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MESSIANISME, PRETENDUES ANALOGIES


viendra du Midi ; il s’appellera Ameni et sera le fils d’une femme de Nubie, il recevra la couronne de la Haute-Egypte et de la Basse-Egypte… Les hommes de son temps se réjouiront… Ceux qui sont inclinés au mal et qui méditent des hostilités, se tairont par peur devant lui. Les Asiatiques tomberont par son glaive et les Libyens par sa flamme… On construira le mur des princes et on ne laissera plus les Asiatiques descendre en Egypte… Le droit occupera de nouveau sa place et l’injustice sera chassée. Que se réjouisse celui qui verra cela et qui sera dans le cortège du roi, » 58-71.

Ce discours de Nefer-Rehu a un caractère tout à fait prophétique, et on comprend que ceux qui prennent le papyrus de Leyde pour un prototype des prophétiques messianiques, donnent beaucoup plus encore le même sens à celui de Pétrograd. Mais, à y regarder de près, on constate qu’il ne s’agit pas davantage ici d’un oracle proprement dit. Deux indications précises montrent qu’on a affaire à un valicinium post eventum. D’abord le roi glorifié comme sauveur y est désigné par son nom propre, Ameni. Or Ameni est le nom familial du pharaon Amenemhet I er (20001970 av. J.-C), fondateur de la XIIe dynastie. Il s’ensuit que c’est un roi historique qui est visé et non un roi idéal, un Messie. Ensuite la mention du mur des princes construit au nord de l’Egypte près du "Wâdi Tumilât pour barrer le chemin aux envahisseurs asiatiques, prouve que le but principal du texte dont elle est sans doute le point culminant (Gardiner, Dûrr, Gall), est d’exalter Amenemhet I er, précisément parce qu’il a reconstruit et consolidé ce mur et qu’il a mis fin par là aux dévastations de l’ennemi. Pour ces raisons Gardiner, Ermann, Dûrr, Gall interprètent les paroles de Nefer-Rehn comme une glorification hyperbolique de ce pharaon : elles sont mises dans la bouche d’un ancien sage pour que cette forme prophétique leur donne plus d’éclat.

3. Le troisième oracle censé messianique est la « prophétie de la brebis sous le règne du roi Bokchoris ». D’après un papyrus qui date de la XXXVIe année de l’empereur Auguste (7-8 après J.-C), sous le sage et pieux roi Bokchoris, qui a vécu vers 720 avant Jésus-Christ, un agneau aurait prédit une grande calamité de l’Egypte, ainsi que le relèvement du pays, en particulier l’invasion des Syriens et des Assyriens en Egypte, et ensuite l’irruption des Égyptiens en Syrie et en Assyrie. Le texte, traduit pour la première fois par J. Krall, dans Festgaben zu Ehren Bùdingers, 1898, p. 1 sq., étudié récemment surtout par Gall, Basileia, p. 65-68, est très fragmentaire et peu intelligible. Une chose est y cependant claire, comme Gall le relève, p. 81 : c’est qu’il y est uniquement question de faits historiques et non d’événements eschatologiques. Quoi de plus naturel pour un peuple qui vient de succomber que de mettre son espoir en un redressement prochain ?

4. Le quatrième texte est la prédiction d’un potier sous le règne d’un roi Aménophis, conservée par un fragment de papyrus grec du iiie siècle après Jésus-Christ, K. Wessely, Denkschriften der Akad. der Wiss. in Wien, phil.-hist. Klasse, 1893, p. 3 sq. (Neue griechische Zauberpapyri). Il contient d’abord l’annonce de différents malheurs qui fondent sur le pays : dessèchement du fleuve, obscurcissement du soleil, révolution intérieure, irruption des ennemis extérieurs. Il annonce ensuite l’avènement d’un roi aimé de tous, qui doit vaincre les envahisseurs et faire revenir les sanctuaires transportés en pays étranger. Alexandrie aura une nouvelle gloire. Pendant cinquante-cinq ans il y aura à Héliopolis un roi qui inaugurera une ère tellement heureuse, que les vivants souhaiteront que les défunts ressuscitent pour y prendre part.

