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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : JOËL


Joël, et que le prophète l’a regardée comme l’ouverture des derniers temps. La meilleure preuve en est que le prophète a désigné l’armée des sauterelles par un terme tout à fait eschatologique « le Septentrional », ii, 20. En le créant il s’est sans doute inspiré de Jérémie, i, 14, etc., et surtout d’Ézéchiel, xxxviii, 6-15 ; xxxix, 2, prophéties dans lesquelles il est prédit que les peuples païens qui attaqueront Jérusalem dans les derniers temps viendront du Nord. Sans ces textes, ce terme serait tout à fait inintelligible et il s’explique uniquement si les sauterelles, aux yeux de Joël, remplissent le rôle de précurseurs du jour de Jahvé qu’Ézéchiel attribue aux peuples du Nord (Wellhausen, Nowack, Marti, Riessler, Hôlscher, Bewer, Sellin).

2° Le jour de Jahvé qui est présenté comme imminent, au premier discours, se trouve décrit in extenso au second, ii, 19-in, 21.

En premier lieu, nous y apprenons que ce jour, quand il viendra, ne sera plus redoutable, mais salutaire pour Israël. Par suite de la pénitence que le peuple vient de faire, Jahvé est embrasé de zèle pour son pays et il épargne son peuple, ii, 18. L’intervention du Très-Haut aura perdu toutes ses terreurs poulies Juifs. Pour leur montrer qu’ils ont trouvé grâce, Dieu fera disparaître les sauterelles et les dédommagera, par une récolte abondante, du dégât qu’elles ont causé, ii, 19-27.

Ces bénédictions temporelles accordées, le premier événement eschatologique sera l’effusion de l’Esprit de Dieu. « Et il arrivera après cela que je verserai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes et vos jeunes gens des visions. Et aussi sur les esclaves et les servantes, je verserai en ces jours-là mon esprit », ii, 2829. Comme Isaïe, xxxii, 15 sq ; xliv, 3 sq., et Ézéchiel, xxxvi, 25-27 ; xxxix, 29, Joël annonce donc pour la fin des temps l’effusion de l’Esprit de Dieu Par les deux mots « après cela », il semble exprimer que cette effusion doit suivre de près la bénédiction matérielle qui réparera les ravages des sauterelles. Les effets en seront la connaissance des choses cachées qui sera donnée par des rêves ou des visions, et qui se manifestera par des prophéties. Cette effusion de l’Esprit de Dieu sera un privilège accordé aux seuls Israélites. Le texte ne semble pas laisser de doute à cet égard. Joël dit bien que l’Esprit divin sera répandu sur toute chair, mais les paroles suivantes précisent la partie de cette expression en restreignant à Israël les effets produits. De même Isaïe et Ézéchiel pensent uniquement au peuple élu, comme seul gratifié de ce don céleste.

Autant l’effusion de l’Esprit divin sera rassurante pour les Israélites, autant seront effrayants pour les païens d’autres phénomènes qui doivent l’accompagner comme signe que le jour de Jahvé approche. Sur la terre il y aura du sang, du feu et des colonnes de fumées, ii, 30, donc des carnages, des incendies, des guerres avec tout leur cortège d’atrocités. Aux désastres terrestres correspondra la perturbation du firmament qui se manifestera par l’obscurcissement du soleil et de la lune, ii, 31.

Après avoir annoncé les phénomènes effrayants qui précéderont le jour de Jahvé, le prophète se hâte de consoler ses coreligionnaires en leur donnant l’assurance qu’ils n’en seront pas atteints ; ils seront sauvés, mais eux seuls : « il arrivera que quiconque invoquera le nom de Jahvé sera sauvé ; car sur le mont de Sion et à Jérusalem, il y aura un refuge comme Jahvé l’a dit », ii, 32 ab. Comme le prophète vient d’annoncer que tous les Israélites recevront l’Esprit de Dieu, et qu’il va tout à l’heure énoncer sans la moindre restriction que les païens seront voués à la ruine, « quiconque invoquera le nom de Jahvé » semble bien synonyme de « chaque Juif ».

