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MESSIANISME. PRETENDUES ANALOGIES


rois orientaux, auxquelles trop souvent la réalité ne correspondait guère. Cette coutume d’idéaliser le règne d’un prince est du même ordre que celle d’attribuer aux rois assyro-babyloniens une descendance divine, ou de regarder leur gouvernement comme depuis longtemps prédestiné et préparé par le ciel. Telle est l’opinion des assyriologues et des exégètes impartiaux tels que C. Bezold, Archiv fur Reliyionswissenschafl, 1907, p. 122, et B. Meissner, Babylonien und Assyrien, t. i, 1920, p. 07 ; Sellin, Prophetismus, p. 17 ; Mowinckel, Die vorderasiatischen Kônigs-und Fiirsteninschriften dans Feslschrift fur Gunkel, 1923, p. 304 ; Durr, Heilandserwartung, p. 27 ; Gall, Basileia, p. 44.

Enfin les panbabylonistes découvrent un fond eschatologique dans la mythologie, notamment dans les légendes qui se rapportent aux luttes que des dieux et des demi-dieux ont entrepris dans les temps primitifs pour faire cesser le désordre initial ou supprimer des fléaux. C’est dans ce sens qu’ils interprètent par exemple, la victoire de Mardouk sur Tiamat, d’Enlil sur Labbou, le mythe d’Éa et d’AtarJiasis et même le récit du déluge. Voir les textes dans P. Dhorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, 1907, et G. Gressmann, Altorientalische Texte zum Alten Testament, 2e éd., 1926. Tous ces contes seraient l’écho d’une croyance antique, d’après laquelle, après le temps de malheur, viendra un temps de bonheur, une époque messianique. Outre Zimmern, Keilinschriften, p. 391, Christusmythe, p. 14 sq., c’est surtout Gunkel, Schopfung und Chaos in Urzeit und Endzeit, 1894, p. 87, et A. Jeremias, Babylonisches im Neuen Testament, 1905, p. 94 sq., qui veulent y trouver l’origine plus ou moins probable de l’eschatologie biblique. Ils prétendent même que le mythe du dieu de la peste Ira, d’après lequel à la fin des ravages causés par ce dieu l’Akkadien se lèvera et renversera tout, prouverait que les Babyloniens ont déjà attendu l’arrivée d’un roi mondial, d’un roi Messie. Voir le texte dans Gressmann, Altorientalische Texte, p. 212 sq. Cette conception est aussi partagée par O. Weber, Die Literatur der Babylonien und Assyrier, 1907, p. 107.

On se demande comment une pareille interprétation des mythes babyloniens est possible ; car rien absolument ne l’autorise, et ici encore toute perspective messianique fait défaut. Non sans raison Gall, op. cit., p. 47, a raillé Jeremias qui, dans Handbuch der allorientalischen Geisleskultur, 1913, p. 205 sq., réussit à construire toute une eschatologie babylonienne où l’on aurait non seulement un temps messianique, mais encore un Messie. Cette juste critique n’a pas empêché Jeremias, de grouper, l’année suivante sur plus de soixante-dix pages, Die ausserbiblische Erlôser-Erwartung, p. 13-88, des textes assyro-babyloniens censés relatifs au grand sauveur de l’humanité.

Aux travaux cités au cours de l’article ajouter : A. Vaccari, Babilonismoe Messianismo.dans Scuola callolica, 1922, p. 401 sq. ; E. Kônig, Die moderne Babylonisierung der Bibel in ilirer neueslen Erscheimmgsform, 1922 ; W. Paulus, Mardnk Vrtijp Christi ? dans Orientalia, n° 29, 1928.

Prétendues prophéties égyptiennes.

 D’autres

ont cherché en Egypte, les racines du messianisme : E. Meyer, Die Isracliten und ihre Nachbarstàmme, 1906, p. 451 sq., Geschichte des Altertums, 1906, t. i b, § 287 ; Ulrich Wilcken, Zur ùgyptischen Prophétie, dans Hermès, 1905, p. 559 ; E. Norden, Die Geburt des Kindes, 1921, p. 51 sq., p. 55. Quatre textes surtout contiendraient des prédictions analogues à celles des prophètes. Voir ces textes dans Gressmann, Altorientalische Texte, p. 46-55.

