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1135 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, LE DÉCRET : TENEUR DOGMATIQUE 1130

d’hostie, d’immolation et d’oblation. Mais ces termes, que leur alternance a d’ailleurs tout l’air de rendre synonymes ou du moins équivalents, n’y prennent nulle part une précision technique et ne veulent exprimer que l’idée générale de sacrifice. Le fait est bien reconnu par F. Kattenbusch, art. Messe, dans Prolesl. Realencyclopàdie, t.xii, p. 690. Aucune école n’a donc le droit de s’en prévaloir exclusivement. « Cette description [du sacrifice de la messe] est faite des éléments que la tradition et la spéculation théologique ont le plus constamment reconnus comme constitutifs de ce sacrifice. » Et si l’on demande « ce qui fait la vérité de ce sacrifice », le concile s’en tient à des données communes aussi incontestables qu’incontestées. « .C’est d’abord la présence réelle du Christ, prêtre et victime sur l’autel eucharistique comme sur la croix. C’est ensuite son oblation, faite actuellement à Dieu le Père par les prêtres, et par lui-même en la personne des prêtres, lesquels sont à la fois les ministres de l'Église et les siens. C’est enfin son immolation, également actuelle, mais… immolation « non sanglante », donc simple figure, rappelant l’immolation réelle qui a été restreinte à la croix. Qu’est-ce à dire ? sinon que le sacrifice de la messe est essentiellement dans l’oblation qui se fait du Christ, rendu présent dans l’eucharistie par la consécration, avec commémoraison sensible de l’immolation sanglante du Calvaire. » Lepin, p. 330-331.

Sur la nature du sacrifice de la messe, le concile de Trente ne dépasse pas, en somme, les lignes fondamentales dudogme catholique. Elles dominent encore aujourd’hui, et sans doute faudrait-il ajouter qu’elles jugent les systèmes qui s’efforcent de l’interpréter.

4. Valeur du sacrifice eucharistique.

Il reste maintenant à suivre la doctrine conciliaire sur la valeur de la messe, dont les explications précédentes n’avaient pour but que d’indiquer la raison. Elle se résume en un seul mot : c’est que le sacrifice eucharistique est « vraiment propitiatoire ».

D’après nos concepts habituels, on aurait pu croire cette précision superflue : qui dit sacrifice ne dit-il pas en même temps propitiation ? Le concile ne s’est pas arrêté à ces considérations de pure théorie. Car il avait devant les yeux les protestants, qui acceptaient assez volontiers, à l’exemple de Luther, d’appliquer à la messe le terme de sacrifice, mais au sens large d’action de grâces ou de mémorial du sacrifice de la croix, réservant à ce dernier la note caractéristique de propitiation. La première partie du canon 3 vise nommément ces erreurs :

Si quis dixerit miss ; c sacrificium tantum esse laudis et gratiarum actionis, aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium, … A. S.

Denzinger - Bannwart, n. n. 9, ">0 ; Cavallera, n. 1096.

Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe est seulement [un sacrifice] de louange et d’action de grâces ou une simple commémoraison du sacrifice accompli sur la croix, et non pas [un sacrifice] propitiatoire, … qu’il soit anathème.

Bien entendu, il n’est pas question de refuser à la messe ces finalités secondaires ; mais l'Église tient qu’on ne doit pas s’en contenter et que, précisément parce que la messe est le sacrifice même de la croix renouvelé d’une manière non sanglante, elle possède le même efficacité propitiatoire que celui-ci. « C’est sans doute à dessein que le terme de propitiation a été choisi, de préférence à celui d’expiation. Qui dit « expiation » paraît évoquer l’idée de souffrance et d’immolation actuelle. L’effet de propitiation peut, au contraire, plus facilement s’entendre d’un sacrifice qui, par sa valeur propre et par le simple rappel d’une immolation expiatrice déjà réalisée, est apte à plaire à Dieu et à le rendre propice. » Lepin, p. 328.