Tout le peuple sera donc sauvé. (On voit combien cette conception du salut d’Israël diffère de celle de tous les prophètes préexiliens, qui ont toujours prévu le salut pour un petit reste seulement. Les prophéties de Joël seraient inconcevables pour l’époque préexilienne. ) La cause instrumentale en sera Sion et Jérusalem, ces deux lieux saints que Jahvé a choisis comme demeure et qui, pour ce motif, seront intangibles. Les Israélites du pays entier s’y réfugieront pour être à l’abri. A eux se joindront ceux de la Diaspora que Jahvé appellera et conduira sains et saufs à Jérusalem, ii, 32e.

Réunis ainsi dans leur ville, non seulement les Juifs ne courront aucun danger, au milieu du cataclysme général, mais ils seront si visiblement protégés par Jahvé qu’ils reconnaîtront plus que jamais que Jahvé est le seul Dieu : Jahvé habitera Jérusalem et en sera le rempart, iii, 17, 21. Par suite, la ville sera sainte : aucun païen ne passera plus pour la souiller, iii, 17. Dans la ville sainte et dans tout le pays les Israélites jouiront du plus grand bonheur matériel : « les montagnes suinteront de moût et les collines couleront de lait », iii, 18 a. Cette fertilité paradisiaque a nécessairement comme condition l’humidité du sol. C’est pourquoi Joël promet qu’alors « tous les ruisseaux de Juda couleront », ni, 18°. En ce temps-là l’eau sera fournie à la terre promise non seulement par les moyens ordinairse, mais aussi d’une façon miraculeuse : « une source sortira de la maison de Jahvé et arrosera la vallée des sittim, iii, 18d. Sittim signifie « acacias », et la vallée des acacias n’est probablement pas un nom géographique qui désigne un lieu déterminé — toutes les interprétations strictement géographiques sont insuffisantes — mais une dénomination symbolique de la Judée, en tant qu’elle sera arrosée par les eaux de la source miraculeuse, particulièrement aux endroits les plus arides. Le prophète, après avoir ainsi annoncé que la Terre sainte sera transformée en une sorte de paradis, pour donner encore plus de relief à sa promesse, prédit à l’Egypte et à l’Idumée qu’elles seront réduites en désert, à cause du forfait commis envers les enfants de la Judée, iii, 19. La description du bonheur définitif des Israélites se termine par la promesse que Juda et Jérusalem dureront éternellement et que Jahvé y habitera, ni, 20-21.

A cette dernière promesse Joël mêle ce cri de vengeance : « Et je vengerai (LXX) le sang que je n’ai pas encore vengé », qui laisse entrevoir le sort funeste des païens au jour de Jahvé. Joël le décrit dans une partie spéciale de sa prophétie, ni, 2-15. Le prophète y annonce tout d’abord qu’à la fin des temps tous les peuples seront réunis par Dieu dans la vallée de Josaphat pour y être jugés. Il n’a pas seulement en vue telle ou telle nation, mais leur totalité. Tous les gentils sont conçus comme les ennemis de Dieu et de son peuple. C’est ce qui ressort du terme, « tous les peuples », iii, 2, 11-12, et de toute la manière dont il décrit, iii, 9-14, le rassemblement des adversaires d’Israël et encore du fait qu’en dehors des Juifs personne ne sera sauvé. Il s’ensuit également qu’il s’agit, dès les premiers versets du chapitre iii, du jugement universel et définitif, et non pas. comme le prétendent Knabenbauer-Hagen et Schmalohr, des jugements successifs par lesquels, à travers l’histoire, Dieu punit les nations coupables.

Les païens sont sommés par Jahvé et doivent se réunir dans la vallée de Josaphat. « Vallée de Josaphat » qui signifie « vallée où Dieu juge » est, comme « vallée des acacias », un nom fictif, créé par Joël pour désigner l’endroit où le grand jugement aura lieu, c’est-à-dire la Judée en tant qu’elle sera la scène de ce