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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : DANIEL


même pendant la nuit, le prophète et ceux qui l’entourent attendent Jahvé sur les sentiers de ses jugements, xxvi, 8-9 a, car dès que ses jugements paraîtront sur la terre, les habitants du monde apprendront la justice, xxvi, 9 b. Le prophète prie Jahvé de ne pas faire grâce aux impies ; car ils resteront aveugles malgré tout. La meilleure preuve en est qu’ils agissent en pervers, même en Palestine, au pays de la droiture, où Dieu a si souvent levé sa main pour se manifester. Que le feu dévore donc les ennemis de Jahvé ! xxvi, 10-11.

Après avoir énoncé ensuite, xxvi, 12-18, quelques idées qui sont, sans doute à cause de la corruption du texte, obscures et peu cohérentes et qui se rapportent à l’ancienne grandeur d’Israël, à ses oppresseurs d’autrefois, aux vains efforts faits pour se procurer le bonheur, le prophète s’élève à une perspective qui dépasse même celle du tableau précédent. Là il avait promis la cessation de la mort, ici il promet le retour à la vie de ceux qui sont déjà morts. En s’adressant à Jahvé et en même temps aux défunts de son peuple

" s’écrie : [lèveront.

Tes morts vivront, leurs (Targum, Peschita) cadavres se Réveillez-vous, chantez, vous qui gisez dans la poussière ! Car ta rosée est une rosée des lumières ; et la terre rendra les ombres, xxvi, 19.

Les morts de Jahvé sont ceux qui l’ont servi fidèlement pendant leur vie ; ils ressusciteront, vivifiés par Dieu comme les plantes par la rosée nocturne après la chaleur du jour ; la terre rendra leurs cadavres qu’elle avait cachés dans son sein. Ainsi participeront au bonheur messianique non seulement ceux qui auront la chance de vivre au moment même de sa réalisation, mais ceux encore des siècles passés qui depuis longtemps sont devenus la proie du tombeau. En promettant ainsi, pour la toute première fois dans l’Ancien Testament, la résurrection, le prophète atteint une des cimes les plus élevées du messianisme.

Le prophète s’attend à une réalisation imminente 4e ces promesses. Il voit Jahvé se lever déjà de sa demeure pour punir l’iniquité des habitants de la terre, xxvi, 21. Parce que le jugement sévira comme un ouragan, Israël est invité à se mettre à l’abri pendant cette tempête : « Va, mon peuple, entre dans tes chambres et ferme tes portes sur toi ; cache-toi un peu jusqu’à ce que la colère ait passé », xxvi, 20. En « ce jour » Jahvé ruinera la ville forte des impies, xxvii, 10, et frappera de son glaive les dragons, c’est-à-dire les grands empires du monde, xxvii, 1 ; il rétablira par contre, sa vigne chérie qu’il soignera et protégera nuit et jour, et dont il arrachera les ronces, savoir les pécheurs et les ennemis, à moins qu’ils ne se soumettent à lui, xxvii, 2-5.

Alors Israël fleurira et remplira de ses fruits le monde entier, c’est-à-dire qu’il communiquera à .tous les peuples ses biens spirituels. En outre Jahvé fera revenir tous ses enfants dispersés ; il les recueillera un à un ; il fera sonner la grande trompette qui les appellera ; ils viendront adorer Jahvé sur la sainte montagne de Jérusalem, xxvii, 6-13.

ix. le livre de Daniel. — 1° Notes préliminaires.

— Tout en étant le dernier en date des livres prophétiques, le livre de Daniel occupe, par son messianisme et surtout par l’influence qu’il a exercée dans la suite sur les idées messianiques, une des premières places. Pour comprendre ses oracles, il faut tout d’abord se rendre compte du genre littéraire auquel ils appartiennent. Ces oracles sont-ils à ranger parmi les compositions strictement prophétiques ou parmi les compositions apocalyptiquesi

Les apocalypses, qui se rencontrent surtout parmi les apocryphes, sont des imitations des écrits pro phétiques. Cependant, tout en leur ressemblant beaucoup, elles s’en distinguent assez sensiblement pour le fond comme pour la forme.