Toujours est-il que ce terme a paru mériter quelque explication.

C’est l’objet de la partie centrale du c. ii, que nous avons dû réserver pour en suivre d’abord la doctrine générale sur la notion du sacrifice eucharistique.

… Docet sancta synodus … Le saint concile enseigne

sacrificium istud vere propique ce sacrifice [de la messe]

tiatorium esse per ipsumque est vraiment propitiatoire et

lieri ut, si cum vero corde et que par lui il se lait que, si

recta lide, cum metu et rêveavec un cœur sincère et une

rentia, contriti ac prcnitentes foi droite, avec crainte et res ad Deum accedamus, misepect, contrits et pénitents,

ricordiam consequamur et nous nous approchons de

gratiam inveniamus in auxiDieu, nous obtenons miséri lio opportuno. Hujus quippe corde et recevons le secours

oblatione placatus Dominus, de la grâce en temps oppor gratiam et donum psenitentun. Car, apaisé par cette

tise concedens, crimina et oblation, le Seigneur, en nous

peccata etiam ingentia diaccordant la grâce et le don

mittit. de la pénitence, nous remet

Denzinger - Bannwart, n. nos crimes et nos péchés,

n. 940 ; Cavallera, n. 1088. même les plus grands.

On voit ici dans quelles conditions s’exerce la valeur propitiatoire de la messe. Il en est de subjectives : le concile tient à marquer, que loin d'être en quelque sorte automatique, elle réclame nos bonnes dispositions morales et religieuses. Mais il a soin d’en préciser aussi les conditions objectives : la messe peut bien aboutir à la rémission des péchés, fussent-ils les plus graves — ce qui n’est pas autre chose qu’une explicitation détaillée de sa valeur expiatoire — mais par un intermédiaire, savoir « la grâce et le don de la pénitence ». Cette incise, qui manquait encore dans le texte du 5 septembre, y fut introduite au dernier moment. Elle a pour but de sauvegarder l'économie normale de la justification, par rapport à laquelle la messe ne peut intervenir, un peu comme la prière, qu'à titre de cause éloignée.

Ce disant, d’après Ad. Harnack, Dogmengeschichtc, t. iii, 4e édit., p. 704, le concile n’aurait fait au sacrifice de la messe qu’une « place très modeste », pour ne pas. compromettre le rôle prépondérant du baptême et de la pénitence qu’il ne pouvait abandonner. En effet, ces deux sacrements sont les seuls moyens de pardon dont l'Église dispose et jamais l’idée ne lui est venue que la messe pût leur faire concurrence. Il ne s’agit pas là de réduire celle-ci à un rang effacé, comme en désespoir de cause, mais de consacrer le seul que la foi chrétienne puisse et veuille lui reconnaître.

Encore est-il que la doctrine conciliaire, au jugement du même auteur, ibid., p. 704-705, serait contradictoire, puisque la messe, qui, d’après le c. i, a pour but « la rémission des péchés quotidiens », est ici donnée comme un sacrifice propitiatoire qui peut effacer même les crimina et peccata ingentia. La contradiction apparaît imaginaire si l’on prend garde que le c. i a pour but de justifier l’institution du sacrifice eucharistique comme continuation de celui de la croix. Seul celui-ci est proprement rédempteur : la messe ne fait qu’en appliquer les fruits à la rémission des fautes dont la croix nous a mérité le pardon. Dire que ces fautes sont « quotidiennes » n’est pas laisser entendre qu’elles sont nécessairement légères, mais bien qu’elles se reproduisent fréquemment malgré la grâce initiale de la rédemption. Grandes ou petites, le c. n précise que la messe peut contribuer à nous en obtenir la rémission par les grâces actuelles dont elle est la source.

Même ainsi entendue, cette valeur propitiatoire du sacrifice eucharistique pourrait avoir l’air de porter atteinte à la valeur absolue du sacrifice de la croix. C'était du moins l’accusation des protestants : le concile l'écarté d’un seul mot rapide, en rappelant