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1239 MESSE, LE SACRIFICE-OBL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1240

a. 3, affirmant que l’acte d’oblation purement intérieure du Christ a suffi pour son sacrifice. La plupart des Pères et des théologiens enseignent que l’oblation du Christ sur la croix apparaît en ceci : le Christ, qui pouvait éviter la passion et la mort, les a subies volontairement, s’offrant de lui-même et librement à leurs assauts. Mais, remarque le P. de la Taille, cette acceptation volontaire et libre demeure encore un acte purement intérieur. Si parfait soit-il, un acte intérieur d’acceptation ne saurait suffire à déterminer un sacrifice : pour qu’il y ait sacrifice, il faut un acte extérieur qui soit une offrande visible et rituelle de la victime à Dieu. Cette oblation liturgique, le Christ l’a nécessairement faite, puisqu’il a offert un véritable sacrifice. Il faut donc chercher quand et où le Christ a accompli cet acte. El. ii, p. 29. Cette action sacrificielle et sacerdotale, le Christ ne l’a pas accomplie au jardin des Oliviers, lorsqu’il a renversé d’un mot les soldats ; il ne l’a pas accomplie sur la croix, lorsqu’en mourant, il poussa un grand cri : il montra par là qu’il souffre et meurt librement, mais il ne fait pas d’oblation. Il ne l’a pas accomplie non plus, et pour la même raison, lorsqu’il disait : Non mea voluntas, sed tua flat, ou lorsqu’il faisait sur la croix la prière que devait reprendre saint Etienne : In manns tuas commendo spiritum meum. En appeler à l’ensemble des péripéties de la passion et de la mort ne conduit pas davantage à une oblation rituelle, car tout cela eût pu se trouver sans qu’il existât un vrai sacrifice : les martyrs qui sont morts dans des conditions analogues n’ont offert qu’un sacrifice improprement dit ; la mort du Christ, au contraire, constitue un sacrifice véritable. Or, il est de l’essence du sacrifice d'être par lui-même discernable… Le sacrifice doit, de lui-même, apparaître tel.

Le sacrifice qui serait totalement indéterminé quant à son être sacrificiel ne pourrait être connu par luimême, et, par conséquent, serait inapte à signifier, et en fin de compte, ne serait pas un sacrifice. Or, cette indétermination dans l'être sacrificiel existe, si les mêmes éléments peuvent exister sans sacrifice. Donc, tout l’ensemble de la passion du Sauveur ne peut spécifier cette passion dans le genre sacrifice. El. ii, p. 31. En réalité, l’offrande du sacrifice a été faite à la cène. La cène et la croix se compénètrent mutuellement pour former le sacrifice unique de Jésus-Christ. L’immolation a lieu sur la croix ; mais l’oblation liturgique de la victime a eu lieu au cénacle. Il n’y a pas deux sacrifices successifs, mais deux éléments du même sacrifice. Faite formellement au cénacle, l’oblation liturgique persiste virtuellement et donne à toutes les péripéties de la passion et de la mort du Christ la qualité et la valeur d’un vrai sacrifice. Inversement, les souffrances de la passion et de la mort librement acceptées par Jésus-Christ sont la matière de l’oblation rituelle faite à la cent. Ainsi est réalisée « l’unité numérique du sacrifice du Seigneur, sacrifice liturgiquement offert à la cène, et se continuant dès lors pendant toute la passion et jusqu'à la mort inclus. » El. v, p. 08. « Donc, la cène et la croix se complètent mutuellement. A la cène, commence le sacrifice qui doit être consommé à la croix : La réalité de l’immolation se trouve dans la passion de la mort ; mais dans l’immolation symbolique de la cène apparaît principalement la propriété de l’oblation… Cette immolation toute en image et en représentation, faite par le Christ, fut l’oblation de l’immolation véritable et proprement dite, par laquelle Jésus-Christ devait être mis à mort par les mains de ses ennemis… Ainsi donc, le Christ n’a consommé qu’un sacrifice, et ne s’est offert qu’une fois… Dans ce sacrifice unique du Christ, l’unité existe entre les parties constitutives, parce que l’oblaion commencée à la cène persévère encore pendant