Le contenu d’abord n’est pas exclusivement prophétique. Il se compose au contraire en grande partie d’aperçus historiques : le temps écoulé jusqu’à l’époque de l’auteur est d’ordinaire divisé d’une façon schématique en périodes régulières, et les faits qui y sont les plus saillants au point de vue religieux sont mentionnés. Le but de ces exposés est de démontrer que le cours de l’histoire se déroule tout à fait d’après un plan arrêté par Dieu et que le Très-Haut, quoi qu’il paraisse, est le maître absolu de tout. A ces considérations historiques sont chaque fois ajoutées des prédictions eschatologiques sur la fin du monde qui va venir sous peu, et sur le nouvel état de choses que Dieu réalisera en personne ou par le Messie.

La particularité principale de la forme consiste en ce que non seulement les prédictions de l’avenir, mais aussi les narrations historiques sont revêtues d’un caractère prophétique. L’auteur y réussit au moyen d’une fiction : il place toutes ses paroles dans la bouche de quelque ancien patriarche ou prophète, Hénoch, Moïse, comme si, dès les temps les plus antiques, ceux-ci avaient révélé l’histoire ainsi que les fins dernières du monde et en particulier d’Israël. Il résulte de cette fiction que toutes les apocalypses sont anonymes. Leurs auteurs se cachent derrière les porte-parole qu’ils ont choisis comme les plus capables de donner des révélations.

Plusieurs écrits prophétiques, notamment Joël, Abdias, Isaïe, xxiv-xxvii, xxxiv-xxxv, Zach., viiixiv, ont été traités d’apocalypses par quelques exégètes modernes. Mais, à l’exception de Zach., bien à tort, car ils ne présentent pas les caractères que nous venons de signaler.

Le livre de Daniel, lui, est regardé comme une apocalypse par tous les critiques indépendants. Cette opinion est adoptée par les principaux exégètes catholiques, qui, durant les trente dernières années, ont publié des monographies sur Daniel. Le P. Lagrange, Revue biblique, 1901, p. 494, ouvre son exposé sur les prophéties messianiques de Daniel par la phrase suivante : « Le livre qui porte le nom de Daniel est la première et la plus parfaite des apocalypses juives. » On a démontré ici, art. Daniel, t. iv, col. 66 sq., le caractère apocalyptique de Daniel. Le P. Bayer, Danielstudien, 1912, se fonde pour ses études concernant le même livre sur le fait que Daniel est une apocalypse, et justifie sa position dans l’introduction.

Les deux raisons principales pour lesquelles tant’d’exégètes prennent le livre de Daniel pour une apocalypse au sens complet du mot, sont, d’un côté le fait qu’il contient une série d’indications vagues et inexactes sur l’empire néo-babylonien qui s’expliqueraient bien mal, si Daniel, le contemporain de cet empire, l’avait écrit, de l’autre la constatation que, sur le règne des Séleucides en Syrie et en Palestine, en particulier sur la persécution cruelle d’Antiochus Épiphane qui a provoqué l’insurrection machabéenne, se trouvent des notices nombreuses et précises qui ne se lisent nulle part dans les vraies prédictions des prophètes.

On en a tiré ces conclusions : Premièrement, le livre a été composé quelques années après le commencement des guerres machabéennes. — Cependant les auteurs reconnaissent de plus en plus, surtout pour les narrations, une origine beaucoup plus ancienne, par exemple, Meinhold, Sellin, Hôlscher, récemment Ch. Boutflower, Inand around the Book of Daniel, 1923 ; M. Noth, Zut Komposition des Bûches Daniel, dans Theologische Studien und Kritiken, 1926, p. 143 sq. ; et surtout W. Baumgartner, Neues keilschrifliches