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1547 MESSIANISME, COMPARAISON DES IDÉES ENTRE ELLES 1548

vation de la Loi, déclaraient sans cesse qu’en dehors de la sainteté la prospérité définitive n’était pas possible. Comme ils voyaient leurs contemporains par suite de leurs péchés non seulement indignes de la faveur de Dieu, mais au contraire dignes au plus haut degré de sa colère, ils annoncent continuellement que la transition de l’état actuel à l’état de bonheur ne se fera qu’au moyen d’un jugement sévère, qui doit épurer Israël et les autres nations pour ne laisser survivre qu’un petit reste. Les voyants préexiliens rivalisent de sévérité. Mais, à partir du moment où le jugement avait commencé, tout en continuant à exiger la sainteté comme condition de la réalisation des antiques promesses, ils se montrent moins rigoristes et présentent la sanctification comme d’accomplissement plus facile et plus universel surtout au sein de leur propre peuple. Chacun a sa façon particulière d’indiquer que ceux qui participeront au salut seront saints. Amos, ix, 9-10, dit tout court que les pécheurs seront exterminés ; Zacharie, v, 1-4, 5-11, voit que non seulement les malfaiteurs seront consumés, mais que toute iniquité sera enlevée de la Palestine. Osée, xi, et Jérémie, xxxi, 3, relèvent la bonté avec laquelle Jahvé pardonnera finalement l’infidélité d’Israël. Isaïe souligne l’effet abondant de ce pardon : « Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils seront blancs comme la neige », i, 18. Ce dernier, xxxii, 15 ; xliv, 3, et plus encore Ézéchiel, xxxvi, 27 ; xxxix, 29, et Joël, ii, 28, sq., soulignent que ce sera l’Esprit de Dieu lui-même qui par sa grâce causera la transformation des hommes. Ce changement sera tel qu’on n’hésite pas à dire que les mortels auront reçu un cœur nouveau, Ez., xi, 19 ; xxxvi, 26. Comme maintenant leur mauvais cœur les pousse à commettre le mal, ainsi un jour leur cœur sanctifié les dirigera constamment vers le bien, Jer., xxxi, 33. Avec la dureté du cœur disparaîtra l’aveuglement de l’esprit qui fera place à une grande sagesse, Is., xxxii, 1-8 ; tous, du plus petit au plus grand, auront une parfaite connaissance de Jahvé, Jer., xxxi, 34.

2. Bonheur.

En même temps qu’ils seront saints,

les bénéficiaires du royaume messianique seront vraiment heureux. Alors « la lumière (c’est-à-dire le bonheur ) poindra comme l’aurore », Is., lviii, 8. Bien des fois les prophètes entonnent des chants d’allégresse en pensant à la félicité messianique ou entendent d’avance les cris de joie de ceux qui en jouiront, Is., xii ; xxiv, 16 ; xxvi, 1-6 ; xlii, 10 sq. ; xliv, 23 ; car la vie sur la terre et surtout en Palestine sera sous tous les rapports aussi agréable que possible.

La joie principale découlera directement de la sainteté ; car celle-ci aura comme suite l’union la plus intime avec Dieu qui, comme au temps de l’exode, sera près de son peuple sous des formes visibles, Is., iv, 5-6 ; Ez., xxxiv, 21 sq., qui préparera dans Sion un festin à tous les peuples, Is., xxv, 6, qui aimera les siens d’un amour éternel, Jer., xxxi, 3, comme un fiancé aime sa fiancée, Is., i.xii, 5, qui leur procurera une sécurité absolue, Soph., ni, 15-17, et les fera exulter en lui, Is., xxix, 19.

Unis et heureux en Dieu, les élus auront entre eux la plus grande paix. Par presque tous les prophètes elle est signalée comme le bien le plus caractéristique du royaume messianique. Tantôt ils disent que l’entente entre les peuples groupés autour d’Israël sera si cordiale que toute guerre sera exclue, Is., ii, 2-4 ; tantôt ils annoncent que les ennemis de la race élue seront soumis ou exterminés, Ez., xxv-xxxii ; Zach., xii, 9. Surtout une fraternité parfaite régnera de nouveau entre les tribus du Sud et du Nord.

