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METEMPSYCOSE, DISCUSSION


a rendus les esclaves. Cette existence terrestre ne pourrait pas, sans inconvénients, se prolonger plus de cent ans, pour des raisons qu’il est inutile d’indiquer ici ; mais cent ans sont insuffisants pour obtenir la victoire définitive ; il a donc fallu nous accorder un délai beaucoup plus considérable ! mais coupé par des intervalles de sommeils… chacun de ces sommeils s’appelle la mort. Il est vrai que chaque existence est accompagnée de l’oubli de celles qui l’ont précédée, mais cet oubli est providentiel, il facilite l’évolution : avec le souvenir il serait difficile de changer son plan de vie » (Il semble bien que ce soit l’inverse, nous ne pourrions changer qu’à condition de profiter de notre expérience, ce qui suppose le souvenir). Le D r Rozier croit devoir conclure : « La théorie des réincarnations envisagée ainsi peut cire acceptée ou rejetée par les catholiques, mais elle ne tombe pas sous l’anathème précité. »

En réalité la doctrine des réincarnations doit être considérée comme positivement réprouvée par l’Église, non pour l’anathème lancé par le concile de 543, puisqu’il n’était pas œcuménique, mais plutôt à cause du IIe concile de Lyon (1274) : « Les âmes… sont immédiatement reçues dans le ciel », et du concile de Florence (1439) : « Les âmes… descendent immédiatement dans l’enfer pour y souffrir le châtiment de peines inégales. » Denz.-Bann., n. 464, 693.

13° Temps modernes. — Jérôme Cardan de Pavie, Bernardin Telesio, Giordano Bruno essaient de faire revivre le dogme de Pythagore. Van Helmont admet la préexistence des âmes et a pu influer sur la monadologie de Leibniz.

Charles Bonnet de Genève développe la doctrine de la métempsycose qu’il nomme palingénésie. C’est cette même doctrine que le philosophe lyonnais Ballanche (1776-1847) essaiera de concilier avec le dogme chrétien. Cf. Gaston Fraînnet, Essai sur la philosophie de Pierre-Simon Ballanche, Paris, 1903. P. Leroux, (1797-1871) dans son livre De l’humanité, Paris, 1840, enseigne la métempsycose dans l’humanité même : ce sont les mêmes hommes qui renaissent sans cesse. C’est une immortalité individuelle, mais non personnelle. L’individu n’est pas absorbé d ;.ns la substance absolue ; mais en rentrant dans son autre corps individuel, il perd la mémoire et la personnalité.

Jean Reynaud, Terre et Ciel, Paris, 1854, ne peut admettre cette immortalité sans conscience et sans souvenir. Aussi pour conserver la personnalité et la responsabilité, il admet que la transmigration se fait d’astre en astre avec toutes les conséquences morales qu’exige le principe du mérite et du démérite.

Le père de l’école phalanstérienne, Charles Fourier, enseigne, lui aussi, la métempsycose, Théorie de l’unité universelle, 1841, t. ii, p. 304-348. Quel est le vieillard qui ne voulût être sûr de renaître et de rapporter dans une autre vie l’expérience qu’il a acquise dans celle-ci ? Prétendre que ce désir doit rester sans réalisation, c’est admettre que Dieu puisse nous tromper. Il faut donc reconnaître que nous avons déjà vécu avant d’être ce que nous sommes, et que plusieurs autres vies nous attendent, les unes renfermées dans le monde ou intra-mondaincs, les autres dans une sphère supérieure ou extra-mondaines, avec un corps plus subtil et des sens plus délicats, ’roules ces vies, au nombre de 801, sont distribuées entre cinq périodes d’inégale étendue et embrassant une durée de 81.000 ans. Au bout de ce temps, toutes les âmes particulières perdent le sentiment de leur existence propre se confondant avec l’âme de notre planète.

Toutes ces rêveries semblèrent à plusieurs confirmées par les fails que prétend expliquer le spiritisme cl préparèrent des adeptes à la théosophie (voir ces mots).

