Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée
1653
1654
MICHEE, LE LIVRE


sur le patrie du prophète. Aucune allusion à la famille de Michée, pas plus dans le titre que dans le reste du livre, preuve sans doute de la condition modeste du prophète, à moins que, avec les Septante, qui traduisent le titre par ces mots : Mixatav tov toû McopaaŒî, on n’y voie une indication généalogique,

Son époque.

 D’après le titre encore, Michée a

exercé son ministère au temps de Joathan, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda.

Cette indication chronologique est confirmée, du moins en ce qui concerne le règne d’Ézéchias, par un passage du livre de Jérémie, xxvi, 18, annonçant la ruine du temple et de la ville de Jérusalem ; il y est rapporté, en effet, que, pour défendre Jérémie contre des ennemis acharnés à sa perte, quelques-uns des anciens du pays rappelèrent le cas de Michée. qui jadis, au temps d’Ézéchias, avait déjà prédit, lui aussi, que Sion serait labourée comme un champ, que Jérusalem deviendrait un monceau de pierres et la montagne du temple une colline boisée ; et pourtant, loin de le faire mourir, le roi craignit et implora Jahvé. Ces paroles, auxquelles le livre de Jérémie fait allusion, sont, dans le recueil des prophéties de Michée, la conclusion du c. ni, constituant avec les deux chapitres précédents la première partie du livre. D’autre part, si, comme il est probable, cette partie est la plus ancienne du recueil, il s’ensuit que les oracles qui nous ont été conservés de Michée remonteraient uniquement à l’époque d’Ézéchias ; conclusion qui est confirmée par l’examen du livre et paraît plus conforme au sens du passage de Jérémie disant que Michée prophétisait au temps d’Ézéchias, roi de Juda. Que devient dès lors l’indication chronologique du titre, plaçant la parole de Jahvé, adressée au prophète de Moreseth, au temps de Joathan, d’Achaz et d’Ézéchias ? Quelques critiques, Nowack, Marti, J. M. P. Smith, la tiennent, aussi bien d’ailleurs que celle des titres d’Isaïe et d’Osée, pour l’œuvre, au moins dans sa forme actuelle, d’un rédacteur plus récent.

Quant à l’époque précise du règne d’Ézéchias à laquelle fut prononcé l’oracle des trois premiers chapitres de Michée, l’annonce qui y est faite de la ruine de Samarie la placerait avant 722, année où Sargon se rendit maître de la capitale du royaume d’Israël ; à moins que cette ruine de Samarie, à laquelle fait allusion le prophète, ne soit pas simplement, comme le veulent plusieurs, la chute de la ville, survenue alors, mais une véritable destruction dont il menace la cité, toujours prête à la révolte contre la domination assyrienne et qui, en fait, ne fut pas détruite en 722 ; ni le récit de la prise de Samarie, en effet, IV Reg., xvii, 6, ni les annales de Sargon ne parlent d’une destruction telle que la capitale d’Israël n’aurait plus été qu’un tas de pierres dans un champ, Mich., i, 6. On sait de plus qu’en 715 Sargon établit des tribus arabes à Samarie et, jusqu’en 6-15, il y eut un gouverneur assyrien résidant dans la ville. Cf. J. M. P. Smith, Micah, Edimbourg, 1912, p. 20. A l’appui de ces considérations on fait encore remarquer, que dans l’oracle de Michée, i-ni, la ruine de Juda semble bien inséparable de celle d’Israël, l’une et l’autre se présentant comme les deux actes d’un même drame : or, avant 722, le sort de Jérusalem n’apparaît nullement lié à celui de Samarie : les deux peuples d’Israël et de Juda n’avaient-ils pas récemment été en guerre l’un contre l’autre, lors de la coalition syro-éphraïmite contre Juda, 735-734, et Achaz n’avait-il pas prêté serment de fidélité au roi d’Assyrie Téglatphalasar, dans la capitale syrienne ? Dans de telles conditions, on le voit, la conquête de Samarie n’entraînait pas nécessairement une campagne contre Juda. Tout autre, au contraire, se présente la situa tion une quinzaine d’années plus tard, vers 705, alors que Juda, ayant modifié sa politique, s’était allié aux petits États de l’Ouest dans leur révolte contre l’Assyrien, désormais l’ennemi commun. On comprend dès lors, que dans ces circonstances, la campagne entreprise en 701 par Sennachérib en Palestine ait menacé aussi bien Jérusalem que Samarie, laissée debout par la conquête de Sargon. Une telle situation répond d’une manière plus adéquate aux données de l’oracle de Michée, qui ainsi ne remonterait pas au de la de 705. Cf. Marti, Dodekapropheton, Tubingue, 1905, p. 2(30. L’étude de la question d’authenticité et des rapports qu’ont entre eux les différents éléments du livre, voir ci-dessous, aboutit plutôt au maintien d’une date antérieure à 722, d’ailleurs généralement admise, pour le premier discours du livre de Michée.