Les membres de la théocratie, définitive seront gratifiés d’une santé inaltérable. Aucune maladie ne

les tourmentera plus, Is., xxxiii, 1-24, ils vivront longtemps, Zach., viii, 4, et deviendront innombrables, Jér., xxxiii, 22. Ils jouiront de tous les produits du sol qui seront à leur disposition avec la plus riche abondance. Conformément au caractère terrestre du royaume messianique, la description de ces biens matériels est un des thèmes favoris des prophètes. Elle se rencontre déjà dans la bénédiction de Jacob et occupe une place considérable dans les oracles d’Isaïe lui-même. Pour procurer de riches récoltes, Jahvé donnera à la terre la plus merveilleuse fertilité ; la Palestine en particulier sera transformée en paradis, Is., li, 3 ; Ez., xxxvi, 35. Des pluies régulières et des ruisseaux intarissables fourniront l’humidité nécessaire, Is., xxx, 23-25 ; Joël, iii, 18 ; en outre une source miraculeuse jaillira du temple pour arroser tout le pays, Ez., xlvii, 1 sq. ; Zach., xiv, 8 sq. ; Joël, iii, 18.

Non seulement le sol qui produit les fruits, mais la terre tout entière, ainsi que le ciel qui la couvre, seront changés pour devenir un théâtre plus digne de l’humanité parfaite. Il y aura un nouveau ciel et une nouvelle terre, Is., lxv, 17 ; lxvi, 22. Les étoiles auront un éclat beaucoup plus grand : le soleil brillera sept fois plus que maintenant et la lune sera aussi lumineuse que le soleil actuel, Is., xxx, 26 ; Zach., xiv, 7. Tout l’univers sera donc embelli et aménagé en faveur des élus.

Ce bonheur durera toujours, comme les prophètes le relèvent bien des fois, par exemple, Is., liv, 9 ; Jer., xxxi, 35-36 ; xxxiii, 20 ; dans Is., xxv, 8, on lit expressément que Dieu détruira la mort.

Privilège d’Israël et salut des païens.

 Il ressort

de tout ce qui précède que le salut messianique sera tout d’abord le partage d’Israël. En effet, le peuple élu se trouve au centre de tous les oracles. Bien que les prophètes soient souvent obligés d’accuser sévèrement leurs coreligionnaires et de leur lancer les plus terribles menaces, finalement ils trouvent toujours pour eux les paroles les plus consolantes et ils leur font des promesses si magnifiques, au sujet de leur avenir définitif, que bien des critiques ont voulu prendre leurs paroles de bienveillance pour des interpolations. Plusieurs des voyants, Amos, Osée, concentrent à tel point leur attention sur leur peuple, qu’ils parlent du bonheur messianique comme s’il était exclusivement réservé aux Israélites.

A la fin des temps, c’est pour Israël que Jahvé aura une plus grande prédilection que maintenant. C’est pour lui qu’il se révélera d’une façon si brillante. C’est au milieu de lui qu’il habitera et qu’il répandra tous les dons de son esprit. C’est son pays qu’il transformera en paradis. C’est sa capitale qu’il rétablira dans un éclat sans pareil pour en faire le centre du monde. C’est de sa famille royale qu’il fera surgir le Messie auquel il donnera tous les pouvoirs. C’est Israël qu’il constituera comme la nation la plus nombreuse et la plus forte. C’est à lui qu’il donnera l’empire du monde, Dan., vii, 18-22. En somme le règne messianique ne sera que l’épanouissement complet de la théocratie juive.

Cette position exceptionnelle d’Israël est pleinement justifiée par la faveur que Jahvé lui avait témoignée, en le préférant aux autres nations et eu se l’attachant par une alliance toute spéciale. Elle se comprend d’autant mieux qu’elle n’a pas empêché les prophètes d’entrevoir aussi le salut pour les autres peuples. Sous ce rapport l’uni vcrsalisme le plus large se rencontre à toutes les époques. Il se montre déjà d’une façon étonnante dans les promesses faites à Abraham : en lui et en sa postérité toutes les nations seront bénies, Gen., xii, , ’i ; lsaïe le professe surtout dans la célèbre vision où il montre le pèlerinage des peuples a Sion, n, 2-4 ; il l’insinue aussi quand il annonce que les peu-