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METEMPSYCOSE, HISTOIRE


sauveur : « Bienheureux et fortuné, tu seras dieu et non plus mortel. » Christus, p. -468 ; A. Diès, Le cycle mystique, Paris, 1909, p. 42 ; Gomperz, Les penseurs de la Grèce, Paris, 1904, t. i, p. Ml ; J. Adam, The religious teachers o/ Grecce, Edimbourg, 1909, p. 106 ; Jane Harrisson, Prolegomena to the studij o] greek religion, Cambridge, 1903, c. xi.

C’est bien probablement aux orphiques que Platon empruntera l’antique tradition que les âmes, après être allées chez Hadès, reviennent sur terre et renaissent des morts ; on suppose vraisemblablement le nombre des âmes lixe et invariable ; les âmes des vivants ne peuvent venir que des morts. Phédon, 70 e. De même Hérodote, ii, 123, pense aux orphiques aussi bien qu’aux pythagoriciens quand il fait emprunter à l’Egypte par des sectes contemporaines le cycle de trois mille ans : « Les Égyptiens furent les premiers à dire que l’âme de l’homme est immortelle. Sans cesse, d’un vivant qui meurt, elle passe à un autre qui naît ; et, quand elle a parcouru tout le monde terrestre, aquatique et aérien, elle revient alors s’introduire en un corps humain. Ce voyage circulaire dure trois mille ans. C’est là une théorie que, plus ou moins près de nous, plusieurs Grecs se sont appropriés ; je sais leurs noms et ne les écris point. »

Comme le note Rohde, Psyché, Seelencult und Unsterblichkeitsglaube der Griechen, Leipzig, 1903, t. ii, p. 123, il y a chez les orphiques un cycle des naissances, une roue de la génération et du destin. Dans ce cercle, il n’y a pas que les âmes à évoluer ; il est probable que l’univers entier est soumis à un renouvellement périodique, dans lequel tous les phénomènes du monde vivant comme du monde inanimé se répéteront identiques. L’idée du cycle est ainsi étendue à toute la nature.

Toutefois le cycle se rompt pour les âmes ; non pas pour toutes, mais pour celles des privilégiés qui ont eu part aux mystères orphiques et, parmi celles-là, pour celles qui ont accompli une expiation suffisante. Comme le dira Platon, Phédon, 69 c : « Il y a beaucoup de thyrsophores, mais peu de vrais bacchants. » La libération définitive est une rentrée au sein de la divinité. Mais cette récompense était proposée sous des images assez grossières ; le bonheur céleste prenait la forme d’un banquet, et l’on ne trouvait d’autre prix de la vertu, au dire de Platon (République, ii, 363) qu’une éternité d’ivresse.

C’est à grand tort qu’on a assimilé à l’orphisme les mystères d’Eleusis. Ceux-ci étaient sous la tutelle de l’État, tandis que l’orphisme était une religion libre, disséminée en confréries indépendantes, sans être attachée à un sanctuaire, ouverte aux nouveautés, aux doctrines individuelles, se rapprochant successivement de tous les systèmes philosophiques. Si quelques poètes, Pindare (cf. Ménon, 81 b) et Euripide, eurent connaissance des idées orphiques, si des philosophes, comme Platon, leur firent accueil, par contre, aux yeux du grand nombre, par leur genre de vie et leur costume, leur dédain du vulgaire, les Purs, les Saints étaient suspects ou un peu ridicules. Paul Foucart, Les mystères d ! Eleusis, Paris, 1914, p. 255.

L’orphisme requiert de ses initiés une série de purifications continuées pendant tout le.séjour sur la terre, la lecture et la méditation des livres orphiques, les pratiques de la vie ascétique. Il se montre donc moralement bien supérieur aux mystères d’Eleusis, dans lesquels il n’y a aucune notion de mérite et de démérite, où seule compte la question d’initiation, « L’orphisme n’est probablement pas d’origine hellénique ; ce qui s’y mêle de bacchique et d’orgiaque ainsi que le nom d’Orphée, fait songer à une origine thrace. i Chantepie de la Saussaye, p. 562,

