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1549 MESSIANISME, COMPARAISON DES IDÉES ENTRE ELLES 1550

pies se presseront autour du Messie comme autour d’un étendard et que l’Assyrie et l’Egypte elles-mêmes, ces deux puissances qui avaient fait tant de mal à Israël, se convertiront, Is., xix, 22-24. Sophonie et Jérémie enseignent également que tous les peuples adoreront Jahvé, Soph., ii, 11, que les nations viendront à Jahvé des confins de la terre, Jer., xvi, 19. Dans la seconde partie d’Isaïe, le prophète parle en termes exubérants du salut que le Serviteur de Jahvé procurera à tous les hommes, xlii, 1-4 ; xlix, 1, du festin que Jahvé préparera à Sion pour tous les peuples, xxv, 6. Zacharie a des idées non moins universalistes ; il prévoit l’empressement admirable qu’auront les membres de toutes les nations et les habitants des grandes villes, pour se rendre à Jérusalem et accepter la foi israélite, viii, 20-23.

Mais à côté de ces conceptions si élevées concernant le privilège d’Israël et le sort des païens à l’ère messianique, d’autres se rencontrent qui, loin de révéler le même idéalisme, se caractérisent au contraire par un nationalisme vraiment exagéré. Il yen a surtout trois sortes.

Un premier groupe est représenté par quelques textes où la prédominance d’Israël est décrite en des termes excessivement belliqueux. A côté des promesses toutes spirituelles faites à Abraham, on lit que sa descendance possédera les portes de ses ennemis, Gen., xxii, 17. David présente le Messie soumettant les nations rebelles de la manière la plus impitoyable, Ps., ii et cix Dans le livre d’Isaïe, plusieurs passages frappent par la mention du massacre des ennemis, par exemple, xi, 10-16 ; quand les douze tribus se seront réconciliées, elles se jetteront d’un commun accord sur tous leurs voisins pour les subjuguer, xxxiv-xxxv : il y aura un tel carnage "à Édom et dans d’autres pays que les montagnes ruisselleront de sang, xxv, 10 : « Moab sera broyé sur place, comme la paille est broyée dans la mare à fumier. » Michée annonce que, quand les peuples viendront attaquer la ville sainte, Jahvé donnera à la population une corne de fer et des sabots d’airain pour les broyer, iv, 13, et qu’Israël sera un jour aussi fort vis-à-vis des païens qu’un lion parmi les troupeaux, v, 6-8. Ézéchiel prédit que, pour garantir la paix à son peuple, Jahvé exterminera toutes les nations voisines, xxv-xxxii, xxxv ; Zacharie et lui décrivent en détail la défaite sanglante que les ennemis de Jérusalem essuieront devant les murs de cette ville. Ez., xxxviii-xxxix, 1 ; Zach., xm-xiv.

Un second groupe de passages attribue un rôle humiliant aux autres nations vis-à-vis des Israélites, leurs futurs maîtres. Une des bénédictions patriarcales est la suivante : « Des peuples te serviront et des nations se prosterneront devant toi », Gen., xxvii, 29. Isaïe promet qu’après l’exil Israël’aura des rois comme pourvoyeurs et des reines comme nourrices ; ils se prosterneront devant lui et lécheront la poussière de ses pieds, xlix, 23 ; des étrangers reconstruiront ses murs, lx, 10, paîtront ses troupeaux, seront ses laboureurs et ses vignerons, lxi, 5 ; Israël sucera le lait des nations et la mamelle « des royaumes », lx, 16 ; il mangera les richesses des peuples, lxi, 6.