II. Discussion.

Les auteurs scolastiques ne réfutent généralement pas la métempsycose d’une façon spéciale, car ils la considèrent comme manifestement incompatible avec leurs thèses sur le composé humain. Voir cependant Tongiorgi, Institutiones philosophiez, Bruxelles, 1873, t. iii, p. 102 ; Tilman Pesch, Inst. psgchologicæ, Fribourg-en-B., 1896, t. i, p. 409.

Il est évident que si l’âme est la forme substantielle du corps, lui donnant l’être spécifique et possédant un être essentiel avec lui, elle ne pourra s’unir qu’à ce corps. Cf. S. Thomas, Qusest. disp. de spir. créât., a. 9, ad 4um ; In //um Sent., dist. XVII, q. ii, a. 2. Il y aura proportion entre telle âme et tel corps, Contra Gentes. t. II, c. lxxiii, lxxv, lxxxi, ad 3um. L’âme est aussi sensitive et, comme telle, requiert tel corps ; cf. Sum. theol., I a, q. lxxvi, a. 5. L’âme garde les déterminations qu’elle a eues en étant la forme de tel corps, et ne peut devenir la forme de tel autre corps.

C’est ce qu’expliquait Avicenne, auquel saint Thomas se ralliait : Si aliquid unum figuram suam non relinens (velut aqua) distinguatur per diversa vasa, quando removentur vasa, non rémanent propriee figuræ distinctæ. Si autem sit aliquid retinens figuram (sicut cera) quod distinguatur secundum diversas figuras per diversa instrumenta, etiam remotis Mis remanebil distinctio figuralis. Et hoc medo se habet anima rationalis. Hsec enim ita esse suum post corporis deslruclionem relinet, ut ipsa maneat idem esse individuatum et distinction et proportionatum corpori suo. Cf. S. Thomas, In IIum Sent., dist. XVII, q. ii, a. 2 in corpore et ad 4um.

1° Les arguments apportés en faveur de la métempsycose ne sont pas convaincants. J’emprunte les deux premiers à L. Figuier, Le lendemain de la mort, Paris, 1871.

Argument.

« La présence de l’homme sur

tel ou tel point de la terre et l’inégale distribution des maux sur notre globe ne peuvent trouver d’explication. .. Si au contraire vous admettez la pluralité des existences humaines, tout s’explique merveilleusement. .. Notre existence actuelle n’est que la suite d’une, autre, soit que nous portions en nous l’âme d’un animal supérieur, que nous devons épurer, perfectionner, ennoblir, pendant notre séjour sur la terre ; soit qu’ayant déjà rempli une existence imparfaite et mauvaise, nous soyons condamnés à la recommencer sur nouveaux frais. » P. 264.

Réponse. — Dans le Contra Gentes, t. II, c. xliv, intitulé, La distinction des êtres ne provient pas de la diversité des mérites et des démérites, saint Thomas apporte douze raisons contre Origène et conclut : « Lorsque nous donnons gratuitement, nous n’offensons pas la justice en donnant inégalement ; or Dieu a donné l’être par pure libéralité, il n’avait donc pas à tenir compte des mérites. »

De plus comme le bien du tout prime le bien des parties, il ne convenait pas de diminuer le bien du tout pour augmenter le bien de certaines parties. De même que l’architecte ne donne pas aux fondations les qualités du faîte, de peur de priver la maison de la solidité désirable, de même Dieu n’aurait pas rendu l’univers parfait dans son genre en faisant toutes ses parties égales.

2e Argument. - « S’il n’y a pas de réincarnai ion, nous demanderons pourquoi les Ames ne sont pas formées toutes sur le même type, et pourquoi, lorsque tous les corps humains sont semblables, il y a une si grande diversité dans les âmes ?… Comment cxplique-t-on l’existence de ces enfants qu’on appelle petits prodiges : Pascal, Mozart, Rembrandt… Tout se comprend si l’on admet une vie antérieure à la vie présente. L’individu apporte, en naissant, l’intuition qui résulte pour lui des connaissances qu’il avait