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1283 MESSE, SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE : LE SACRIFICE EUCHARISTIQUE 1284

cation du rite sacrificiel, et que suffit à justifier l'époque même de la mort du Sauveur, rêvera solum oritur ex’conditione seu statu rei significatæ, dit fort exactement Suarez, disp. LXXVI, sect. i ; cf. Stentrup, op. cit., th. lxxxviii.

Sans doute encore, la cène, étant offerte par le Christ avant sa mort, était un acte par lequel le Christ pouvait encore mériter ; à la messe, le Christ glorieux n’est plus en état de mériter, et son sacrifice n’est qu’un instrument d’application des mérites passés. Mais cette différence encore est tout accidentelle et provient de l'état du principal offrant, avant et après sa mort. Considérée en soi, la cène était, comme la messe l’est aujourd’hui, un moyen d’application des mérites du Christ ; le mérite de la passion et de la mort du Sauveur était alors simplement commencé, tandis qu’aujourd’hui il est consommé. Mais, encore une fois, ces différences sont extrinsèques à la cène, comme à la messe. Cf. Stentrup, toc. cit.

Il reste donc qu’en soi, cène et messe sont des sacrifices identiques, n’ayantleur signification etleur valeur que par le rapport nécessaire et intime qu’ils présentent avec le sacrifice sanglant du Calvaire, que toutes deux représentent et symbolisent, la cène, comme futur, la messe, comme passé. La cène eut sa raison particulière et toute spéciale d’exister, parce qu’elle inaugurait le sacrifice de l’eucharistie, que le Christ entendait laisser à son Église. Mais, par rapport au Calvaire, tout comme la messe, la cène est un sacrifice relatif, parce que, comme la messe, elle a pour effet l’application du sacrifice rédempteur. Cf. Lepin, op. cit., p. 697.

Le sacrifice de la messe.

1. Ses éléments constitutifs. — Le sacrifice de la messe reproduit celui de la

cène, avec cette différence accidentelle qu’il est représentatif et commémoratif de l’immolation sanglante déjà passée. Est-il besoin de le redire ? Le sacrifice de la messe n’est pas purement représentatif : il est, et il est relatif au sacrifice de la croix. Le corps et le sang du Sauveur y sont mystiquement séparés, comme ils le furent réellement au Calvaire. Et Jésus-Christ s’y offre dans son immolation mystique, comme il s’est offert dans l’immolation sanglante. L’essence du sacrifice eucharistique comporte donc deux éléments, l’un formel, l’oblation du corps et du sang du Sauveur, l’autre matériel, l’immolation mystique de ce même corps et de ce même sang. Jésus est offert par là même qu’il est immolé, et l’acte d’immolation est aussi l’acte d’oblation. C’est dans l’acte de la consécration et dans cet acte seul que se trouve l’immolation et l’oblation sacrificielles.

2. L’offrant principal.

L’oblation du Christ dans l’eucharistie est faite tout d’abord par Jésus-Christ lui-même, prêtre principal. On a déjà indiqué que l’opinion de Scot, à laquelle s’est rallié de nos jours le P. de la Taille, ne jouissait pas des faveurs de l’ensemble des théologiens. On pense l’avoir démontré : le Christ est le prêtre principal, non seulement parce qu’il a institué lui-même le sacrifice et donné aux siens le pouvoir et l’ordre de l’offrir après lui, mais encore parce qu’il s’offre aujourd’hui, à la messe, d’une manière personnelle et actuelle : « De même, répéterons-nous après les Salmanticenses, que le Christ concourt instrumentalement par son humanité à chacune des conversions ou transsubstantiations qui se font dans l'Église, ainsi il pense à chacun de nos sacrifices, il les veut, les offre à Dieu et par conséquent en est, comme prêtre principal, l’offrant immédiat, d’une oblatioh formelle, actuelle et élicite. » De eucharislia, disp. XIII, dub. iii, n. 50. Cf. Hugon, Traclatus dogmatiti, t. iii, p. 484.

