Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/562

Cette page n’a pas encore été corrigée

1 109

MF.SSE, AFFIRMATIONS CATHOLIQUES EN FACE DE LA RÉFORME 1110

opus in quo, juxla mandatum Christi, peragitur meinoriu passionis sum.

L’idée précise du sacrifice de la messe doit naturellement prendre une nuance différente, suivant qu’est davantage mis en relief l’un ou l’autre de ces éléments de valeur.

3. Essence du sacrifice de la messe.

Sans être systématiquement débattue comme elle le sera plus tard, la question de l’essence du sacrifice eucharistique devait surgir devant l’esprit de nos théologiens. Il est intéressant de voir dans quel sens commencent à s’orienter les premiers essais de réponse. « La tendance plus commune jusqu’ici a été de chercher l’essence du sacrifice de la messe dans l’oblation proprement dite. C’est cette tendance que paraît suivre l’ensemble des théologiens », à l'époque où nous sommes. Lepin, p. 266. Aucun peut-être n’exprime cette identité des deux concepts d’offrande et de sacrifice avec plus d'énergie que J. Clichtoue, Antiluiherus, ii, 13, fol. 79 r° : Oblatio partis et vini nonne sacrifieatio est ? Et oflerre idemne désignât quod sacrificare '.'

Dans cette oblation eucharistique, quelques-uns semblent mettre au premier plan l’acte de l'Église qui par là s’approprie l’oblation permanente du Christ. Ainsi Jean Eck, Enchir., loc. xvii, p. 195 : Sacerdos in persona Ecclesim présentât Deo Patri oblationem fætam per Eilium in ara crucis et oblatum ipsum. Voir de même Yillegaignon, De ven. Eccl. sacr., p. 10 : Recens non ofjerimus sed oblatum adhibemus, et, mieux encore, Jean Gropper, Antididagma, Cologne, 1544, fol. 63 v° : Ecclesia Christum… Deo Patri… proponit seu représentât. Cf. ibid., fol. 70 r° : … Ecclesia ofjerens per temporalem sacerdotem minislrum suum.

Mais d’autres pensent plutôt à l’offrande personnelle que le Christ réitère par les mains de l'Église. Ainsi A. de Castro, Adv. hier., art. Missa, fol. 292 v° : Christus autem est qui principaliler tune per sacerdotes et per Ecclesium se Deo Patri offert. R. Tapper glisse de l’un à l’autre point de vue. Après avoir délini la messe, Explic. art., xvi, dans Opéra, t. ii, p. 247 : prsesentatio realis et substantialis ejusdem eorporis quod pro no bis in mortem tradidit (cf. ibid., p. 279 : i psi us oblatio per nos facta), il précise en ces termes sa pensée : Sicut enim [Christus]… perpetuo se vultui Patris præsenlat…, ita et nos corpus et sanguinem ejus Patri prsesentamus ; imo et ipse Christus per nostrum minislerium se offert et præsentat. Pour les uns et les autres, c’est la présence réelle qui est ici le fait décisif. Christus nobis in specie panis et vini datus Deoque præsenlalus særificium appellatur. Driedo, De capl. et red. gen. hum., c. ii, a. 5, dans Opéra, t. ii, fol. 49 v.

Beaucoup, la plupart peut-être, s’en tiennent à ce concept d’offrande. Un certain nombre cependant estiment que cette présentation par l'Église doit aussi comprendre une « représentation » du sacrifice de la croix. Reprxsenlatio est [missa ], inquam, ac imitatio dominiez passionis, écrit Nicolas Ferber, Conf. luther. danici, iii, 19, Quaracchi, 1902, p. 206. Et de même Jean Viguier, Insl., xvi, 3, Lyon, 1571, p. 359 : Dicitur særificium ralione præterili, in quantum scilicel est reprœsentativum dominicie passionis.

