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1251 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : VALEUR DE LA SEULE CONSÉCRATION 1252

Hurlado, Fagundez et, de nos jours, le P. de la Taille, voir col. 1211. La seconde interprétation, plus stricte, et qui a les faveurs du grand nombre, s’appuie sur l’autorité de saint Thomas, Sum. theol., III », q. lxxviii, a. 1 et 4 ; q. lxxxii, a. 1, 5 et 7, ad 3um ; q. lxxxiii, a. 1, ad 3um, et du concile de Trente, voir ci-dessus. « Le Christ, dit Suarez, est principal offrant dans ce sacrifice, non seulement d’une façon accidentelle et éloignée, mais encore parce qu’il offre actuellement, quoique par le ministère du prêtre, le sacrifice. » Pour expliquer la part prise par le Christ dans l’oblation de la messe, il ne suffit pas d’invoquer le fait de l’institution et la volonté du Christ exprimée à ses apôtres. Il ne suffit même pas d’expliquer que toute la vertu et l’efficacité de la messe sont fondées sur les mérites de Jésus-Christ. La vraie raison, explicative de la part prise personnellement par le Christ, dans l’oblation de -la messe, c’est que l’humanité du Sauveur concourt physiquement à l’acte de la consécration, c’est-à-dire de la transsubstantiation, en tant qu’instrument uni à la divinité. » Disp. LXXVII, sect. i, n. 4-6. Cette explication paraît péremptoire. L’activité instrumentale de l’humanité du Christ — que nul ne peut songer à nier — par rapport à la transsubstantiation, explique merveilleusement comment le Christ peut, à chaque messe, renouveler son offrande sans qu’il soit cependant nécessaire de multiplier les actes d’oblation. Le Christ renouvelle son oblation parce qu’il se rend présent, de cette présence qui constitue, par la transsusbstantiation du pain et du vin séparément consacrés, l’immolation mystique. Voir l’objection à cette thèse, formulée par F. de Lanversin, Esquisse d’une synthèse du sacrifice, dans Recherches de science religieuse, 1927, p. 199.

Toutefois, en ce qui concerne l’oblation du sacrifice, une difficulté pourrait être faite à cette conception, conception d’ailleurs conforme à ce que la théologie traditionnelle enseigne sur la causalité de l’humanité du Christ par rapport aux sacrements, voir Jésus-Christ, t. vii, col. 1320. Dans cette oblation, le Christ est prêtre principal. Or, la part prise par son humanité dans l'œuvre divine de la transsubstantiation, décèle une activité simplement instrumentale, la cause principale demeurant Dieu et Dieu seul. Comment donc encore parler de la part principale prise par Jésus-Christ, comme prêtre, au sacrifice eucharistique ? Le cardinal Billot fournit les éléments précis de réponse, De sacramenti’s, t. i, th. liv, (j 1, obj. 4 : « L’action sacrificielle, dit-il, doit nécessairement dépendre du prêtre comme de sa cause principale, mais, formellement en tant qu’action sacrificielle, c’est-à-dire en tant qu’elle atteste publiquement nos sentiments de respect intérieur et qu’elle honore Dieu. Mais cela n’est plus vrai, si on la considère matériellement, en tant qu’elle est une destruction ou réelle ou mystique de la victime. Ainsi s’explique le sacrifice de la croix ; ainsi s’expliquent les sacrifices anciens, dans lesquels la destruction matérielle de la victime était le plus souvent le fait d’individus non revêtus du sacerdoce. Au prêtre seul appartient le rôle de consacrer la victime au culte divin et de lui imposer dans ce but la forme de l’oblation latreutique. De même, à la messe, rien n’empêche que l’action qui opère la transsubstantiation soit matériellement accomplie par Dieu seul, comme agent principal. Mais formellement considérée, comme témoignage public de l’adoration des hommes, elle est accomplie par le prêtre, agissant non plus simplement comme cause instrumentale, mais en son nom propre, pour adorer, honorer, révérer Dieu. » Cf. Van Noort, De sacramentis, t. i, n. 475. Solution qui nous permet de montrer, en harmonisant entre eux les divers aspects de la même vérité, comment l’oblation permanente du Christ se