toute la passion. Cette oblation persévère, parce qu’elle n’est pas rétractée, et parce qu’elle est entretenue par des actes continuels de volonté et de liberté se traduisant extérieurement jusqu'à la mort par de multiples actes et paroles du Sauveur. Et il n’y a aucun moment où le même prêtre, qui sacrifia à la cène, ne nous apparaisse toujours continuant son sacrifice, le confirmant et le sanctionnant, non seulement dans l’intérieur de son âme, mais encore extérieurement par l’effusion même de son sang… Il n’y eut pas deux oblations, l’une à la cène, l’autre à la croix ; il n’y eut qu’une seule oblation : c’est numériquement la même qui, accomplie rituellement à la cène, persévéra moralement à la croix. » El. ix, p. 101-104.

c) Le sacrifice céleste. — La résurrection, l’ascension, la glorification du Christ à la droite du Père font encore partie intégrante de son sacrifice unique. En effet, pour que le sacrifice soit complet, parfait, pour qu’il produise tous ses effets, il faut qu’il soit, non seulement offert à Dieu, mais agréé par Dieu. Faute de quoi, l’offrande de Caïn, les immolations des païens restaient inutiles. Le sacrifice est une sorte de contrat, pour lequel est requis le consentement des deux parties. L’homme offre un don à Dieu : la donation n’est un fait accompli que lorsque Dieu l’a accepté. Or le Christ a offert à Dieu le sacrifice de notre salut. L’Hostie a été agréée par Dieu, et le signe public de cette acceptation divine a été donné lorsque la victime présentée à Dieu a été prise par lui, revêtue de la gloire qui lui est propre, mise dans le trésor divin, qui est le ciel, au premier rang des choses qui appartiennent à Dieu. La résurrection, l’ascension, la glorification du Christ sont la réponse de Dieu au sacrifice offert : elles le valident définitivement en y mettant le sceau de l’acceptation divine. Cf. el.xii, p. 127, 137. « Ainsi se trouve achevé le cycle introdu-A autrefois dans le monde par le Christ-prêtre, et retournant enfin à Dieu avec le Christ-victime. Dans cette conclusion le sacrifice et le sacerdoce du Christ se reposent, jouissant de la fin qu’ils se proposaient et qu’ils ont obtenue, pendant que la victime demeure immobile devant le regard de Dieu et que le prêtre siège éternellement à la droite du Père, revêtu de la gloire sacerdotale où devait le conduire la vertu propre de son sacrifice. » Ibid., p. 139.

Ainsi, la gloire du Christ démontre la valeur sacrificielle de son oblation sur la croix, la révèle publiquement, et la rend éternelle. Le sacrifice céleste du Christ dont l'Écriture (Épître aux Hébreux et Apocalypse) et les Pères ont tant parlé, n’est que la prolongation du sacrifice unique de la croix, la permanence du Christ dans son état de victime acceptée et agréée par Dieu.

Et, pour mieux préciser sa pensée, l’auteur explique que le sacrifice céleste ne saurait être entendu dans le sens actif, pro re sacrificia, mais qu’il le faut entendre au sens passif, pro re sacrificata. El.xii, p. 142, n. 5. Et s’il parle du ministère sacerdotal de Jésus s’oflrant lui-même comme hostie céleste, il explique que cette offrande consiste simplement en ce que le Christ apparaît devant son Père comme ayant été immolé autrefois, et comme orné éternellement de cette propriété victimale, qui est pour Dieu une louange et pour nous une prière. Ibid., p. 132. Toutefois, alors que d’autres auteurs semblent réduire la fonction du prêtre céleste à l’adoration, le P. de la Taille déclare que le sacrifice céleste de Jésus-Christ est la continuation virtuelle de l’offrande de la croix ; l’offrande temporelle accomplie une fois au Calvaire demeure valable pour l'éternité, offrande et acceptation ayant été faites irrévocablement. Voir sur ces précisions l’art. JésusChrist, t. viii, col. 1341-1342 ; J. Grimai, Le sacerdoce et le sacrifice de Jésus-Christ, 3e édit., Paris, 1923, p. 188 sq. ; Ami du Clergé. 1923, p. 68 ; 1924, p. 694-