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1285 MESSE, CONCLUSION : DEFINITION DU SAINT SACRIFICE 1286

Le rôle « sacerdotal » des simples fidèles n’a qu’une analogie assez lointaine avec les fonctions proprement sacerdotales du ministre du Christ. Les théologiens n’ont pas manqué d'étudier la portée de ce rôle des simples fidèles dans l’oblation du sacrifice eucharistique. Suarez convient que l’explication du concours des fidèles est délicate. Disp. LXXVII, sect. m. « Les fidèles, disent aussi les Salmanticenses, n’offrent le sacrifice que par le prêtre, et par conséquent médiatement ; leur oblation n’est appelée ainsi qu’en fonction de l’oblation proprement sacerdotale. Et encore, dans le concours des fidèles au sacrifice eucharistique, il convient de distinguer trois degrés. Le premier est très général et appartient à tous les fidèles : sa note caractéristique est qu’aucun des fidèles qui y participe n’intervient par un acte particulier : c’est le prêtre seul qui agit pour tous. Un deuxième degré du concours des fidèles est plus spécial : il existe lorsque le fidèle pose un acte quelconque qui incite le prêtre à offrir le sacrifice, par exemple en le priant de célébrer la messe ou en lui procurant, à cette intention, un honoraire. Le troisième degré est encore plus spécial et existe quand les fidèles concourent plus immédiatement à la célébration du sacrifice, par exemple, en y assistant, en répondant à la messe et en assistant le célébrant. Plus les fidèles participent à la célébration de la messe, selon les degrés qu’on vient d’indiquer, et plus aussi ils participent aux fruits du sacrifice. » Disp. XIII, dub. iii, § 2, n. 52. Cf. Casque, op. cit., p. 89 sq. ; Ch. Grimaud, « Ma » Messe, Paris, 1927, c. iii, p. 42 sq.

Telle est la doctrine par tous admise : sur cette doctrine fondamentale se greffent deux questions subsidiaires, que l’on ne peut ici que signaler. D’abord, pour participer à l’oblation sacrificielle, les fidèles peuvent-ils se contenter de s’unir intérieurement au prêtre, ou bien est-il nécessaire qu’ils expriment extérieurement leur intention ? Suarez nie que le sentiment intérieur suffise. Disp. LXXVII, sect. iii, n. 2. Bellarmin, De sacrificio misses, 1. II (De eucharistia, 1. VI), c. iv ; Vasquez, disp. CCXXVI, c. ii, n. 10, paraissent concéder qu’une volonté habituelle non actuellement exprimée suffit : la divergence n’est qu’une question de mots. Voir Salmanticenses, loc. cit., n. 54. — Ensuite la valeur accidentelle de la messe peut-elle être accrue du fait d’une plus grande dévotion du prêtre célébrant et des fidèles participants ? En ce qui concerne la dévotion du célébrant, la réponse est affirmative et s’appuie sur l’autorité de saint Thomas, III a, q. i.xxxii, a. 6, En ce qui concerne la dévotion des fidèles, la réponse affirmative, proposée par Suarez, disp. LXXIX, sect. xi, concl. 3, Bellarmin, loc. cit., c. iv, et appuyée sur l’autorité de saint Thomas, q. lxxxiii, a. 4, est présentée comme plus probable contre la solution négative des deux Soto. Cf. Salmanticenses, loc. cit., n. 55. Nous avons entendu Bossuet prendre nettement parti pour la solution affirmative, col. 1163.

Conclusions.

