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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : JOËL


jugement. « Pour y réunir les peuples, Jahvé enverra des messagers qui leur ordonneront de se mettre en route. Ils ne doivent pas venir dans l’attitude humble et soumise qui correspondu leur culpabilité ; ils sont, au contraire, exhortés à se préparer pour l’assemblée comme pour une campagne. Une extraordinaire ardeur guerrière doit s’emparer de tous les hommes, même des faibles. iii, 10. Ces peuples viennent et livrent bataille à Jahvé, pour résister, s’ils le peuvent, à la punition qui les attend. Au milieu de ces exhortations, adressées aux païens, le prophète se tourne vers Jahvé en le priant de faire descendre dans la vallée ses guerriers, c’est-à-dire ses anges.

Les peuples une fois réunis, Jahvé prend place pour les juger, iii, 12 b. Les griefs qu’il a contre eux, consistent, comme le prophète l’avait déjà relevé antérieurement, iii, 2-3, en ce qu’ils ont traité Israël d’une façon injuste et cruelle (Les accusations particulières à l’adresse des Phéniciens et des Philistins, m, 4-8, semblent avoir été intercalées après coup par un lecteur qui était indigné de crimes récents commis par ces deux peuples envers Israël, Bewer, Sellin). Étant donné que ces crimes sont énormes, la scène du jugement devient immédiatement une scène d’exécution. Le Tout-Puissant donne aux anges l’ordre d’anéantir les païens comme les moissonneurs coupent le blé, comme les vendangeurs foulent les raisins, m, 13-14.

Pendant que l’armée céleste exécutera sur les païens la sentence de mort, le soleil et la lune s’obscurciront et les étoiles perdront leur éclat ; Jahvé rugira, de Sion et de Jérusalem il fera entendre sa voix ; le ciel et la terre trembleront, iii, 15-16. Ces perturbations de la nature, que Joël a déjà mentionnées comme accompagnant l’invasion des sauterelles et l’effusion de l’Esprit de Dieu, continueront donc ou se répéteront pendant que les peuples païens seront voués à la ruine. De tout cela est faite la terreur du jour de Jahvé.

Telles sont les idées eschatologiques de Joël. Aucun prophète n’a rattaché autant que lui la fin des temps à son époque. Aucun non plus n’en a prédit les événements dans un ordre aussi serré. Aucun surtout n’a tellement réservé le salut à Israël, voire même à tous les membres d’Israël, et n’en a exclu à ce point tous les païens.

Voir la bibliographie à la fin de l’article Joël, t. viii, col. 1495 ; L. Dennefcld, Les problèmes du Hure de Joël, 1926.

v ni. LES CHAPITRES xx iv -xxv u d’isaie. — (Tandis que la situation qui se reflète en Is., xl-lxvt, est celle de la fin de l’exil et de l’époque qui suivit immédiatement le retour, celle qui se constate en Is., xxiv-xxvii, est plutôt celle d’un temps assez éloigné du rétablissement d’Israël en Palestine. D’après xxvii, 8, la dispersion du peuple a été le grand moyen dont s’est servi Jahvé pour le punir. La préoccupation du prophète est, d’après xxvii, 12-13, le retour de ceux qui sont dispersés de l’Euphrate jusqu’au Nil. D’après xxvi, 8 sq., le peuple est opprimé, les étrangers sont les maîtres de son pays et humblement Israël attend le secours de Jahvé.)

Quand on passe de Joël à ce morceau du livre d’Isaïe, on y retrouve absolument le même thème, la fin de l’histoire actuelle. Mais quelle différence dans la manière doiit il est traitél Là un drame final dont les différents actes sont précis et forment une suite claire ; ici une situation obscure, une perspective vague, des événements qui sont difficiles à saisir soit en eux-mêmes, soit dans leur enchaînement. Et pourtant quelle description émouvante de la

fin de l’ordre actuel que ces oracles, qui impressionnent autant par la grandeur des images que par la nouveauté des idées 1

Dans un premier tableau, le prophète dépeint tout d’abord la corruption générale des habitants de la terre qui ont transgressé les lois, rompu l’alliance éternelle, xxiv, 5, de sorte que la face de la terre est bouleversée, xxiv, 1 et ses fondements ébranlés, xxiv, 19. Elle chancelle comme un homme ivre, xxiv, 20. Ses habitants sont dispersés et consumés, xxiv, 1-6, plongés dans la plus grande tristesse, xxiv, 7-13.

