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sensiblement représentée et offerte l’effusion réelle du sang, qui fut autrefois faite sur la croix pour honorer et apaiser Dieu. Rien ne manque donc pour constituer un véritable sacrifice. N. 81 i.

Ainsi, le sacrifice de la messe est le même que celui de la croix, si l’on considère l’identité de la victime et du piètre principal..Mais les actions sacrificielles de l’un et de l’autre sacrifice diffèrent spécifiquement, en raison de l’offrant immédiat, de la signification mystique et de la fin du sacrifice. Et parce que les choses sont spécifiées par leur raison formelle, il semble qu’on doive avec Suarez affirmer que le sacrifice de la messe et le sacrifice de la croix sont spécifiquement différents. Disp. LXXVI, sect. i, n. 4 sq. Quant aux différents sacrifices de la messe, il faut les dire numériquement distincts entre eux, puisque numériquement distinctes sont les actions sacrificielles. N. 916. C’est, on le voit, la conciliation entre les deux thèses de l’immolation mystique et de l’oblation.

11° La thèse du P. Maurice de la Taille, S. J. — La thèse du sacrifice-oblation a été récemment présentée avec un grand luxe d’érudition par le P. de la Taille, professeur à l’Institut catholique d’Angers, puis à l’Université grégorienne, à Rome : Mysterium fidei, De auguslissimo corporis et sanguinis Christi sacrifïcio atque sacramento, Paris, 1921. h’exposé de la thèse se fera autour de quatre chefs principaux : l’idée du sacrifice en général ; le sacrifice de la cène et de la croix ; le sacrifice céleste ; le sacrifice de la messe. Quelques remarques sur certains aspects de la thèse seront ensuite nécessaires.

1. Exposé.

a). L’idée du sacrifice en général. — L’auteur distingue deux aspects du sacrifice : l’aspect latreutique et l’aspect propitiatoire. Envisagé selon le premier aspect, le sacrifice rend à Dieu les devoirs de l’adoration, de l’action de grâces, de la prière ; envisagé selon le second aspect, il vise à satisfaire à la justice divine par l’expiation du péché. Elucidatio i, p. 3, 9. Tout sacrifice propitiatoire est latreutique par certain côté ; cependant certains sacrifices ont une fin prédominante de propitiation, tandis que d’autres ont principalement en vue l’adoration : d’où la division des sacrifices en h.treutiques et propitiatoires. Pour le P. de la Taille comme pour Suarez, le sacrifice latreutique ne requiert pas la destruction de la victime : il faut donc, sur ce point, rejeter l’opinion de Vasquez, Bellarmin, De Lugo et de nombre de modernes, d’après laquelle le sacrifice ne saurait marquer la reconnaissane par l’homme de la souveraineté de Dieu, maître de la vie et de la mort, que par un acte de destruction sensible : « La destruction des œuvres de Dieu, l’extinction de la vie ou de l’être, n’a rien en soi qui puisse honorer le Dieu Créateur, Providence et fin dernière de toutes choses : témoin la parole du Christ lui-même : Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Luc, xx, 38. D’où la sentence si pleine de sagesse de notre Irénée : La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, Adv. ha’ies., t. IV, c. xx, n. 7, P. G., t. vii, col. 1037. » El. i, p. 10.

Le sacrifice latreutique, devant exprimer extérieurement l’offrande intérieure que l’homme doit faire de lui-même à Dieu, implique un acte extérieur et rituel qui rend sensible cette offrande. El. i, p. 6, 10. Tout le sacrifice latreutique est dans cet acte extérieur de consécration, ou plus exactement de donation symbolique : « aucune destruction n’y est nécessaire : il suffit, comme dit saint Thomas, d’une certaine action exercée à l’égard des choses offertes, en signe de leur transfert du domaine humain en la possession de Dieu. « Ihid., p. 10. Ainsi, l’idée la plus générale qu’on puisse se faire du sacrifice le place à la fois dans la catégorie des « signes i : exprimer extérieurement notre offrande intérieure, et dans le genre donation » : donation

d’un bien extérieur exprimant cette offrande. « Tout sacrifice est un don. » El. xxvii, p. 312.

