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MESSE, EFFICACITÉ : VALEUR DU SACRIFICE


tage en leur idéal, le Christ-Jésus, et que l’Eglise militante accomplit avec bonheur sa mission de salut. En demandant à la messe la réalisation de ces effets surnaturels, nous pouvons réjouir les bienheureux. » Hugon, La sainte eucharistie, p. 348. Cf. Gloire, t. vi, col. 1406.

c) Efficacité propitiatoire. — Les théologiens postérieurs au concile de Trente enseignent, contre les protestants, la valeur propitiatoire de la messe. On sait que les luthériens, tout en admettant que la messe, sacrifice au sens large du mot, fût offerte à Dieu pour lui rendre hommage et le remercier de ses bienfaits, se refusaient à en admettre l’efficacité propitiatoire ; et surtout ils n’admettaient pas que la messe pût être utile à d’autres qu'à ceux qui recevaient l’eucharistie. Voir col. 1085 sq.

Pour démontrer le caractère propitiatoire de la messe, les théologiens postérieurs au concile de Trente suivent eu général l’argumentation de Bellarmin, De eucharistia, t. VI, c. i. Le point de départ est la déclaration et définition du concile de Trente, sess. xxii, c. n et can. 3.

a. — Le premier chef d’argumentation est tiré de l'Écriture. Dans l’Ancien Testament, sous la loi de nature et sous la loi mosaïque, existaient des sacrifices propitiatoires, offerts à Dieu en vue de l’expiation des péchés, Lev., i, iv-vn ; Job, i, 5 ; xlii, 8, distincts des hosties pacifiques, sacrifices purement latreutiques. Or, l’existence de sacrifices propitiatoires dans l’Ancien Testament prouve doublement le caractère propitiatoire de la messe : 1° parce que ces sacrifices étaient le type du sacrifice de la Loi nouvelle ; 2° parce que, si le sacrifice de la croix, qui fut le sacrifice propitiatoire par excellence, n’a pas empêché les sacrifices de l’Ancienne Loi, d'être propitiatoires, il ne saurait à plus forte raison empêcher le sacrifice de l'Église de l'être. Le sacrifice offert par Judas Machabée, II Mach., vii, 32, démontre aussi de la même façon la propitiation de la messe pour les peines dues aux péchés. Rien ne sert d’objecter avec Calvin, que les sacrifices anciens étaient appelés propitiatoires, non parce qu’ils concouraient à l’expiation des péchés, mais parce qu’ils signifiaient et représentaient le sacrifice futur de la croix, le seul qui fut parfaitement propitiatoire. Une telle interprétation est opposée au sens obvie des textes ; elle est du reste indifférente pour la valeur de notre argumentation, les sacrifices anciens étant également les figures du sacrifice de la messe.

Le Nouveau Testament fournit un second argument scripturaire, tiré principalement des paroles de l’institution, Matth., xxvi, 28 ; Luc, xxii, 20 ; I Cor., xi, 24-2C ; cf. Hebr., v, 1 ; x, 18. D’où il suit qu'à la messe nous avons <> une aspersion de sang plus éloquente que le sang d’Abel ». Hebr., xii, 25. La force de l’argument croît en ce que l’eucharistie, comme sacrement, n’est pas ordonnée à la rémission des péchés, puisqu’elle suppose la pureté de la conscience chez le communiant. I Cor., xi, 27-29.

b. — Une deuxième série d’arguments est empruntée aux Pères et aux Liturgies. On les trouvera à chaque page des articles consacrés à leurs témoignages.