2. Les pythagoriciens.

Ils adoptèrent le cycle

cosmique et le cycle des âmes. Leur alliance avec les orphiques est attestée par le célèbre texte d’Hérodote (n, 81). Parlant des Égyptiens, qui défendaient de vêtir de laine les morts, il s’arrête pour constater, en certaines sectes grecques des interdictions semblables : « Ils ressemblent en cela à ceux qu’on appelle orphiques et bacchiques et qui ne sont en réalité que des Égyptiens, ainsi qu’aux pythagoriciens. » On s’est demandé si les mythes orphiques dérivent des mythes pythagoriciens ou inversement. Rohde, Psyché, t. ii, p. 107, tient pour la première opinion, ainsi que P. Foucart, Les mystères d’Eleusis, p. 253. Voir en sens contraire, Maass, Orpheus, 1895, p. 164166 ; Chaignet, Pythagore et la philosophie pythagoricienne, p. 38, dit prudemment : « L’époque de la formation scientifique de la théologie orphique est trop incertaine pour qu’on puisse affirmer qu’elle a exercé une influence réelle et précise sur Pythagore. »

C’est à Phérécyde de Syros (f vers 543), certainement allié aux orphiques, que plusieurs (Suidas ; Porphyre, De antr. Nymph., 31 ; cf. Gruppe, Griechische Mythologie und Rcligionsgeschichte, Munich, 1906, p. 428) rapportent l’invention de la métempsycose ; entre les différents « replis » de sa cosmogonie se trouvent les portes par où passent les âmes qui entrent dans la vie ou en reviennent. C’est dans ce sens qu’il faut entendre Cicéron, Tusc, i, 16, déclarant : Pherecydes Syrius primum dixit animos hominum esse sempiternos.

L’idée du cycle cosmique est exprimée dans la curieuse réflexion d’Eudème à ses élèves (Phys., 51) : « Si l’on en croyait les pythagoriciens, les choses devraient se répéter numériquement identiques. Et moi, je reviendrais professer, avec le même baguette, devant vous semblablement assis ; et tout le reste se reproduirait ainsi en son enchaînement. »

Dans ce cycle de naissances et de renaissances était évidemment comprise l’âme humaine. Nos sources ne peuvent remonter jusqu’à Pythagore qui, très probablement, n’a rien écrit. Philolaùs fut le premier à mettre par écrit la doctrine en ces trois fameux volumes que dut acheter Dion de SyTacuse pour le compte de Platon (Diogène Laërcc, viii, 15 ; Jamblique, Vila Pylh., 199). Clément d’Alexandrie (Stromales, ni, 433) écrit : « Il est bon de se rappeler le mot de Philolaùs. Or voici ce que dit le pythagoricien : des anciens théologiens et devins (allusion aux orphiques) disent que l’âme a été unie au corps en punition de certaines fautes et est pour ainsi dire ensevelie en lui comme dans un tombeau. » On peut voir une allusion à cette doctrine dans Gorgias, 493 ab, et dans Cratyle, 400 d. La vie ne serait alors qu’un châtiment, et la mort une délivrance. Opinion qu’Athénée (iv, 175 a) nous présente comme celle du pythagoricien Euxithée. En sens contraire, voici une assertion de Philolaùs citée par Claudien Mamert, De statu anim., n, 7 : « L’âme chérit son corps, parce que sans lui elle ne peut sentir ; mais quand la mort l’a séparée, elle mène dans le monde une vie incorporelle. »

3. Pythagore.

Les légendes qui, de bonne heure,

eurent cours au sujet de Pythagore montrent que sa pensée religieuse est absolument orphique. Pythagore est l’homme des renaissances. D’après Héraclide le Politique, il racontait ses vies successives (Diogène Laërce, viii, 4-6). La série commençait par Aithalidès. Hermès, son père ; lui avait donné à choisir le privilège qu’il voudrait, sauf celui de ne point mourir. Il obtint donc de se rappeler, vivant ou mort, tOUl ce qui lui serait arrivé. On voit que le fond même de l’histoire suppose, pour tous, les naissances successives : échapper à la mort et, par suite, aux renaissances est impossible à l’homme et les dieux ne peuvent autre chose, pour leurs favoris, qu’éclairer