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MESSIANISME, RÉALISATION DANS LE N. T.


moins également l’influence des conceptions juives. Gall l’observe avec raison contre Xorden qui cherche à écarter celle influence ; mais c’est à tort que, suivant ses prédilections personnelles, il veut aussi faire entrer en ligne de compte le parsisme.

Il s’ensuit que la prédiction messianique de Virgile ne s’explique pleinement que comme un écho des grandes prophéties do l’Ancien Testament.

Il est vrai que le P. Lagrange soutient une conception toute différente de la ive églogue. D’après lui il ne peut y être question ni de messianisme ni de connexion avec l’Ancien Testament. Conformément à la coutume orientale de diviniser les souverains, Virgile aurait glorifié Octave et son fils, chanté d’avance le culte de l’empereur.

Pour écarter du poème le sens messianique, le P. Lagrange relève que c’est au père de l’enfant qu’est attribuée la pacification du monde et la réalisation du bonheur. Rien de plus exact. Mais il est non moins vrai que la naissance de l’enfant est regardée comme l’inauguration de la félicité des hommes : il est expressément dit que l’enfant apporte la paix et que son apparition ouvre l’ère nouvelle. L’enfant est donc présenté comme sauveur du monde.

Pour prouver ensuite qu’une infiltration d’idées juives n’est guère probable, le P. Lagrange insinue d’abord que, par ultima Cumœi venit iam carminis setas, Virgile ne fait pas allusion à la Sibylle de Cumes, mais qu’il « désigne le poème d’Hésiode ». Cependant le poète grec, ainsi que nous venons de le voir, a parlé de l’âge d’or uniquement comme d’un temps primordial, mais aucunement comme d’une époque dont le retour pourrait être espéré pour l’avenir. Le P. Lagrange fait valoir en second lieu la différence qui existe entre la conception du Messie, telle qu’elle se rencontre dans le III 6 livre sibyllin, et celle du prétendu Messie de l’églogue : là le sauveur descend du ciel et rétablit l’ordre par une intervention foudroyante, ici le sauveur naît et il n’y a aucune autre relation entre lui et le bonheur que celle de la coïncidence. Sans doute cette différence existe. Mais il y a d’autre part deux traits qui s’accordent tout à fait, savoir l’annonce de la paix dans le règne animal et d’une guerre qui troublera momentanément la paix paradisiaque, et cette harmonie semble difficile à expliquer sans une dépendance. Supposé même que les oracles sibyllins ne doivent pas être pris en considération, il reste toujours la ressemblance frappante entre Is., ix-xi, et la bucolique de Virgile : le prophète et le poète présentent la naissance d’un enfant merveilleux comme l’ouverture de l’ère de prospérité. Cet accord non plus ne peut amener le P. Lagrange à supposer une source judaïque aux conceptions de Virgile. Il l’écarté une fois de plus — c’est son troisième argument — pour cette raison que le poète n’aurait pu prendre contact avec le judaïsme qu’au moyen d’un rapport entre Pollion et Hérode. A quoi il ajoute que le messianisme des Juifs nation vaincue par les Romains. « n’avait pas de chance de séduire Virgile ». Or il n’est pas nécessaire d’admettre le séjour d’Hérode à Rome, en 40 av. J.-C ; l’existence d’une colonie juive florissante dans la capitale même de l’Empire romain offrait à un Romain des possibilités normales de connaître les idées juives. Et, en un moment où le syncrétisme religieux était si fort a la mode, est-il tellement invraisemblable cpie Virgile ait pu être inspiré par cette espérance admirable du messianisme ?

Il n’est donc pas démontré qu’une influence juive sur Virgile soit impossible et il semble même, à tout prendre, que cet le hypothèse est celle qui explique le mieux les particularités de son poème.

5° L(/ fin de l’ordre actuel d’après les Hindous. — Parmi les religions de l’Inde, l’hindouisme présente

également un parallèle avec l’espérance messianique. Vischnou, qui, dans la religion védique jouait un rôle secondaire est devenu pour les Hindous le dieu suprême, qui se révèle aux hommes par dix incarnations successives. Il vient chaque fois que l’immoralité et le malheur ont atteint leur point culminant. La première fois il a apparu sous la forme d’un poisson pour sauver les hommes du déluge. La huitième fois il s’est manifesté en la personne du héros divin Krischna, qui, encore enfant, écrasa un serpent. La neuvième incarnation eut lieu en Bouddha. La dixième se fera dans l’avenir. Elle sera la plus importante ; car alors Vischnou apparaîtra en personne : il défendra le bien et détruira le mal ; des débris du monde ancien il construira un monde nouveau et instituera une ère de bonheur. Tenant dans sa main droite un glaive brillant, il descendra du ciel sur un cheval blanc, il détrônera les barbares pour donner le gouvernement aux justes.

Il semble que cette croyance en la suprême révélation de Vischnou ait un vrai caractère eschatologique, et ne se rapporte pas seulement au bouleversement physique du globe comme le suppose Kônig, Messianische Weissagungen, p. 21 sq.

Voir P. A. Chantepie de la Saussaye, Lehrbuch der ReligionsgeschicMe, t. ii, 3e édit., 1905, p. 137 sq. ; A. Jeremias, Die ausserbiblische Erlôsererivartung, p. 252 sq. ; Macnicol, Hinduism and Christianilg, some points o/ contact and divergence, dans Expos. Times, 1924, 1925, p. 323 sq. ; E. Abegg, Der Messiasglaube in Indien, 1928.

La fin du monde d’après les mythes germaniques.


La mythologie germanique connaît, elle aussi, la fin du monde actuel et son renouvellement en vue d’inaugurer une ère de bonheur. La catastrophe mondiale est causée par la méchanceté des dieux plutôt que des hommes. Elle est surtout inévitable par suite de la mort de Baldur qui est le dieu soleil. Elle se fera par une conflagration de l’univers et par l’assaut des vagues de la mer qui doit entrer en ébullition. Dieux et hommes périssent et la terre brûlante est engloutie par l’océan. Mais après le cataclysme a lieu le crépuscule des dieux : un nouveau monde surgira, il sera revêtu de verdure et les épis y pousseront sans semence. Baldur et d’autres dieux reviendront à la vie. Il y aura aussi’de nouveau des hommes. Cette seconde humanité descend d’un couple qui a échappé au désastre. Aucun mal ne régnera plus sur la terre. Tel est le contenu du premier chant, Voluspa, de l’Edda, combiné avec celui d’autres contes. C’est un mythe qui a trait au renouvellement de la nature au printemps, mais aussi au renouvellement du monde à la fin des temps, de sorte qu’il a un aspect eschatologique. Il exprime l’espérance des Germains en un monde meilleur.

WolfganK Golth’er, Ilandbuch der nordiseben Mythologie 1895.


IV. Comparaison entre les prophéties de l’Ancien Testament et les faits du Nouveau. —

Étant donné que tout le messianisme est une aspiration vers l’avenir religieux d’Israël et du monde, il reste à voir comment les prédictions se sont réalisées, c’est-à-dire dans quelle mesure le christianisme correspond à l’espérance entretenue par les prophètes.

Saint Jean-Baptiste ouvrit sa prédication par cet appel : » Faites pénitence car le royaume des deux est proche », et il présenta le Christ comme l’agneau qui enlève les péchés du monde, comme celui qui a existé avant lui et dont il n’est pas digne de dénouer les sandales. Le Sauveur annonça à plusieurs reprises que le royaume de Dieu était venu. De même il releva et il prouva qu’il étail le Messie attendu, qu’en lui se réalisaient les antiques prédictions. Les apôtres ont