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1247 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : VALEUR DE LA CONSÉCRATION 124°

tement au sacrifice, enseigne cependant la doctrine catholique de la séparation sacramentelle du corps et du sang de Jésus-Christ.

Ce principe fondamental une fois posé, la marche à suivre dans notre critique est celle-là même que nous avons indiquée au début de cet article, et qui est consacrée par l’ensemble des théologiens. On établira tout d’abord que l’essence du sacrifice réside dans la consécration. On expliquera ensuite comment la consécration constitue l’action sacrificielle de l’eucharistie. Enfin, dans les limites d’une sage liberté en faveur des systèmes conciliables avec la doctrine catholique, on s’efforcera, dans une brève synthèse théologique, de déterminer les éléments du sacrifice eucharistique et de donner, de ce sacrifice, une définition acceptable..

II. L’ESSENCE DU S ACM FI LE EUCHARISTIQUE RÉSIDE DANS LA SEULE CONSÉCRATION DES DEUX

ESPÈCES. — Cette affirmation comporte trois précisions, dont la première seule se présente à notre adhésion comme une vérité théologiquement certaine ; les deux autres appartenant au domaine des opinions. On affirme donc, et d’une façon non exclusive, 1° que l’essence de la messe est dans la consécration ; 2° que l’essence de la messe est dans la seule consécration, à l’exclusion de toute autre partie de la messe ; 3° que l’essence de la messe requiert la consécration des deux espèces : pain et vin.

L’essence de la messe est dans la consécration.


Sous sa forme positive, et non exclusive, cette assertion doit être notée comme théologiquement certaine.

Elle possède, en effet, comme garantie l’unanimité morale des théologiens catholiques ; et sa vérité découle de l’exposé de toute la doctrine traditionnelle sur le sacrifice de la messe au point que certains auteurs en jugent inutile la démonstration : M. de la Taille, op. cit., El. xxxiv, p. 435.

Cette démonstration est cependant possible ; les grands théologiens n’ont pas manqué de l'établir, se référant à saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxviii, a. 3, ad 2um ; q. lxxx, a. 12, ad lum ; q. lxxxii, a. 10 ; id., ibid., ad lum, et surtout q. lxxxiii, a. 1. Suarez note que, malgré les efforts de nombreux auteurs en faveur d’une démonstration rationnelle, on ne peut avoir, sans le secours de la révélation, une réponse absolument certaine à ce sujet. Ajoutons que les divers arguments de raison théologique devront, pour être mis en valeur, être réunis en une synthèse que nous proposerons en dernier lieu.

1. Les arguments : leur aspect analytique. — a) L'Écriture. — Dans les récits de l’institution, deux faits sont nettements relatés : la consécration par le Sauveur du pain et du vin ; la distribution du corps et du sang aux apôtres. Et toute la tradition affirme que le sacrifice de la cène, qui prélude à l’eucharistie, fut constituée par ces deux actes du Christ. Or, la distribution du corps et du sang aux apôtres ne peut appartenir seule à l’essence du sacrifice. Donc, au témoignage de l'Écriture, il reste que la consécration est un élément essentiel. De plus, il serait surprenant que l'Écriture n’ait relaté qu’un rite accessoire et non essentiel au sacrifice. Suarez, disp. LXXV, sect. iv, n. 2.

b) La Tradition. — Cet argument est plutôt indiqué que développé. Suarez, id., n. 3, déclare que les Pères, parlant du sacrifice eucharistique, emploient indifféremment les termes de consécration, d’immolation, iVoblation. Cf. De Lugo, disp. XIX, sect. v, n. 67 ; Bellarmin, De eucharistia, t. V, n. xxviii, fine.

c) La raison théologique. — De ce chef, les théologiens postérieurs au concile de Trente apportent trois arguments principaux.