On notera que l’avènement d’Ézéchias est à reporter en 727, selon l’indication de IV Reg., xviii, 19-10 d’après laquelle Samarie tomba aux mains des Assy riens la sixième année du règne d’Ézéchias (722) ; indication préférable à celle de IV Reg., xviii, 13, qui, datant l’invasion de Sennachérib (701) de la quatorzième année d’Ézéchias, ne fait commencer le règne de ce dernier qu’en 715. Cf. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 340-344.

II. Le Livre.

1° Analyse. —  Comme la plupart

des livres prophétiques, celui de Michée est un recueil de quelques oracles, prononcés en différentes circonstances, sans lien apparent entre eux. On peut les répartir en trois sections : i-m ; iv-v ; vi-vn ; c’est le groupement de plus en plus adopté, préférable à celui qui sépare le c. m des deux premiers, dont il apparaît bien la suite logique. Dans la première partie ainsi que dans la troisième, domine l’idée de repentir et du jugement ; dans la deuxième et dans les derniers versets du livre, vii, 7-20, dont il est fait parfois une quatrième section (Stenernagel), les espérances messianiques sont au premier plan.

Première partie, i-m. - - Après le titre i, 1, le prophète invite, sur un mode solennel, tous les peuples à être attentifs à la voix de Jahvé, se manifestant dans une apparition grandiose, i, 2-4, pour prononcer la sentence de condamnation contre Samarie sans doute, mais aussi contre Jérusalem et Juda, i, 5-9 ; c’est d’ailleurs Juda qui, avant tout, intéresse Michée, la ruine de Samarie n’étant, à ses yeux, que l’avertissement et le prélude de celle de Jérusalem, et des villes de la plaine de Juda ; la mention de plusieurs d’entre elles, dont sa patrie Moreseth, qui seront frappées par l’ennemi, lui est occasion de ces jeux de mots, fréquents dans la littérature orientale, i, 10-16 ; ils signifieraient l’isolement et l’abandon d’Israël en face des Assyriens, si toutefois tel est bien le sens de ces versets obscurs, véritable crux interpretum, comme le reconnaissait déjà saint Jérôme.

Après l’annonce du châtiment vient, au c.n, Pénumération des fautes qui le rendent nécessaire : convoitises et violences pour s’emparer du bien d’autrui attireront sur les auteurs le dépouillement de ces biens qu’ils ont acquis au détriment de leurs compatriotes. ii, 1-6. La colère de Jahvé, lente pourtant à s’enflammer, ne laissera pas impunies les injustices et les spoliations, quoi qu’en disent les faux prophètes, annonçant, au lieu de la ruine, l’abondance, ii, 7-11. Les deux versets suivants, ii, 12-13, qui prédisent le rassemblement et le retour des restes dispersés d’Israël et de Juda sous la conduite de Jahvé, interrompent brusquement rénumération des crimes qui reprend au c. m. Sur ces deux versets voir ci-dessous. A cause des exactions des chefs de Jacob et des magistrats de la maison d’Israël qui dévorent la chair du peuple, iii, 1-4 ; à cause des iniquités des prophètes à la parole vénale et mensongère, 5-7