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1217 MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : CONTROVERSES DU XVIII* SIÈCLE 1218

qu’il y ciït un sacrifice véritable, et une ofïrande réelle dans l’eucharistie : ut rclinqucret sacriftcium, corpus obtulit. et ut offerrent preecepit. C’est-à-dire que la présence réelle est le moyen employé par Jésus-Christ pour faire de l’eucharistie un sacrifice véritable, et par conséquent ce sacrifice est dépendant de la présence réelle, et la présence réelle est le fondement essentiel du sacrifice tel qu’il a été institué par J.-C, quoique l’idée du sacrifice, outre la présence réelle, renferme essentiellement une immolation non sanglante. C’est ce que le saint concile a fait encore entendre, lorsqu’il a déclaré que noire sacrifice doit sa qualité de propitiatoire à la présence réelle de Jésus-Christ, qui sur nos autels nous rend Dieu propice par l’offrande qu’il y fait de son corps et de son sang. Et parce que le même Jésus-Christ, dit le concile (ibid., c. h) qui s’est offert lui-même une /ois sur l’autel de la croix avec effusion de son sang, est contenu et immolé sans effusion de sang dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, le saint concile dit et déclare que ce sacrifice est véritablement propitiatoire. »

Il suffira de souligner ici deux pensées caractéristiques dans la déclaration des cardinaux, archevêques et évêques : 1° Il est de foi que le sacrifice de la messe comporte l’oblation d’une victime réellement présente ; 2° L’idée du sacrifice eucharistique renferme essentiellement une immolation non sanglante.

3° La controverse Plowden-Rivière. — Cinquante ans plus tard, ces déclarations serviront de point de départ à une vive controverse où sont aux prises des partisans du « sacrifice-oblation > et un défenseur convaincu du « sacrifice-immolation ». Un ecclésiastique d’origine anglaise mais d'éducation française, François Plowden († 1787), publia un Traité du sacrifice de Jésus-Christ, Paris, 1778, 3 vol. Il y enseigne que la réalité du sacrifice eucharistique consiste, non dans l’immolation, mais dans l’oblation faite à Dieu de la victime immolée, et que le sacrifice de la messe n’est que l’oblation de l’immolation faite autrefois, sur la croix. Ce livre suscita des divisions entre théologiens « appelants ». L’un d’eux, l’abbé Rivière, dit Pelvert, écrivit contre Plowden une Dissertation sur ta nature et l’essence du sacrifice de la messe, un vol., Paris, 1779. Divers écrits, au nombre de quatorze, furent publiés par les amis de Plowden contre Rivière. Celui-ci prépara en réponse une longue Défense de la dissertation sur la nature et l’essence du sacrifice de la messe, publiée en 3 vol. quelques mois après la mort de son auteur, Paris, 1781. Cf. Michaud, Biographie universelle, art. Plowden (François).

1. Exposé de la thèse de Plowden.

L’auteur accepte la définition de Rellarmin, mais remarque qu’elle fait difficulté « à l'égard de ce qui est dit de la destruction ou du changement de la chose offerte. » La réponse apportée par un grand nombre de théologiens, savoir que « par la double consécration il se fait une espèce de séparation du corps et du sang de J.-C, et par conséquent une sorte d’immolation ou de destruction, » ne paraît pas suffisante, car la « séparation n'étant pas réelle, mais en figure, le sacrifice ne serait que représentatif et non réel ». Et Plowden propose une explication « beaucoup plus simple :

Puisque… la messe est un même sacrifice avec celui de la croix, et n’en est que la continuation, il est inutile d’y chercher une immolation du corps sacré de J.-C. autre que celle qui s’est faite sur le Calvaire. Il y a eu une immolation sanglante dfe l’humanité sainte de J.-C. sur la croix ; et dans la messe il se fait une véritable oblation de cette même humanité qui a été immolée, et qui est réellement rendue présente dans cet état d’immolation, quoique d’une manière non sanglante, par les paroles de J.-C. que le prêtre prononce ; ce qui suffit pour conserver à la messe la qualité de sacrifice réel et véritable… Admettre une

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

autre immolation réelle que celle (du Calvaire), ce serait déprécier la valeur infinie du sacrifice unique qui nous a rachetés, et le réduire a la condition des anciennes victimes, dont l’immolation souvent renouvelée démontrait l’impuissance, selon saint Paul.

