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MESSE, LE SACRIFICE REPRÉSENTATIF : VASQUEZ


mentelleniciit et mystiquement le sang d’avec le corps. C’est pourquoi le sacrifice requiert essentiellement la consécration sous les deux espèces. (Remarquons ici l’opinion de la nécessité de la double consécration.) Les autres actions, et surtout la communion, peuvent appartenir à l’essence du sacrifice subsidiairenient ou indirectement, de connotato et in obliquo, ou tout au moins à l’intégrité du sacrifice, parce que cette participation et communion à la victime est voulue comme une conséquence du sacrifice eucharistique, i Et quelle est la raison formelle du sacrifice dans la consécration ? Et pourquoi la consécration seule appartient-elle à l’essence du sacrifice ? C’est : « parce que ce sacrifice est le même que le sacrifice de la croix, seule la manière de l’offrir est différente, comme l’enseigne le concile de Trente. Il faut donc que ce sacrifice soit accompli par le prêtre tenant la place de la personne même du Christ, de telle sorte que le Christ soit le prêtre principal, et que les prêtres soient simplement ses ministres et ses causes instrumentales. Donc, cette action constituera le sacrifice, dans laquelle se rencontreront les deux conditions suivantes : tout d’abord, cette action devra d’une façon parfaite et expresse représenter l’effusion du sang du Christ, effusion sanglante sur la croix, sacramentelle et mystique dans la séparation sacramentelle ; ensuite, elle devra essentiellement être faite au nom du Christ. Or, ces conditions ne sont réalisées dans aucune autre action que dans la consécration, considérée comme on a dit… »

II. THÉORIES particulières.

1° Théorie dite de Vasque ::La consécration représentative de l’immolation réelle du Calvaire et sacrifice relatif. — 1. Vasquez, S. J. († 1004), est bien dans la ligne doctrinale qu’on vient de tracer.

S’il accepte la définition des recentiores (c’est-à-dire Bellarmin et Suarez), son originalité consiste d’abord à déclarer nettement que cette définition ne saurait être appliquée au sacrifice eucharistique. Dans l’eucharistie, en effet, aucune immutation réelle. La communion n’est ni de l’essence, ni partie essentielle ou même intégrale du sacrifice. Nous n’avons pas à suivre ici Vasqnez dans sa polémique, souvent fort juste, contre les thèses adverses : retenons qu’après avoir critiqué Suarez (lequel, dans sa définition du sacrifice, accueille l’idée d’une immutation réelle et, sui non memor, dans l’explication du sacrifice de la messe, déclare que cette immutation n’est nullement requise), Yasquez maintient que l' immutation ou même la destruction réelle est requise dans tout sacrifice, en tant que le sacrifice a pour but de signifier la toutepuissance de Dieu, auteur de la vie et de la mort, arbitre souverain de l’existence ou de la non-existence des êtres. In Ill* m part. Sum. S. Thomse, Lyon, 1631, disp. CCXX, c. ii, n. 15 ; c. iii, n. 18-24. Bien plus, le sacrifice matériellement considéré consiste, non dans l’offrande de la matière soumise à l’immutation, mais dans Yacte même de l’immutation ; formellement, le sacrifice ne sera que la marque de notre reconnaissance du souverain domaine de Dieu donnée par l’immutation de la chose offerte, nota existens in rc qua pro/ilemur Deum auctorcm vitæ et mords. Ibid., n. 25.

Et cependant, comme ses devanciers, Vasquez confesse que le sacrifice eucharistique fait exception au principe de l’immutation réelle ; à la messe, le Christ demeure inchangé. Pourquoi cette exception ? C’est ici que Vasquez apporte une explication nouvelle qui fait l’originalité de sa thèse. Il distingue deux sortes de sacrifices : i le sacrifice absolu, qui n’est pas commémoratif d’un autre, et le sacrifice relatif ou commémoratif, dont le seul exemple que nous ayons est, d’ail. leurs, le sacrifice de l’autel. Et, bien qu’en ce sacrilice

ne se produise aucune immutation de la chose offerte, on y trouve cependant la signification essentielle au sacrifice, la marque, le signe, nota existais in re, de notre reconnaissance de la toute-puissance divine, tout comme dans le sacrilice absolu, et ainsi au sacrilice relatif convient formellement le caractère sacrificiel, aussi bien qu’au sacrifice sanglant et absolu. » Ibid.. n. 26.