a. — Il est de l’essence du sacrifice d'être une oblation faite à Dieu. Or, dans l’eucharistie, l’oblation sacrificielle réside dans la consécration. La consécration du pain et du viii, en effet, présente à Dieu l’adorable victime de l’autel, et cela d’une manière plus parfaite que tout autre rite de la messe. Salmanticenses, De eucharistia, disp. XIII, dub. ii, n. 25. Les théologiens répètent à l’envi que l’oblation est contenue dans la consécration, et que l’oblation verbale, postérieure à la consécration (Unde et memores} n’est pas, en soi, nécessaire, quoi qu’en aient dit de rares auteurs (v. gr., Scot, Henriquez, Azor, Bonacina, Bassams, et d’autres, cités par de la Taille, El. xxxiv, p. 437, note 3). A plus forte raison eussentils rejeté la singulière opinion du P. Grivet : « la messe commence à l’autel après l'élévation ; » voir col. 1228. Ils trouvent confirmation de cet argument dans les expressions du concile de Trente, lequel explique la consécration par l’oblation et l’oblation par la consécration. Cf. sess. xxii, c. n ; sess. xxiii, c. i, can. 1. Salmanticenses, id., n. 26.

b. - — Sous la loi de grâce, le sacerdoce comporte essentiellement le pouvoir de consacrer. Mais l’acte principal répondant au sacerdoce est le sacrifice. Si donc le prêtre est constitué prêtre essentiellement par le pouvoir de consacrer, il faut de toute nécessité que le sacrifice comporte essentiellement la consécration. La même relation qui existe entre le sacerdoce et le pouvoir de consacrer existe entre le sacrifice et la consécration. Ici encore, les théologiens s’appuient sur le concile de Trente, sess. xxiii, c. 1 : Sacrificium et sacerdotium ita Dei ordinatione conjuncta sunt, ut utrumque in omni lege existant. Cum igitur in Novo Testamento sanctum eucharistiæ sacrificium visibile ex Domini institutione catholica Ecclesia acceperit, fateri etiam oportet in ea novum esse, visibile et externum sacerdotium. Et canon 1 : Si quis dixerit non esse in Novo Testamento sacerdotium visibile et exlernum, vel non esse potestatem aliquam consecrandi et offerendi verum corpus et sanguinem Domini, a. s. Denz.-Banirw., n. 957, 961.

Suarez montre le lien intime qui unit ces deux arguments. Disp. LXXV, sect. iv, n. 2. Il ne suffit pas, dit-il en substance, de montrer que le pouvoir sacerdotal est un pouvoir de consacrer ; il faut également ajouter que, dans le sacrifice eucharistique, la consécration comporte l’oblation essentielle au rite sacrificiel. Et Suarez démontre que telle est la vérité, non seulement parce que la Tradition tout entière l’a ainsi compris, mais encore parce que la nature même du sacerdoce exige que le pouvoir de consacrer soit aussi et conjointement le pouvoir d’offrir. Autrement le sacrifice pourrait être conçu comme divisible en deux éléments. Un prêtre pourrait consacrer ; un autre pourrait offrir à Dieu la victime consacrée. Dans quel acte serait le sacrifice ? Sans doute, ajoute Suarez, n. 3, on pourrait théoriquement concevoir une séparation effective des deux pouvoirs ; mais leur union inséparable dans le sacerdoce chrétien est un signe très probable que les deux pouvoirs sont en réalité une seule et même chose.

c. — La messe est une représentation et un mémorial du sacrifice du Calvaire : dogme défini au concile de Trente, sess. xxii, c. 1. Donc, la partie de la messe où le sacrifice de la croix sera le plus parfaitement représenté et commémoré, ne peut pas ne pas appartenir à l’essence du sacrifice eucharistique. Or, c’est à la consécration que se trouvent le plus parfaitement réalisées et la représentation et la commémoration de la croix, par la séparation sacramentelle 'du corps et du sang, laquelle n’est pas une séparation purement métaphorique ou figurative, mais une séparation mystérieuse qu’explique la force des paroles consé-