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MICHEE, LE LIVRE


poétique en ont tour à tour fait l’application à tout ou partie du livre de Michée. Ainsi D. H. Mùller, dans son ouvrage Die Propheten in ihrer ursprunglichen Form, 1896, essaie d’adapter sa théorie de la strophe, de l’antistrophe… aux c. ni ; v, 6-14 ; vu ; Sievers, dans ses Alttestamentliche Miscellen parus dans Berichte ùber die Verhandlungen der kônigl. sùchsisehen Gesellschaft der Wissenschaften, 1907, t. lix, p. 76-109, fait de même pour l’ensemble du livre, ainsi que J. M. P. Smith sous le titre Strophic structure of the Book of Micah, publié dans Old Testament and semitic studies in Memory of W. R. Harper, 1908, t. ii, p. 415438 ; P. Haupt, avec beaucoup de fantaisie et d’arbitraire, prétend rétablir la construction strophique du livre de Michée dans ses Critical notes on Micah de l’American Journal of semitic languages and literatures de juillet et octobre 1910. Des commentaires comme ceux de Marti, J. M. P. Smith, essaient, avant de passer à l’explication du texte, d’en retrouver la division en vers et en strophes. Si « les résultats, obtepus jusqu’ici ou que l’on peut espérer obtenir dans l’état actuel des moyens d’investigation, sont trop incertains pour que l’on soit autorisé à faire d’une théorie quelconque sur la strophique hébraïque la base d’une appréciation critique du texte… il n’en est pas moins vrai qu’en plus d’un cas, ces études ont déjà rendu des services sérieux dont il importe de tenir compte. » Van Hoonacker, op. cit., p. xi-xii.

4°. Doctrines religieuses. — Le prophète Michée ne marque pas sans doute une étape nouvelle et importante dans l’histoire du prophétisme en Israël, son enseignement n’est point caractérisé par une spéciale originalité ; il n’est point cependant le simple imitateur de ses grands contemporains, Amos et Isaïe. Adressé en des circonstances à peu près identiques, son message, par bien des côtés, rappellera le leur, mais une émotion qui lui est bien personnelle le pénètre et nous laisse entrevoir l’expérience d’une âme qui a souffert des maux, objet de ses anathèmes. Avec une insistance et une précision plus vigoureuses, il rappelle, peut-être à cause du peu de résultat des prédications d’Amos et d’Osée, des vérités essentielles sur Dieu et la pratique d’une religion vraiment sincère. A la peinture des mœurs des Hébreux du viiie siècle, il ajoute quelques traits qui montrent mieux encore la nécessité de l’intervention prophétique, pour le maintien de la foi de Jahvé dans sa pleine intégrité. Dans le lointain de l’avenir messianique enfin, il projette des lumières qui mettent en un relief plus puissant tel ou tel de ses éléments, demeurés jusqu’alors dans l’obscurité.

1. Dieu.

« Jahvé n’est-il pas au milieu de nous ? Le malheur ne saurait venir sur nous. » Mich., iii, 11. C’est par de telles paroles que prêtres et prophètes entretiennent pour de l’argent les illusions parmi le peuple. Ce dernier, en effet, malgré les enseignements réitérés des vrais prophètes et plus spécialement d’Amos et d’Osée, s’obstinait dans la conviction que ja faveur de Jahvé était inséparable du choix qu’il avait fait de son peuple, et qu’elle ne saurait dépendre de la plus ou moins grande fidélité à le servir. Une telle conception de la divinité et de ses relations avec ses sujets ne différait guère, en fait, de celle que les peuples voisins d’Israël se faisaient de leurs propres divinités. Sans doute Jahvé, tout comme le dieu de Moab, Chamosh, pouvait parfois laisser sa colère s’allumer contre son peuple, mais il ne pouvait l’abandonner définitivement ni consommer sa ruine, il y allait de sa dignité et de son renom parmi les nations ; pouvait-il d’ailleurs demeurer insensible à l’offrande d’innombrables sacrifices dont la fumée montait sans cesse vers lui ? Et ainsi le culte apparaissait comme l’élément essentiel, la substance même de la religion ;