1. Définition du sacrifice eucharistique. — De tous les éléments de cette analyse, il résulte

que le sacrifice de la messe doit être avant tout et essentiellement en fonction de l’oblation qu’y fait le Christ. L’oblation de l'Église, considérée comme corps mystique du Christ, sera suffisamment indiquée si l’on affirme que l’oblation eucharistique est l’oblation du chef de l'Église, comme tel. Enfin, l’oblation appelant nécessairement l’immolation, on doit faire expressément mention de l’immolation mystique du Sauveur à l’autel. Un dernier élément de la définition sera emprunté au dernier point de cette étude, l’efficacité du sacrifice eucharistique, ce sacrifice étant institué, non pour nous mériter le salut, comme le sacrifice sanglant du Calvaire, mais pour nous appli quer les mérites de ce sacrifice sanglant, lui conséquence nous proposerions volontiers la définition suivante : Le sacrifice de la messe est l’acte par lequel JésusChrist, chef de l'Église, prêtre principal, par le ministère du prêtre visible, s’offre mystiquement sur l’autel dans la séparation sacramentelle de son corps et de son sang sous les espèces eucharistiques, renouvelant ainsi d’une façon non sanglante l’oblation sanglante du Calvaire, pour nous en appliquer les mérites.

2. L’unité du sacrifice de Jésus-Christ. - — L’unité du sacrifice de Jésus-Christ est une vérité admise par tous les théologiens.

Comment faut-il entendre cette unité de sacrifice de Jésus-Christ ? Les théologiens, sont loin d'être d’accord sur ce point. Et, pour mieux discriminer leurs opinions, il convient avant tout de marquer les deux points extrêmes auxquels la vérité catholique ne saurait se rallier, mais qui indiquent les tendances opposées des divers systèmes.

Tout d’abord l’orthodoxie catholique ne saurait concevoir le sacrifice sanglant de la croix et le sacrifice non sanglant de la cène ou de la messe comme deux sacrifices disparates, différents, ou même simplement distincts entre eux d’une manière adéquate. L’enseignement du concile de Trente s’y oppose formellement. Una enim eademque est hostia, idem nunc offerens sacerdolum ministerio, qui seipsum tune in cruce ôbiulit… Sess. xxii, c. n. A la messe, c’est donc le même prêtre, la même victime qu’au Calvaire. De ce seul chef, il est impossible que les sacrifice du Calvaire et celui de l’eucharistie soient des sacrifices totalement et adéquatement distincts.

A l’opposé on pourrait imaginer une identité parfaite et absolue entre le sacrifice eucharistique et le sacrifice sanglant de la croix. En ce qui concerne la messe aucun théologien n’a soutenu l’identité des deux sacrifices : une telle assertion serait évidemment contraire au concile de Trente qui, au texte ci-dessus rapporté, ajoute cette restriction : Sola offerendi ratione diversa, restriction dont le sens est précisé par les premières lignes du chapitre : Quoniam in divino hoc sacrificio, quod in missa peragitar, idem ille Christus' continetur et incruenle immolatur, qui in ara crucis semel seipsum cruente obtulit.

Ces théories extrêmes auxquelles aucun auteur catholique n’a jamais souscrit indiquent cependant les tendances vers lesquelles se dirigent les différentes opinions.

a) L’unité du sacrifice d’après l’opinion du sacrificeoblation. — Identité du prêtre et de la victime : ces deux éléments sont hors de controverse. Identité de l’action sacrificielle exercée par Jésus-Christ, sur la croix, à l’autel et même au ciel ; telle est la caractéristique du système. Cette action sacrificielle consiste dans l’oblation qu’a faite Jésus, qu’il fait encore de sa passion et de sa mort. L’unité du sacrifice, nonobstant les différences accidentelles, consiste donc dans l’unité de l’oblation.

Nous trouvons cette idée d’oblation continue chez les principaux représentants de l'École théologique française, et notamment, la chose va de soi, chez Pierre Nicole. Voir col. 1209. Mais, personne encore, dans cette école, ne se prononce nettement en faveur de l’unité numérique du sacrifice du Chrt.

Mgr de Prcssy, évêque de Boulogne, a, le premier, proposé ce système : « Quoique l’oblation de cette obéissance puisse être regardée sous différents rapports, soit à divers temps, au passé, au présent, au futur ; soit à divers lieux, au ciel, à la terre et à une multitude d’autels ; soit à divers ministres qu’il s’associe pour la faire avec lui 50115' les espèces du pain et du vin : cette diversité de ministres, de lieux, de temps, d’espèces n’empêche pas l’identité physique,