pour se faire instruire dans la religion de Jahvé : en d’autres termes, toutes les nations se convertiront au culte du vrai Dieu. Cette conversion arrivera dans les « derniers temps ii, c’est-à-dire, au sentiment de tous les exégètes dans les temps messianiques. » Condamin, Isaïe, p. 21-22.

Cette idée d’une conversion future des peuples païens, une des caractéristiques du messianisme d’Israël, apparaît ici et dans le passage parallèle d’Isaïe, il, 2-4, avec une netteté qu’on ne rencontre guère que dans la littérature de l’exil ou même d’après l’exil ; elle n’est pas pour autant étrangère à la littérature biblique du viiie siècle. Cf. Is., xi, 10 ; xviii, 7 ; xix, 16-25 ; Os., vii, 8. On ne saurait donc la refuser à Michée ; s’il « l’exprime d’une manière plus nette, la raison peut en avoir été, selon la remarque d’un de ses commentateurs, dans le contraste qu’il voulait établir entre le sort dont il avait’autrefois menacé Jérusalem, m, 12, et la gloire qu’il lui présage aujourd’hui ». Van Hoonacker, op. cit., p. 381.

b) Règne de la paix. — La conséquence de ce retour des peuples païens à Jahvé c’est l’établissement du règne de la justice et de la paix universelles : « Ils (les peuples) forgeront leurs épées en socs et leurs lances en faucilles. Une nation ne lèvera plus l’épée contre l’autre et ils ne s’exerceront plus à la guerre. On restera assis chacun sous sa vigne et sous son figuier et nul ne causera de la terreur ; car la bouche de Jahvé des armées a parlé. » Mich., iv, 3 b -4. L’espoir d’une paix universelle à l’âge messianique n’est pas rare chez les prophètes du vin c siècle : Os., xi, 20 ; xiv, 8 ; Am., ix, 4 ; Is., ix, 1 4-6 ; xi, 6-10. D’une manière générale d’ailleurs, parmi les bienfaits qu’Israël entrevoit dans l’avenir messianique, aucun dont le nom ne revienne plus souvent que celui de la paix : le Messie sera le prince de la paix. Is., ix, 5 ; cf. Mich., v, 4 ; Zach., vi, 13. Aussi rien d’étonnant que les commentateurs, les anciens surtout, lorsqu’ils essayèrent de déterminer les temps de l’accomplissement de cette prophétie, n’aient cru cette paix messianique réalisée à la naissance de Jésus-Christ, quand les anges chantèrent : « Paix sur la terre aux hommes » ; l’Évangile du Christ n’cst-il pas d’ailleurs expressément appelé un évangile de paix ? Bph., Vꝟ. 15 : Aet., x, 36. Cette paix toutefois que le Sauveur est venu apporter en ce monde et dont ses disciples peuvent dès ici-bas goûter le bienfait est cette tranquillité de l’âme unie à Dieu, selon la parole de saint Paul : « Étant donc justifiés par la foi nous avons la paix avec Dieu par Notre-Seigncur Jésus -Christ. » Rom., v, 1.

c) Le « Reste ». L’avènement de cette ère de triomphe et de paix pour Israël n’ira pas sans de terribles épreuves préalables qui feront de l’établissement du règne de Jahvé une glorieuse restauration : un o Reste », délivré de ses infirmités et de fous les maux qui l’accablaient allusion à la situation toujours précaire de Juda et sans doute à la chute de