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MESSIANISME, ÉTUDE SYNTHÉTIQUE : ORIGINE



III. ÉTUDE SYNTHÉTIQUE.


I. Origine et développement du messianisme.
II. Comparaison des idées messianiques entre elles (col. 1543).
III. Comparaison des idées messianiques avec des idées analogues d’autres peuples (col. 1552).
IV. Comparaison entre les prophéties de l’Ancien Testament et les faits du Nouveau (col. 1564).

I. Origine et développement du messianisme. —

Origine.


Au terme de nos recherches sur les formes successives du messianisme, des considérations d’ordre synthétique s’imposent. Et d’abord sur l’origine et le développement du messianisme. Pour ce qui regarde l’origine, il résulte de la manière dont nous avons fixé la date des prophéties qu’il faut considérer l’apparition des idées messianiques comme très ancienne. D’autre part, comme souvent les prédictions sont présentées en termes exprès comme venant de Dieu et que les prophètes ont la conviction la plus sincère d’être les porte-parole du Seigneur, il faut conclure au caractère surnaturel de cette origine : la vraie source du messianisme est la révélation divine. Ce caractère antique et surnaturel ressort si clairement de tout ce qui précède qu’il ne serait pas nécessaire de s’y arrêter.

Mais, de nos jours, on a entrepris de prouver juste le contraire, savoir que le messianisme est de date beaucoup plus récente que les livres bibliques ne tendent à le faire croire, et qu’il s’explique d’une façon purement naturelle. La conception d’après laquelle l’espérance messianique se trouve en Israël dès le commencement de son histoire et qui la fait venir en dernière analyse, de la révélation, se rencontre encore chez quelques protestants, à la fin du xixe siècle, chez C. v. Orelli, Die alltestamentliche Weissagung von der Vollendung des Gottesreiches, 1882 ; E. Riehm, Die messianische Weissagung, 2e éd., 1885 ; Ch. A. Briggs, Messianic Prophecꝟ. 1886 et sq. ; F. Delitzsch, Messianische Weissagungen in geschichtlicher Folge, 1890 ; au xxe siècle chez E. Kônig, Die messianischen Weissagungen des Allen Testamentes, 3e éd., 1925 ; mais la grande majorité des critiques essaient de donner du messianisme une interprétation plus ou moins rationaliste.

1. En premier lieu, il faut nommer le système de Wellhausen et de ses partisans. Pendant qu’Orelli, Riehm et Delitzsch replaçaient, plus qu’on ne l’avait fait auparavant, les anciens oracles dans leur milieu historique, Wellhausen et son école s’efforçaient de prouver que ce milieu historique, tel qu’on le suppose d’après les livres narratifs, n’est pas réel. Comme, d’après eux, Israël s’est développé à partir de notions très rudimentaires, les idées si élevées des premiers oracles messianiques sont absolument inconcevables pour le temps des patriarches, de Moïse ou de David. Ils en concluaient que tous les textes prophétiques qui les contenaient étaient inauthentiques, et appartenaient à des époques beaucoup plus tardives. Si les évolutionnistes s’étaient arrêtés à cette conclusion, on pourrait comprendre leur position comme conséquence de leur système. Mais ils sont allés beaucoup plus loin et n’ont pas non plus ménagé les ©racles des prophètes-écrivains.

Bien qu’ils nient mis en honneur les prophètes au détriment de Moïse et qu’il les aient glorifiés comme les pères du monothéisme moral, ils les ont d’autant plus dépréciés au point de vue messianique. Comme ils rejettent le caractère prophétique de leurs prédictions, ils ont voulu les expliquer « d’une façon psychologique ». A cette fin ils ont tout d’abord prétendu que les prophéties messianiques n’ont été primitivement que des pronostics politiques, fondés sur la situation de l’Étal juif et (les États voisins. Ce qui dépasse le cadre politique ou social aurait été ajouté après coup, I