En troisième lieu quelques prophètes ne semblent prévoir aucun salut pour les païens. Ézéchiel ne promet à aucun peuple qu’il prendra part au bonheur messianique. Il répète souvent que le rétablissement merveilleux d’Israël révélera aux autres nations que Jahvé est le seul vrai Dieu ; mais il n’annonce jamais la conversion d’une nation païenne. Abdias conçoit le jour de Jahvé comme le jugement de tous les païens qui seront anéantis, qui « boiront toujours la coupe de la colère divine …et seront comme s’ils n’avaient point été », 16. De même Joël prévoit

pour le jour de Jahvé la réunion de tous les gentils dans la vallée de Josaphat et leur massacre par les anges, sans mentionner qu’une partie au moins d’entre eux serait sauvée.

Cette triple série de passages prouve que le messianisme a parfois reçu l’empreinte d’un particularisme étroit et national.

Résurrection.

- Toutes les prophéties se rapportent

à l’humanité en tant qu’elle séjourne sur la terre. Elles ne visent pas l’au-delà. Le théâtre où les élus vivront heureusement sera le globe terrestre embelli et transformé. D’ordinaire les voyants annonçaient même la félicité uniquement à ceux des mortels qui auraient la chance de vivre au moment où l’ère messianique s’ouvrirait. C’est donc pour ceux-ci que l’âge d’or devait devenir une réalité. De ce chef, et surtout parce que pendant de longs siècles la perspective ultra-terrestre ne comprenait pour le Juif que le sombre schéol, l’espérance messianique renfermait quelque chose de dur et d’inachevé. Mais finalement les prophètes, grâce à de nouvelles révélations, ont abouti à l’en débarasser et à l’élargir pour ainsi dire sans bornes, en y englobant les défunts par la résurrection.

Cette nouvelle croyance se rencontre à deux reprises dans les livres canoniques. Pour la première fois, dans Is., xxiv-xxxvii, où Jahvé promet à ceux qui l’ont servi fidèlement pendant leur vie qu’ils ressusciteront lors de sa grande manifestation, xxvi, 19. La seconde fois dans le livre de Daniel, xii, l sq., où il est prédit que tous les membres du peuple élu, les bons comme les mauvais, reviendront à la vie ; mais que seuls les justes seront glorifiés et que les pécheurs seront au contraire voués à la honte éternelle.

Par cette doctrine de la résurrection l’eschatologie messianique se rapprocha de l’eschatologie transcendante. Toutes deux s’amalgamèrent davantage encore dans la littérature apocryphe. D’après les Paraboles d’Hénoch, dès que l’ère messianique aura commencé, les saints du ciel descendront sur la terre pour prendre part au bonheur, xxxviii, 1 ; xlv, 3, et les morts ressusciteront dans le même but, li, 1-2 ; ciel et terre seront unis ainsi que les élus des temps passés et des temps messianiques. Le IVe livre d’Esdras et l’apocalypse de Baruch placent la résurrection seulement à la fin de l’époque messianique, et la prennent pour l’ouverture de l’état définitif de tous les hommes qui sera fixé par le jugement universel. La plupart des rabbins ont partagé l’opinion d’Esdras et de Baruch.

Date de l’avènement du temps messianique.


Comme le bonheur messianique devra se réaliser sur la terre, il est tout naturel que les Israélites aient eu le désir de voir arriver aussitôt que possible l’époque messianique. A cette légitime impatience semble correspondre la manière dont les prophètes ont promis la venue du royaume de Dieu. Dans aucun oracle, il n’est expressément attendu pour une date éloignée. Au contraire, la plupart des prophètes-écrivains par leur façon de’parler rapprochent le temps messianique de leur époque.

Déjà Amos et Osée annonçaient comme imminente la punition définitive d’Israël par Jahvé, donc l’ouverture du drame eschatologique, néanmoins ils ne liaient pas de façon directe la restauration au châtiment.

Isaïe, en promettant pendant la guerre syroéphraïmite la naissance d’Emmanuel, le mêlait de la manière la plus intime aux événements de son temps, il le présentait donc comme sauveur des dangers dont Jérusalem était menacé de la part des royaumes de Samarie, de Damas et de Ninive. En disant : « avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, le pays dont tu redoutes les deux rois