que les victimes soient en nombre et de qualité, que tous les rites soient rigoureusement accomplis, selon les prescriptions minutieusement établies, et alors Jahvé ne saurait exiger davantage. C’est à faire pénétrer l’élément moral dans cette notion populaire de la divinité, de ses relations avec Israël et des devoirs à lui rendre, que s’évertuera le prophète Michée. A l’exemple d’Amos, d’Osée et d’Isaïe, il dépensera toute son activité à purifier et à élever les idées alors reçues sur Dieu et la religion.

Pour cela il expose, avec une particulière insistance, la nature des exigences divines, dont la méconnaissance sera sévèrement châtiée. Ce que Jahvé réclame de son peuple, c’est la justice et la miséricorde et non les boucs et les béliers. Mich., vi, 6-8. Lui-même, juste et droit, il réclame de ses sujets les mêmes qualités, mais en leur place, il ne trouve qu’injustice et cruauté envers les pauvres ; tous, princes, juges, riches, grands, sont également coupables, vii, 3 ; il n’est pas jusqu’aux chefs religieux qui n’aient sombré dans l’universelle corruption, en prostituant leur sublime mission par la recherche d’un gain sordide, ni, 11. Ceux dont le devoir était de dénoncer le crime et le péché les ont, au contraire, dissimulés sous le manteau de la religion. Mais le prophète, conscient de sa vocation d’interprète authentique des volontés divines, ne demeurera pas muet ; comme jadis son homonyme, le fils de Jemla, III Reg., xxii, il fera entendre aux coupables la menace d’un redoutable châtiment.

La colère et la vengeance divines, provoquées par tant de crimes, ne sauraient en effet retarder plus longtemps le châtiment. A la confiance présomptueuse que les prévaricateurs, encouragés par les prêtres et les prophètes, mettent dans la protection de Jahvé Michée répond par l’annonce de la ruine de Jérusalem et de son temple ; leur sort sera celui de Samarie : « Sion deviendra un champ qu’on laboure, Jérusalem un monceau de pierres et la montagne du temple une hauteur boisée. » Mich., ni, 12. Dans cette sinistre prédiction, s’affirme, non moins que son courage, l’originalité du prophète, courage à menacer Jérusalem d’une destruction totale et à porter ainsi un coup redoutable aux antiques préjugés. Les habitants de Jérusalem, en particulier, ne pouvaient admettre que la splendide demeure de Jahvé, symbole de sa présence au milieu de son peuple depuis les jours de Salomon, pût jamais tomber entre les mains d’une nation païenne et subir la profanation et la destruction ; qu’ils comprennent désormais que Jahvé n’a besoin ni du temple, ni de Jérusalem pour manifester sa gloire et sa puissance, et que Celui qui ébranle les montagnes et les vallées saura bien faire éclater sa vengeance dans le monde, même si la capitale de Juda n’est plus. Cette condamnation sévère est « le trait final qui forme aussi le point culminant du discours des trois premiers chapitres. Le prophète y affirme, dans les termes les plus catégoriques, que Jahvé n’a d’obligation envers son peuple que pour autant que celui-ci observe fidèlement la loi de son Dieu. C’est la doctrine que proclament d’ailleurs avec la même netteté Amos et Osée. » Van Hoonacker, op. cit., p. 340.

2. Le culte.

Avec ces mêmes prophètes encore,

Michée insiste sur le côté moral de la pratique de la religion. Il doit être au premier plan des préoccupations des serviteurs de Jahvé et non pas, comme il arrive trop souvent, à l’arrière-plan, bien loin derrière les pratiques d’un culte trop exclusivement extérieur, composé de rites, d’offrandes, d ? fêtes, de sacrifices.

Dans une formule d’une netteté et d’une concision remarquables, Michée caractérise la pratique de ce qu’il entend par une véritable religion : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bon et ce que Jahvé