De même toutes les prédictions de salut des prophètes préexiliens seraient également adventices : ces voyants qui reprochaient sans cesse aux Israélites leur idolâtrie, n’auraient pas pu leur prédire le salut mais seulement le malheur. Les rêves de bonheur qui se lisent maintenant dans leurs livres ne sont dus qu’à la débâcle nationale de 586. En troisième lieu ils écartent des prophéties préexiliennes toute allusion précise à un Messie personnel. La conception de ce roi idéal n’aurait pu surgir qu’au moment où la royauté n’existait plus en Israël, donc pendant ou après l’exil. Cette interprétation soi-disant psychologique des oracles préexiliens a eu comme conséquence la critique la plus radicale des livres prophétiques, et a donné naissance à l’hypothèse d’après laquelle beaucoup d’idées messianiques seraient dues à une infiltration du parsisme avec lequel les Juifs prirent contact pendant l’exil. Ce système, que Wellhausen n’avait fait qu’esquisser, a été développé entre autres par Hackmann, Die Zukunftserwartung des Jesaja, 1893, Volz, Die vorexilische Jahweprophelie und der Messias, 1897, Nowack, Die Zukunftshoffnungen Isræls in der assyrischen Zeit, dans Festschrijt fur Holtzmann, 1902, Marti, Die Ereignisse der letzten Zeit nach dem Alten Testament, 1893. Récemment encore il a trouvé un vaillant champion en la personne d’A. von Gall, Baaiveta toG ©eoû, eine religionsgeschichtliche Studie zur vorkirchlichen Eschatologie, 1926. Celui-ci se voit cependant obligé de reconnaître que la théorie pour laquelle il prend fait et cause est aujourd’hui assez généralement délaissée.

2. Vers la fin du xixe siècle, en effet, une forte réaction s’est exercée contre elle. Elle a été causée par les résultats des fouilles faites en Orient, qui prouvaient que bien des idées et institutions de l’Ancien Testament, pour l’origine desquelles Wellhausen avait postulé une date tout à fait récente, sont conformes à celles du plus vieil Orient. Par exagération on est allé jusqu’à prétendre qu’elles ne leur sont pas seulement conformes, mais aussi plus ou moins identiques. Cette manière de voir fut aussi appliquée au messianisme, dont on croyait découvrir les sources en Egypte et en Babylonie. Nous verrons, col. 1552 sq., ce qu’il faut penser du prétendu messianisme égyptien et babylonien. Il est cependant indispensable de mentionner ici la manière dont quelques exégètes ont exploité la mythologie babylonienne, pour arriver à une explication de l’eschatologie biblique absolument opposée à celle de l’école évolutionniste. Les auteurs de ce nouveau système sont Gunkel, Schôpfung und Chaos in Urzeit und Endzeit, 1895, Zum religiongeschichtlichen Verstandnis des Neuen Testamentes, 1903, et Gressmann, Ursprung des isrælilisch-jùdischen Eschatologie, 1905. D’après eux, l’eschatologie des Israélites date d’une époque bien antérieure à celle des prophètes. Elle aurait été importée de la Babylonie dès le deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Sur les bords de l’Euphratc, dès les temps les plus reculés, on aurait cru que l’histoire de l’univers se déroulait dans un espace de temps exactement déterminé. Au moment où ce cycle prendrait fin, il y aurait des événements fout à fait semblables à ceux qui sont décrits dans les mythes pour le temps primordial : le monde retomberait dans un état chaotique, mais de nouveau aussi un dieu remettrait l’ordre dans l’univers’et créerait sur la terre un paradis pour les hommes. Les Israélites auraient d’abord accepté ces idées mythologiques telles quelles. Plus tard ils les auraient transformées et appliquées au destin de leur nation, dans ce sens que la catastrophe mondiale ne serait fatale qu’aux païens et que, par contre, elle procurerait aux Israélites le bonheur définitif. Cette forme populaire de l’eschatologie aurait été finale-