Dans la nature l’ordre sera de nouveau rétabli : le Nil se remplira d’eau et le soleil retrouvera son plein éclat.

Les opinions sont très partagées sur l’origine et le sens de ce texte. Tandis que les uns, par exemple, N. Wilcken dans JEgyptiaca, Festschrift fur Ebers, 1897, p. 146-152, l’attribuent pour le fond à l’époque d’un des Aménophis de la XVIIIe dynastie, et prennent le passage qui mentionne Alexandrie pour une interpolation faite à l’époque hellénique, les autres, surtout Reitzenstein, Ein Stùck hellenistischer Kleinliteratur, dans Nachrichten der k. Gesellsch. der Wiss. zu Gôttingen, phil.-hist. Klasse, 1904, n.iv, p. 309-332 ; Gall, Basileia, p. 69-74, et Wilken, dans Hermès, 1905, p. 544-560, préfèrent le placer en entier au temps hellénique. Reitzenstein identifie le premier des deux rois avec Évergète II et le roi dont le règne doit durer cinquante-cinq ans avec Philopator Soter ; Gall pense pour les deux à Alexandre le Grand que les Égyptiens saluaient comme le sauveur qui les délivra du joug perse. Tandis que Wilcken comprend le texte comme une prophétie semblable à celles de l’Ancien Testament, Reitzenstein et Gall tiennent avec raison la forme prophétique pour une pure fiction. Pour les phrases qui annoncent une perturbation et un rétablissement de la nature, un bonheur exceptionnel réalisé par le roi, elles supposent une influence juive due à la Diaspora alexandrine.

Aucun de ces textes n’est donc une vraie prophétie susceptible d’être mise en parallèle avec les prédictions messianiques. Aussi des égyptologues de renom, comme Erman et Gardiner, ainsi que beaucoup d’exégètes, notamment Sellin, Prophetismus, p. 234 sq. ; Clemen, Religionsgeschichtliche Erklàrung des Neuen Testamentes, 1909, p. 115 ; Kittel, Die Religion des Volkes Israël, 1921, p. 89 ; Kônig, Mess. Weissagungen, p. 30 sq. ; Durr, Heilandserwartung, p. 1-15 ; Gall, Basileia, p. 48-82, regardent-ils comme une tentative sans issue l’essai de rattacher le messianisme à ces morceaux de la littérature égyptienne.

L’eschatologie perse.

Si les religions babylonienne

et égyptienne ne contiennent pas d’idées qui puissent être sérieusement mises en parallèle avec celles du messianisme, la religion perse renferme des conceptions qui ressemblent réellement aux doctrines messianiques de l’Ancien Testament.

Le mazdéisme se rapproche déjà du mosaïsme par sa croyance en un Dieu saint qui est partout présent et qui sait tout. Ce « maître sage », Ahura-mazda (Ormudz), de l’univers, entouré d’esprits immortels comme d’une cour royale, n’est cependant pas toutpuissant. Il est contrecarré par « l’esprit ennemi », Angro-mainyu (Ahriman), qui se dégagea de lui « au commencement de la vie » et le combat partout. Lorque Ahura-mazda eut créé le monde dans un état parfait, heureux et saint, Angro-mainyu y fit irruption avec une armée de démons et y introduisit le mal physique et moral. Depuis ce moment, la lutte entre les deux antagonistes tourne surtout autour des âmes de l’humanité.

Dans le dessein de rendre dorénavant ce combat victorieux pour le bien, Ahura-mazda envoya le prophète Zoroastre. D’après les plus anciennes parties del’Avesta, les Gàtha, la victoire définitive devait être bientôt remportée, et Zoroastre espéra en être encore témoin pour entrer avec ses fidèles au royaume d’Ahura-mazda et voir disparaître dans l’enfer Ahriman avec tout son parti. D’après les chapitres plus récents, la lutte dure encore longtemps. Dans le Bundahisch, autre livre sacré, postérieur à YAvesta, on lit même qu’elle continuera pendant trois mille ans, c’est-à-dire le même temps qu’elle avait déjà duré au moment de l’apparition de Zoroastre. Immédiate-