Ce n’est pas tout. Au c. viii, n. 66, Vasquez fait une remarque capitale : « II faut observer, dit-il, que dans le sacrifice commémoratif qui est appelé en toute vérité et propriété sacrifice, il ne serait pas suffisant de trouver un simple signe de la mort d’une victime, si ce signe ne contenait pas réellement la victime même dont est représentée la mort. Sans la présence de cette victime, il ne serait pas possible d’affirmer que, sous la représentation de sa mort, elle est offerte en sacrifice, ni que le sacrifice commémoratif est un vrai sacrifice ; il faudrait plutôt y voir un simple signe, une simple représentation du sacrifice. Il faut donc que la victime, dont est représentée la mort, soit elle-même le signe de sa mort. Par exemple s’il fallait tenir pour vraie la doctrine hérétique qui nie la présence réelle du corps et du sang du Christ sous les espèces du pain et du viii, et si la substance du pain et du vin existait encore après la consécration, la messe pourrait bien représenter la mort du Christ, mais on ne saurait affirmer que le Christ y est offert réellement en sacrifice. Tout ce qu’on pourrait dire, c’est qu’il y est offert d’une manière figurative, et que son immolation comme sa mort y sont simplement en image ou représentation. » Disp. CCXXÎI, c. viii, n. 66. « Lors donc que nous disons que la raison formelle du sacrifice exige l’immutation de la chose offerte, il faut comprendre que cette chose est affectée d’une immutation, sinon dans le sacrifice relatif, du moins dans le sacrifice absolu. Dans le sacrifice relatif, en effet, il suffit de commémorer l’immutation survenue autrefois dans la chose offerte, de façon que ce mémorial marque vraiment la toute-puissance de Dieu sur la vie comme sur la mort. En ce qui concerne l’eucharistie, il suffira donc de commémorer la passion et la mort du Sauveur, vraiment et réellement présent sur l’autel, pour qu’il y ait véritablement immolation et sacrifice. » Ibid., n. 67.

En fonction de cette théorie, Vasquez place l’essence du sacrifice « dans la seule consécration et de telle sorte qu’aucune autre action n’appartienne même à son intégrité ». C. v, n. 30. La consécration seule constitue l’essence du sacrifice, « en tant que par elle se trouve réalisée sur l’autel, par le corps et le sang du Christ consacrés, une représentation du sacrifice sanglant jadis offert sur la croix ». C. vii, n. 57. Suit l’explication traditionnelle, que nous connaissons déjà, avec l’accent mis sur la représentation de la mort du Calvaire par la séparation sacramentelle du corps et du sang. Disp. CCXXIII, c. iv, n. 37 ; cf. disp. CCXXII, c. ix. n. 97. Et ici Vasquez esquisse une explication que nous retrouverons poussée plus avant chez les partisans de l’immolation virtuelle : les paroles de la consécration sont la cause elficiente de la séparation figurative et du sacrifice ; elles jouent le rôle du glaive qui met à mort la victime. I)isp. CCXX 1 1. c. ix, n. 42. A ce compte, le sacrifice n’existe que si la consécration sous les deux espèces est réalisée. C. v, n. 30.

On le voit, deux parts sont à faire dans la théorie vasquézienne ; dans l’une, l’auteur ne fait que recueillir les éléments traditionnels de la représentation du sacrilice sanglant de la croix par la séparation sacramentelle du corps et du sang ; dans l’autre, il introduit des éléments nouveaux en vue de résoudre la difficulté posée par l'élément sacrificiel de l’immutation