Tout à coup le prophète entend des cris d’allégresse et des chants qui s’élèvent de l’Orient et de l’Occident, des bords de la mer, des extrémités de la terre ; ils sortent sans doute de la bouche de ceux qui sont sauvés. Ces survivants glorifient le Dieu d’Israël, le Juste, dont la majesté se révèle par le jugement des impies, xxiv, 14-18.

Nous y apprenons ensuite qu’en ce jour seront punis non seulement les rois de la terre, mais aussi « l’armée d’en haut », xxiv, 21, qui représente probablement les mauvais anges (Les deux autres explications, dont l’une prend « l’armée d’en haut » pour les puissances célestes qui, d’après le livre de Daniel et le livre d’Hénoch, gouvernent les peuples, Guthe, Duhm, et dont l’autre entend ceci des astres, Feldmann, Kittel, semblent être moins soutenables ; xxiv, 23 a surtout ne peut pas être expliqué comme punition des astres). Tous ces criminels semblent, d’après xxiv, 22, être d’abord provisoirement jetés dans une prison pour être plus tard définitivement punis.

En subjuguant ainsi tous ses adversaires, Jahvé entouré de ses anciens inaugurera sur Sion son règne définitif. Alors sa gloire brillera tellement que le soleil et la lune pâliront devant elle, xxiv, 23.

Sur cette montagne sainte, Jahvé sera alors le Dieu de toutes les nations, il y préparera pour elles un festin, xxv, 6, et leur enlèvera leurs voiles de deuil, xxv, 7. Surtout il détruira la mort pour toujours, xxv, 8 (Sans la moindre raison Duhm, Marti, Guthe regardent cette phrase comme une glose). Ceux qui vivront à cette époque ne mourront donc plus et seront en outre toujours heureux : Dieu essuiera les larmes de tous les visages et enlèvera surtout la honte de son peuple élu, xxv, 8. Pour la première fois nous rencontrons ici dans l’Ancien Testamentla mention explicite d’une vie éternelle sur la terre, qui permettra de jouir sans cesse des biens messianiques. Le prophète relève que cette œuvre de salut aboutira, comme le jugement, à la glorification du Très-Haut, qui sera acclamé par ces paroles : « Voici, c’est Jahvé, notre Dieu en qui nous avons espéré ; exultons et réjouissons-nous de son secours », xxv, 9.

Dans ce tableau grandiose de la crise et du salut final, deux traits contrastent avec le reste. D’abord il y est plusieurs fois question, xxiv, 10 ; xxv, 2 ; xxvi, 5, d’une ville forte et orgueilleuse qui est détruite, sans qu’on puisse dire avec certitude de laquelle il s’agit. Il est assez probable qu’elle représente une sorte de capitale du monde païen (Feldmann) ; quelques-uns, Guthe par exemple, pensent à Samarie ; dans tous les cas on ne saurait, comme le prétend Duhm, penser à Jérusalem.

Ensuite la magnifique promesse de l’exaltation de Sion est suivie d’une terrible menace d’abaissement prononcée contre Moab : il sera foulé comme la paille est foulée dans la fosse à fumier, xxv, 10-12.

Une sentence générale sur le chemin du juste, XXVI, 7, forme l’ouverture de la seconde grande description du salut des élus qui sont cet le l’ois ci identiques aux Israélites, et de la ruine des empires mondiaux qui les oppriment. Avec une impatience qui les tourmente