Ce qui conduit à insister sur la séparation des espèces comme symbole de la mort sanglante du Christ. Ainsi Cajétan, qui voit dans cette circonstance le status immolalitius qu’il juge indispensable à la notion du sacrifice eucharistique, De missæ sacrif., c. vi, dans Opuscula, t. iii, p. 428 r° : Immolandi modus… incruentus, ulpote sub specie panis et vini oblatum in cruce Christum immolatitio modo représentons. Ruard Tapper retient également cette donnée, Expl. art., xvi : Reipsa mors Domini reprœsentatur ex

significatione sanguinis a corpore séparait..Mais il veut, en plus, conformément à sa théorie générale du sacrifice, que le Christ y soit affecté d’une certaine modification, qu’il lui est, du reste, assez, difficile de déterminer : lu sacra eucharistia non solum panis et vinum tanquam veruni særificium transeunt in corpus cl sanguinem Christi. sed et Christus accipit ibi novum esse sacramentale quale in cselis nonhabet. Ibid., p. 253.

A propos des précisions introduites par Cajétan, M. Lepin remarque, p. 265 : « Cette façon de concevoir les choses apparaît nouvelle. » De même, celles de R. Tapper lui semblent manquées et surtout contraires à la pensée de saint Thomas dont elles prétendent se réclamer. Ibid., p. 290-291. C’est dire, en tout cas, que des besoins spéculatifs commencent à se faire sentir, que le passé ne connaissait pas au même degré. Tandis que les formules traditionnelles suffisent encore à la plupart des théologiens catholiques pour combattre la Réforme, l’histoire doit retenir comme un signe des temps que quelques-uns entreprennent déjà de les dépasser et par là, quelle que soit la réussite de leur effort doctrinal, préludent aux systèmes que la théologie postérieure au concile de Trente verra se développer.

4. Moment du sacrifice de la messe.

Des divers rites qui entrent dans la liturgie de la messe, on a voulu déterminer celui qui lui donne proprement son caractère sacrificiel. Cette question, toujours un peu flottante, commence à bénéficier des progrès réalisés par la théologie de notre époque dans l’analyse même du sacrifice eucharistique.

L’insistance sur l’immolation commémorative du Christ conduit à mettre en-relief l’acte de la consécration. Non qu’on n’y trouve encore des archaïsants. « Les controversistes, écrit M. Lepin, p. 261, n’ont pas complètement rompu avec la tradition plus ancienne qui plaçait cette immolation, soit dans les cérémonies qui ont lieu au cours du canon, soit surtout dans la fraction de l’hostie ou la communion. Cependant plus généralement les théologiens se rangent à l’opinion qui semble avoir prévalu depuis saint Thomas. Ils mettent en avant le fait qu'à la suite de. la double consécration le corps et le sang du Christ apparaissent comme séparés. » Cette position est particulièrement ferme chez ceux qui s’attachent de préférence, à chercher dans la messe une reprœsentatio symbolique. Ainsi Cajétan, De erroribus, c. ix, dans Opuscula, t. ii, p. 213 v° : Significutur Christi mors hoc sacrificio, non solum quia verba consecrationis illam explicant…, sed etiam quia sanguis seorsum a corpore consecratur.

D’autre part, ceux qui aiment plutôt voir dans la messe un acte d’offrande la trouvent parfois réalisée au moment de la consécration. Tel est le sentiment de J. Clichtoue, qui l’appuie sur le souvenir de l’ancienne liturgie, où se conservait encore la simplicité de la cène, Antiluiherus, ii, 13, fol. 79 v° : Ipsius igitur sacrificationis subslanlia et inlegrilas lum subsistebat in consecratione sacrosanctai eucharislix per verba consecratoria ad imitationem nostri Salvaloris facta. « La plupart des autres controversistes, d’après Lepin, p. 272, établissent, au contraire, une distinction formelle entre l’acte d’oblation, constitutif du sacrifice de la messe, et la consécration. » Il semble qu’ils se soient crus liés à cet égard par les suggestions de la liturgie. Ainsi A. de Castro, Adv. haïr., art. Missa, dans Opéra, fol. 285 v°-286 r" : Sacerdos, post consecrationem eucharistiw. nomine suo et totius Ecclesiie offert illam Deo, sic dicens : Ofjerimus… Al sola consecralio sine oblatione et manducatione særificium dici non débet. De même Ruard Tapper, Explie. art., xvi, dans Opéra, t. ii, p. 218 : Missie namque oblatio post consecrationcm est Filii et mortis ejus apud Palrcin rememoratio et repnesentalio.