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MESSE, L’IMMOLATION VIRTUELLE : LESSIUS


dans un sacrifice' où la victime demeure sans changement. On pourra trouver plus ou moins heureuse la solution du sacrifice purement relatif, contenant la victime même du sacrifice absolu dont il est la représentation figurative ; on devra reconnaître cependant que cette solution répond à une préoccupation théologique très légitime.

2. Les disciples. — Nous citerons brièvement quelques noms, renvoyant pour plus de détails à l’ouvrage de M. Lepin : François Véron († 1649), dans sa Règle de la Foy catholique, Paris, 1(540 (éditée en latin dans le Cursus theologicus de Migne, t. i), c. ii, § 14 ; C. Roncaglia († 1737), Universel moralis theologia, Vienne, 1736, tract. XVIII, q. ii, c. i ; et, au xix" siècle, Perrone, B. de Welte, et, dans une certaine mesure, doni Souben.

a) Le P. Perrone, S. J. († 1876), après avoir rappelé la définition commune du sacrifice, reconnaît que cette définition ne plaît pas à tous les théologiens. Personnellement, il accepte volontiers la position de Vasquez et résume ainsi sa pensée : « Nous avons déclaré que l’eucharistie est un sacrifice relatif ou commémoratif. Or, deux éléments sont requis et suffisent pour constituer la raison formelle d’un tel sacrifice : la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, la représentation de la mort de Jésus-Christ, en témoignage de la toute-puissance de Dieu, maître de la vie et de la mort. Le premier point a été prouvé contre les sacramentaires et personne, parmi nos adversaires, ne peut révoquer en doute le second ; car tous les protestants non seulement concèdent, mais affirment eux-mêmes que la consécration sous un double symbole, pain et viii, faite séparément signifie la séparation réelle du corps et du sang qui s’est produite à la mort du Christ. De plus, cette représentation et, par conséquent, cette relation à l’immolation faite en la croix, étant intrinsèque à la consécration, la consécration possède intrinsèquement par elle la raison formelle d’un sacrifice véritable et propre. » Preelect. theologicss : de eucharistia, pars posterior, n. 244.

b) Dans le Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique, trad. par Gôschler, Paris, 1870, B. de Welte, († 1885) reprend la thèse de Vasquez. « La messe, dit-il, « n’est pas un sacrifice absolu, mais un sacrifice relatif, c’est-à-dire que dans chaque messe ce n’est pas un autre Christ qui est offert, un autre Christ qui est mis à mort et sacrifié à Dieu ; c’est le même Christ qui est immolé, c’est celui-là même qui s’est un jour olïert sur la croix ; le mode seul du sacrifice est différent, le sacrifice est le même… D’après l’opinion des meilleurs théologiens, la mulatio rei n’est exigée que dans le sacrifice absolu et non dans le sacrifice relatif, comme l’est celui de la messe. Du reste, l’immolation de la victime, mactatio victimse, est au moins symboliquement représentée par le changement du pain et du viii, par les doubles espèces et la double forme de la consécration. » Art. Messe, t. xv, p. 10, 15.

c) Dom Souben exposant les trois thèses de Vasquez, de Suarez et de De Lugo s’arrête avec complaisance sur la première, ne formulant à son endroit aucune critique et, au contraire, résumant les trois raisons pour lesquelles cette théorie lui semble acceptable : elle satisfait à la notion générale du sacrifice ; elle résout de la manière la plus satisfaisante le problème de la commémoraison de la passion du Sauveur ; et très naturellement elle explique ainsi pourquoi la consécration sous les deux espèces est de droit positif et sans dispense possible. Enfin, elle place l’essence du sacrifice eucharistique au moment et au seul moment où le prêtre humain cesse d'être l’interprète de l'Église et s’approprie les paroles du Sauveur. Nouvelle théologie dogmatique, t. vii, Les sacrements, I, Paris, 1907, p. 134-135.