1. Le plus long se lit sur le papyrus 344 de Leyde ; Il date du commencement de la XIX dynastie (vers 1300 av. J.-C.) et contient six poèmes très mutilés

et très obscurs. Le sage Ipu-wer y décrit un cataclysme complet de l’Egypte. Le pays tourne comme le disque du potier, ii, 8 ; il est dévasté comme une linière qu’on, vient de moissonner, iv, 4-5 ; une misère extrême règne partout, i, 6 ; iii, 14. Par suite de la famine, on dispute aux porcs la nourriture, ii, 13 ; vi, 1-3. Aucune autorité n’est plus respectée, vi, 5-6 ; vu, Il sq. ; ix, 2 ; on blasphème les dieux, v, 3 ; on attaque même le roi, des gens insensés le chassent et détruisent sa résidence, vii, 1-4. Après une exhortation à se débarrasser des ennemis qui ont causé tous ces malheurs et à rentrer de nouveau dans la ligne du devoir, x, 6 sq., des réflexions au sujet du]roi et des apostrophes à son adresse se suivent sans beaucoup de cohérence : « On dit qu’il est un pasteur pour tous ces hommes ; dans son cœur il n’y a pas de mal ; son troupeau s’est diminué bien qu’il s’en soit occupé ; pour le moment il n’y a point de pilote. Où est-il aujourd’hui ? Dort-il ? Voyez, nulle part sa puissance n’est visible, xii, 1-5… Commandement, intelligence et droit sont avec toi ; mais tu laisses la révolte parcourir le pays, on te dit des mensonges », xii, 12-13. « Si seulement tu goûtais un peu le malheur », xiii, 5. Le dernier poème présente un tableau de la situation qui devrait exister en Egypte : « Qu’il est beau quand les bateaux remontent le fleuve, qu’il est beau quand on retire les filets et qu’on y trouve des oiseaux…, qu’il est beau quand les mains des hommes construisent les pyramides… qu’il est beau quand les gens sont ivres… quand le désir de chacun d’avoir une couchette à l’ombre est réalisé et que la porte est fermée derrière lui. »

Le premier égyptologue qui ait publié et interprété ce texte, H. O. Lange, Prophezeiungen eines ùgyptischen Weisen, etc., dans Sitzungsber. der Berliner Akad. der Wiss., 1903, p. 601-610, l’a pris pour la prophétie d’un sauveur qui doit procurer le salut au peuple. Il a été surtout suivi par E. Meyer, et Bertholet. Mais d’autres, surtout Alan H. Gardiner, Admonitions of an egyptian sage, etc., 1909, A. Erman, Die Mahnwarte eines àgyptischen Propheten, dans Sitzungsber. der Berliner Akad., 1919, p. 804-815, Die Literatur der JEgypter, 1923, p. 130-148, E. Weill, La fin du moyen empire égyptien, t. i, 1918, p. 22, Gall, Basileia, p. 55 sq., s’opposent avec raison à cette explication et, au lieu de voir là des prophéties, ils appellent ces poésies des exhortations. La description de l’état lamentable du pays ne peut, en effet, se rapporter qu’au passé et vise très probablement la chute de l’ancien empire. Le roi est exhorté à pourvoir à la prospérité de ses sujets. L’espoir en un rétablissement futur est exprimé sans la moindre nuance eschatologique.

2. Le second texte est le papyrus 1116 B de Pétrograd, Golenischefï, Les papyrus hiératiques, n. 1115, 1116 A, 1116 B de l’ermitage impérial ù Saint-Pétersbourg, 1913, dont la partie la plus importante se lit aussi sur une tablette en bois du Musée du Caire, Daressy, Ostraca, p. 52 sq. Les deux documents datent de la XVIII" dynastie (1850-1350 av. U-C), et sont des copies dont l’original remonte à 2000 av. J.-C. Le contenu en est le suivant.

Le roi Snefru (vers 2950 av. J-C), après avoir entendu les rapports des hauts fonctionnaires, donne au sage prêtre Nefer-Bc.hu l’ordre de lui dire de « belles paroles ». Ayant demandé s’il doit parler du passé ou de l’avenir, celui-ci est invité à révéler les choses futures. Il décrit donc d’abord l’état du pays à la suite de l’invasion des Asiatiques et des Bédouins. Non seulement tout sera dévasté et la guerre civile déchirera la population, mais la nature elle-même sera changée : le Nil se desséchera et le soleil perdra son éclat et sa chaleur, 20-57. Mais alors, « un roi