Il est vrai que des théologiens… admettent dans le sacrifice de la messe une espèce d’immolation appelée mystique ou mystérieuse, et qui consiste dans les paroles sacramentelles, qui, prononcées séparément sur le pain et sur le viii, pour les changer au corps et au sang de J.-C, auraient la vertu de les produire séparés, si cela était possible : mais comme cet effet est incompatible avec l'état d’un corps ressuscité, impassible et immortel, elles ne servent qu'à représenter cette séparation réelle, et a nous mettre sous les yeux, d’une manière sensible, et sous des signes de mort, le corps et le sang de J.-C. vivant ; à peu près de même que la réunion des deux espèces dans le calice, après la fraction de l’hostie, sert à représenter sa résurrection…

Cette immolation réelle et unique, qui ayant commencé dès le premier instant de son incarnation, a duré toute sa vie, et s’est terminée à la fin sur la croix par différents supplices et par la séparation réelle de l'âme et du corps de J.-C, subsiste perpétuellement dans le ciel et sur nos autels, par la persévérance des mêmes dispositions qui l’animaient dans chaque circonstance de ses souffrances et de sa mort, et dans l’oblation réelle et toujours subsistante qu’il en fait continuellement à la majesté divine ?

Puis, rappelant d’après l'Épître aux Hébreux, le sacrifice céleste de Jésus-Christ, Plowden ajoute :

I.e sacrifice que J.-C. offre dans le ciel est parfait, est le même que celui que nous offrons. Or il est certain que dans le ciel, où il ne peut se trouver ni ombre ni figure, le sacrifice ne peut consister que dans l’oblation que J.-C. continue de faire à Dieu de son immolation consommée sur la croix, et qui persévère éternellement dans les mêmes sentiments et les mêmes dispositions… C’est donc dans l’oblation que nous faisons de cette unique immolation que consiste essentiellement le sacrifice que nous offrons à Dieu sur nos autels. Mais… il a voulu attacher sa présence et l’oblation qu’il fait de lui-même entre les mains de son Église, aux paroles qui, prononcées par ses ministres séparément sur le pain et sur le viii, rendent son corps et son sang, son âme et sa divinité présents sous ces symboles, qui, étant séparés, paraissent sans vie… (Part. III, c. l v a. 4, p. 374-386.)

2. Les critiques faites par Rivière.

a) La thèse du sacrifice-oblation telle que la formule Plowden renferme, dit Rivière, une triple équivoque roulant sur les termes suivants : victime, immolation réelle, oblation.

a. Jésus-Christ ne saurait être, sur l’autel, en état de victime tel qu’il était au Calvaire : il faut donc, pour réaliser actuellement le sacrifice, que Jésus soit victime, à l’autel, d’une manière mystérieuse et sans effusion du sang :

Mais nos adversaires ne veulent point de cet état mystérieux de victime ; ils le regardent comme un être de raison. Lorsqu’ils disent que Jésus-Christ est victime sur l’autel, ces paroles ne signifient donc pas dans leur bouche que Jésus-Christ y soit en état de victime, mais seulement qu’il y conserve le nom, la qualité et la vertu d’ancienne victime ressuscitée, et qu’il y rappelle, par la séparation des espèces, l’idée de cet ancien état de victime sanglante : ou, si quelques-uns conviennent que Jésus-Christ même est en état de victime sur l’autel, ils n’entendent par ces mots qu’une simple disposition intérieure de son coeur…

b. L’autre équivoque… roule sur le terme réel.

(Les adversaires) trouvent mauvais que nous admettions une immolation réelle de Jésus Christ dans le sacrifice de la messe, et ils insinuent que, par cette immolation réelle, nous n’entendons ou ne pouvons entendre qu’une immolation sanglante ; ou que, si nous prétendons donner le nom de réelle à une immolation non sanglante, nous raisonnons comme des insensés…

De ce que l’immolation de la messe est représentative, s’ensuit-il qu’elle n’ait aucune réalité? Nos adversaires le pensent. Sont-ils en cela d’accord avec la doctrine de l'Église ? L’Immolation sanglante de Jésus-Christ sur la croix était une action réelle ; …une action réelle peut être

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