Mais le sacrifice propitiatoire intervient un élément spécial : la destruction ou l’immolation ou immutation de la victime, traduisant i.ot re volonté de satisfaction et de réparation. El. i, p. 10, 11. Mais encore faut-il observer que cette immolation ne constitue pas proprement l’essence du sacrifice propitiatoire : on le voit

d’après le Lévitique, où l’occision des animaux destinés au sacrifice était laissée parfois à de simples laïcs, tandis que l’oblation des victimes était réservée aux seuls prêtres » ; on le voit surtout par l’exemple du Christ qui ne s’est pas mis à mort lui-même, mais s’est seulement offert à Dieu en se livrant aux.Juifs déicides. El. i, p. 11. Donc, tout comme le sacrifice latreutique, le sacrifice propitiatoire contient essentiellement un acte de donation ou d’oblation, par lequel la victime est transférée en la jouissance de Dieu : acte de donation complété par un acte d’immolation, dont la signification est proprement propitiatoire.

Ainsi, même là où il y a immolation, l’oblation est nécessaire pour qu’existe le sacrifice. Sans doute, il n’est pas indispensable que cette oblation sensible se distingue réellement de l’immutation de la chose offerte ; il suffît qu’elle apparaisse impliquée dans le rite même de l’immolation ou de l’immutation. Mais, si elle est distincte de l’immolation, elle devra « consister en une certaine action apte à signifier une donation et une dédicace ou consécration. C’est le cas des sacrifices où l’immolation n’est pas le fait du prêtre : un acte spécial d’oblation à Dieu, accompli par le prêtre, sera alors nécessaire ; et cet acte d’oblation devra être nécessairement extérieur, sensible, rituel, liturgique : une parole ne suffira pas pour réaliser l’oblation, il faudra une action. » El. i, p. 9, 10 ; cf. el. ix, p. 110.

Enfin l’oblation sacrificielle doit porter, soit sur une victime qu’on immole, soit sur une victime précédemment immolée, soit sur une victime à immoler postérieurement. Oblation et immolation sont également requises pour conférer l’état de victime : Sacrificium ergo integratur proprie ex duobus : nimirum et aclu (exlerno) ofjerendi et immolatione, quippe quia victima vel cfjercdur immclanda, vel ofjcrctur immolatione, vel (fferatur immolata. Neque oblatio, neque immoledio, secundum se solam sumpta, su/Jicii ad statum victimæ conjerendum, sed requiritur utraque. El. i, p. 11.

L’acceptation divine et la communion de l’homme à la victime ne sont plus que des compléments accessoires à ces deux actes essentiels du sacrifice. Cf. un article du même auteur dans Gregorianum, mavs 1928.

b) Le sacrifice de la cène et de la croix. — C’est à dessein qu’on unit ici la cène et la croix. La passion et la mort du Christ furent un sacrifice véritable : c’est la thèse classique dont l’auteur ne s’écarte pas. Mais où trouver, dans le sacrifice du Calvaire, l’oblation rituelle essentielle au sacrifice ? Conformément aux principes généraux, il faut distinguer dans le sacrifice du Christ au Calvaire deux éléments, l’un visible, l’autre invisible. En mourant sur la croix, le Christ voulait se dédier lui-même et nous coi. sacrer avec lui au culte et à la louange de Dieu, détruire nos péchés et faire une juste réparation d’honneur à Dieu. Mais les sentiments intérieurs demai déni a être traduits à l’extérieur d’une manière coi i rète et sensible dans un acte extérieur, public qui les exprime. Cet élément visible comporte : d’abord une victime, qui es1 ici le Christ lui-même ; ensuite l’immolation de (elle victime, immolation ici réalisée par la passion et la morl du Sauveur : enfin l’oblation et l’oblation rituelle de la victime : oblcctio sacrificalis, non… qualiscumque, sed… involvens directiohem <i<>ui in Deum, et guidem, ut trdi*. manifestata externe. Ces deux derniers mots visent l’opinion de C.ajétan, In ///"", q, xi.vm,