concilie avec son oblation actuelle, incluse dans chaque messe. A chaque messe, en effet, la transsubstantiation est produite effectivement : par Dieu, comme cause principale, par l’humanité du Christ, comme cause instrumentale immédiatement unie à la divinité, par le ministre, comme cause instrumentale séparée, mais subordonnée au Christ. Mais à chaque messe aussi, et parallèlement à cette activité instrumentale, le prêtre souverain qu’est Jésus-Christ renouvelle, en les continuant simplement, les sentiments qui l’ont animé au Calvaire, et le prêtre visible, s’unissant au Christ, dans une communion de sentiments semblables, offre, au nom de l'Église qu’il représente, avec le corps réel et le sang du Christ, le corps mystique tout entier, confondu avec le Sauveur dans la même immolation mystique. Les Salmanticenses ont bien mis en relief cette dualité d’action du Christ (et de son prêtre visible) dans le sacrifice eucharistique : « De même que le Christ concourt instrumentalement par son humanité à chacune des conversions ou transsubstantiations qui se font dans l'Église, ainsi il pense à chacun de nos sacrifices, les veut, les offre à Dieu, par conséquent, en est, comme prêtre principal, l’offrant immédiat, d’une oblation formelle, actuelle et élicite. » Disp. XIII, dub. iii, n. 50. De Lugo accepte substantiellement cette doctrine ; mais il la présente d’une manière beaucoup plus vague. Disp. XIX, n. 95. 2° L’essence du sacrifice eucharistique est dans la seule consécration, à l’exclusion de toute autre partie de la messe. — Cette assertion constitue, dans sa teneur générale, une simple opinion plus probable. Toutefois les opinions exclues ne jouissent pas toutes de la même probabilité. Tandis, en effet, que le rite de la communion du prêtre est considéré par d’excellents auteurs comme appartenant à l’essence du sacrifice sans cependant en être le seul élément, les autres rites, bénédiction, fraction, oblation verbale, communion des fidèles, etc. sont exclus de l’essence de la messe par l’unanimité morale des théologiens. Les opinions anciennes et mêmes récentes qui ont pu être émises à ce sujet doivent donc être considérées comme improbables.

1. Il ne saurait être question de faire entrer dans l’essence du sacrifice eucharistique les ornements, les cérémonies extérieures, les prescriptions liturgiques ajoutées par l'Église au cours des siècles. Les objections soulevées à ce sujet par quelques-uns des premiers Réformateurs, notamment par Chemnitz, manquent totalement de base. Aucun catholique n’a jamais enseigné cette absurdité, et tous professent que les additions faites par l'Église à l’institution du Christ sont des ornements extrinsèques et accidentels du sacrifice. Conc. de Trente, sess. xxi, c. v, Denz.-Bannw., n. 943 ; can. 7, id., n. 954.

2. La distribution de la communion aux fidèles n’est ni le sacrifice de la messe, ni une des parties essentielles de ce sacrifice. Le concile de Trente, ibid., c. vi et can. 8, Denz.-Bannw., n. 944, 955, se contents de condamner la doctrine qui taxe d’illicéité la célébration des messe privées, sans communion des fidèles. Mais, par là même, il laisse très clairement entendre que la messe privée, même celle où aucune communion n’est distribuée aux fidèles, est toujours un sacrifice véritable et complet. La théorie du sacrifice-banquet est donc à rejeter. L’explication proposée par Mgr Bellord dans The eccl. Review souleva immédiatement la réprobation de nombreux théologiens qui la réfutèrent dans le périodique même où elle avait paru. The ecclesiastical Review, 1905, t. xxxiii, p. 378 sq. ; 457 sq. ; 513 sq. ; 612 sq. ; 1906, t. xxxiv, p. 54 sq.

Mais l’opinion voisine, qui placerait l’essence du sacrifice dans la seule communion du prêtre, mérite