c. — L’argument de raison théologique est en général ou passé sous silence ou exposé très brièvement. Le P. Hugon le résume ainsi : « 1° La notion fondamentale du sacerdoce requiert que le prêtre offre des dons et des sacrifices pour les péchés. Hebr., v, 1-3. Si l'Église du Christ ne se conçoit pas sans un sacerdoce visible, elle ne peut manquer du sacrifice véritable de propitiation grâce auquel la coulpe est effacée, la peine remise ou diminuée ; 2° la voix du sang a toujours une éloquence irrésistible, et que dire quand c’est le sang d’un Dieu ? Il doit être souverainement

propitiatoire, le sacrifice où le prêtre plaide pour l’humanité coupable ; il est souverainement satisfactoire, l’acte liturgique par lequel sont appliqués des mérites d’une valeur infinie. Cette somme immense de satisfaction rédemptrice fut versée sur le Calvaire ; nous la touchons maintenant et nous la faisons nôtre, grâce au mystère de nos autels. » La sainte eucharistie, p. 330-331. Cf. Lépicier, op. cit., q. iii, a. 3, n. 8-9.

Efficacité limitée ou illimitée.

Pour résoudre

cette question, il faut considérer le sacrifice à un double point de vue : comme sacrifice de Jésus-Christ, com-n3 sacrifice de l'Église et subsidiairement du prêtre.

1. Efficacité de la metse comm ? sacrifice de JésusChrist. — a) Distinctions préliminaires. — Considérée en soi, la messe possède une valeur infinie, in aclu primo, puisqu’elle est le même sacrifice que le sacrifice de la croix. La question qui se pose présentement concerne la seule efficacité actuelle, valeur in aclu secundo, du sacrifice de la messe. Le fruit de la messe est l’effet réellement opéré par l’efficacité actuelle du sacrifice. — D’autre part nous n’envisageons pas l’efficacité de la messe, en tant que sacrifice lalreutique et eucharistique, qui est certainement infinie in actu secundo : ce sacrifice, pour Dieu lui-même, sera toujours infiniment agréable. Il s’agit donc de l’efficacité de la messe, en tant que sacrifice propitiatoire et impétratoire.

Mais, ici encore, plusieurs remarques s’imposent. La question de l’efficacité infinie de la messe peut se poser soit au point de vue de l’intensité, c’est-à-dire par rapport aux fruits que percevra tel sujet déterminé en faveur de qui est offert le sacrifice ; soit au point de vue de l’extension, c’est-à-dire quant au nombre de sujets en qui les mhnes effets peuvent être produits.

Par ailleurs, les théologiens sont unanimes à distinguer relativement aux sujets à qui est faite l’application du sacrifice, un triple fruit de la messe : un fruit général, pour toute l'Église ; un fruit spécial ou moyen (que certains théologiens appellent ministériel), pour certaines personnes en faveur desquelles le sacrifice eucharistique est spécialement offert : et enfin le fruit très spécial, pour le célébrant lui-même. Ils admettent aussi que le fruit général est pour ainsi dire infini dans son extension, possédant la même valeur, quel que soit le nombre de ceux qui participent au sacrifice : « Bien que nous ne puissions pas déterminer avec précision dans quelle mesure le fruit général est appliqué à chacune des personnes constituant la communauté de l'Église, cependant nous pouvons tenir pour certain, que ce fruit n’est pas diminué par le fait que chaque jour accroît le nombre des vivants et des morts. » Billot, De sacramentis, t. i, p. 654. D’autre part, le fruit très spécial, personnel au célébrant, possède forcément, quant à son extension, une valeur limitée, puisqu’il s’applique à une seule personne. Le problème soulevé concerne donc uniquement le fruit spécial. Ce fruit est-il infini, quant à son extension et quant à son intensité ?

b) Le fruit spécial de la messe est-il infini quant à son extension ? — Les manuels de théologie dogmatique présentent ordinairement cette question comme controversée. Ce n’est pas tout à fait exact.

Tous les théologiens sans exception admettent que, si la valeur impétratoire et satisfactoire de la messe, quant à l’extension, est indéfinie, quoad sufficientiam au sens où nous l’avons expliqué, l’application ne peut jamais se faire qu'à un nombre limite de sujets, et dans une proportion finie. Voir plus loin. La question controversée se pose d’une façon différente. Etant donnée la valeur in finie de la messe quoad sufficientiam, même dans son extension à tous les fidèles vivants et défunts, cette valeur infinie proflte-t-elle autant à un