3. Le prêtre visible, ministre du Christ. — Toutefois, il demeure vrai que le prêtre principal, Jésus-Christ,

en raison de son état glorieux dans le ciel, ne peut, par lui-même, offrir visiblement le sacrifice eucharistique. Il lui faut user du ministère des prêtres, fl s’agit des prêtres vaiidement ordonnés. Le prêtre validement ordonné et célébrant dans les conditions de la licéité, est à la fois le ministre de Jésus-Christ et le représentant de l'Église. Comme ministre de Jésus-Christ, il agit en vertu d’un pouvoir subordonné et instrumental, qui, par la consécration du pain et du viii, atteint la substance même du sacrifice : ce pouvoir, il le tient de son caractère sacerdotal et aucune cause humaine ne peut l’empêcher de s’en servir validement. Même séparé de l'Église, ce prêtre garde malgré tout le pouvoir d’offrir, in persona Christi, un sacrifice véritable. Comme représentant de l'Église, le prêtre n’atteint pas la substance du sacrifice, mais la part nécessairement accidentelle qu’y prend le corps mystique de Jésus-Christ uni à son chef. « Et tel est le lien qui le rattache au Christ et à tout le corps mystique que, fût-il seul et privé de toute assistance, fût-il même tellement seul avec sa misère qu’il manquât de toute dévotion et de toute piété personnelle, le sacrifice qu’il offre est bien celui de l'Église entière. » Gasque, L’eucharistie et le corps mystique, Paris, 1925, p. 71.

Il va de soi que tout prêtre qui, d’une manière coupable, s’est séparé du corps mystique de JésusChrist, ne saurait représenter l'Église dans l’oblation du sacrifice. Cf. Suarez, disp. LXXVII, sect. ii, n. 6 ; S. Thomas, III a, q. lxxxii, a. 6 ; a. 7, ad 3°™.

4. Participation de l'Église au sacrifice eucharistique. — On a dit tout à l’heure que le sacrifice eucharistique était avant tout l’oblation faite par Jésus-Christ ; mais, puisque cette oblation est faite par le Christ en tant que chef de son corps mystique, il faut de toute nécessité que le corps mystique, c’est-à-dire l'Église y participe. Rien de plus fréquemment affirmé soit par la tradition, soit par les théologiens.

Et cette idée est excellemment résumée par le cardinal Billot : « Ainsi donc, écrit-il, de même que l'Église, dans la messe, offre elle-même son sacrifice ; de même, et toujours en union avec son chef, elle y est offerte elle-même comme victime. Bien plus, l'Église entend que, par l’offrande du corps et du sang du Sauveur, la propre offrande qu’elle fait de soi-même devienne de plus en plus parfaite. Nous vous en prions, dit-elle (secrète du lundi de Pentecôte), sanctifiez ces dons et, en agréant l’offrande de cette hostie spirituelle, achevez de faire de nous des hosties dignes de vous éternellement. Et voilà la raison pour laquelle dans le sacrement de l’eucharistie, le Christ est immolé sous les symboles mêmes qui sont la figure du corps mystique acheté par lui au prix de son sang… Voilà pourquoi le prêtre prie Dieu d’avoir son offrande pour agréable, de daigner jeter sur elle un regard propice et favorable, comme il a daigné jadis considérer les offrandes d’Abel, d’Abraham, de Melchisédech ; de commander à son ange de le porter jusqu’au sublime autel du ciel… Toutes ces expressions demeurent inexplicables en dehors des principes qu’on vient de rappeler : comment en effet, comprendre que les hommes puissent demander à Dieu d’avoir pour agréable l’offrande de la croix ? Au contraire, de telles expressions paraissent empreintes de la plus vive piété, si l’on considère que, dans le sacrifice de la messe, le Christ n’est plus seul à offrir et à s’offrir, mais que, dans cette offrande du sacrifice, l'Église tout entière, et comme prêtre offrant et comme victime offerte, est unie à son divin chef. » De sacramentis, t.-i, p. 598-599.

Ces vérités sont, avons-nous dit, traditionnelles et se retrouvent sous la plume de tous les théologiens. Il ne faut toutefois rien exagérer et ne pas, pour autant, conférer le sacerdoce au sens strict à tous les baptisés.