Parmi de plus récents disciples de Vasquez, M. Lepin, p. 601-606, cite H. Lesêtre († 1914) dans son livre La foi catholique, Paris, 1911, c. xxiii, n. 3 ; le P. Lebreton, dans le Diction, apolog. de la foi catholique, art. Eucharistie, t. i, col. 1582-15X3 ; Gotzmann, Das eucharislisrhe Opfer nach der Lehre der àltern Scholastik (catalogué, à tort semble-t-il, par M. Lamiroy parmi les disciples de Suarez), Fribourg-en-B., 1901, p. 91 ; Schepens, S. J., Comment la messe est-elle un sacrifice ? dans la Nouvelle revue théologique, 1907, p. 491.

3. De la théorie vasquézienne, il faut rapprocher l’explication mise en relief récemment par Mgr Coghlan, De ss. eucharislia, Dublin, 1913, p. 466, et celle que propose le D r Adalbert Sanda, Synopsis théologies dogmatiese specialis, t. ii, Fribourg-en-B., 1922, § 294, n. 5 : « Le sacrifice sanglant de la croix est dit absolu, parce qu’il ne dépend d’aucun autre ; il possède en propre sa matière éloignée et prochaine ainsi que sa forme. L’acte d’oblation, que le Christ en croix posa lui-même, avait été immédiatement, précédé de l’immolation du corps du Christ, c’est-àdire des blessures dont la suite nécessaire et prochaine devait être la mort. Le sacrifice de la messe est dit relatif parce qu’il emprunte au sacrifice de la croix non seulement la victime, mais encore l’immolation, à laquelle il rapporte, d’une manière non sanglante, la victime aujourd’hui ressuscitée. Le Christ placé sous les espèces séparées devient à la messe l’expression objective de l’intention juridiquement inhérente à l’acte d’oblation, intention qui se propose de transférer au souverain domaine de Dieu le Christ lui-même, comme s’il était encore immolé sur la croix. Et cette intention appartient à l’acte sacerdotal par lequel le prêtre, énonçant la formule consécratoire, demande au nom du Christ la réalisation physique de la transsubstantiation et, partant, la réalise lui-même moralement. Elle n’appartient pas à l’acte divin qui réalise physiquement la transsubstantiation ; car l’action sacrificielle est faite, non pas par Dieu, mais par le prêtre. »

Sous ces formules contournées, l’auteur reconnaît reproduire la thèse de Vasquez, corrigée toutefois, schol. 1 : « L’idée vraie, sur laquelle insiste Vasquez, c’est que le sacrifice relatif ne requiert pas une nouvelle immolation de la victime. Il suffit d’une représentation de l’ancienne immolation, mais dans la victime actuellement présente. Nous ajoutons plus clairement (déclare M. Sanda) : Cette représentation a pour but d’introduire dans le Christ une relation réelle à l'état d’immolation réalisée à la croix. Et ainsi l’action sacrificielle du prêtre atteint le Christ en tant qu’immolé sur la croix et l’offre en signe du souverain domaine de Dieu sur la vie et la mort et en témoignage de notre soumission. »

2° Théorie dite de Lessius, et de nombreux thomistes : l’immolation virtuelle. — On reproche à la thèse de Vasquez de faire du sacrifice eucharistique une simple représentation du sacrifice de la croix. La messe ne renouvellerait pas, elle rappellerait simplement le sacrifice du Calvaire. De bons auteurs ont donc pensé que l’immolation requise pour le sacrifice de la messe devait s’expliquer différemment ; ils ont voulu trouver sur l’autel même une immolation véritable, quoique simplement virtuelle.

Les théologiens partisans de cette thèse de l’immo lation virtuelle se rattachent sans doute à ceux dont on vient d’exposer les sentiments ; toutefois ils s’en distinguent par le sens très particulier qu’ils donnent à l’efficacité propre des paroles de la consécration relativement à l’immolation du Christ dans l’eucharistie. L’idée générale du système est celle-ci : Autant qu’il est en leur pouvoir, ces paroles : ceci est mon corps, .