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1081 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, A LA VEILLE DE LA RÉFORME 1082

et des prières de la messe en vue de la représentation à l’autel du mystère de notre rédemption. Ibid.

CONCLUSION GÉSÉRALE : L’IDÉE CATHOLIQUE DE LA MESSE A LA VEILLE DE LA RÉFORME. Il est

intéressant de noter ici les principaux traits de l’idée vivante de la messe dans la conscience et la pratique de l'Église à la veille de l’hérésie protestante.

L’article cité d’Altenstaig. comme résumé des théologiens contemporains et particulièrement de Biel, peut y aider et par son silence sur certains points et par ses développements sur certains autres.

Vérité du sacrifice eucharistique.

Il n’y a point

alors pour le théologien et le fidèle catholique de question à résoudre touchant la vérité du sacrifice eucharistique. Cette vérité va de soi : elle est une donnée traditionnelle qu’on ne discute pas. C’est le critérium à la lumière duquel les théologiens ont tour à tour combattu, au xie siècle, les néomanichéens d’Orléans et d’Arras, au xiie, les partisans de Pierre de Bruys, au xiii c, ceux qui rejettent le caractère sacrificiel de la messe en alléguant le témoignage de l'Évangile où, disent-ils, il est question de « cène » et non de « sacrifice ». Malgré la survivance dans certains milieux hérétiques des tendances vaudoises, l'Église vit en possession tranquille de sa croyance, quinze fois séculaire, à la vérité du sacrifice eucharistique. Le dernier des scolastiques, Biel, le maître de Luther, parle dans son Explicatio misses de cette vérité sur le même ton irénique que saint Thomas.

Xalure du sacrifice eucharistique.

Pas plus que

la vérité sacrificielle de la messe, la définition, l’essence du sacrifice eucharistique ne fait l’objet des préoccupations théologiques de l'époque. Altenstaig consacre toute une page à recueillir les définitions étymologiques de la messe, pas une ligne à la recherche d’une définition réelle qui essaie de préciser dans une formule les traits essentiels du sacrifice de l’autel. La question d’essence n’est pas posée.

Ce qui s’affirme nettement dans la théologie de l'époque, c’est une tendance commune à envisager de plus en plus, conformément à la tradition, la messe comme une oblalion. Ce qui caractérise la célébration de l’eucharistie comme un sacrifice, ce qui en fait la valeur particulière aux yeux de saint Thomas, de Duns Scot et de Biel, c’est l’oblation. A cette oblation eucharistique contribuent de nombreux agents divins angéliques et humains, mais de façon différente. Gerson le rappelle : Est una oblatio et plures offerunt. Offert Filius, offert Spiritus Sanctus, ofjerunt angeli, offerunt sacerdoles, offerunt fidèles assistentes. Tract., ix, in Magnificat.

Jésus demeure le grand prêtre de cette oblation. C’est la vérité traditionnelle reconnue de tous..Mais il n’offre point à l’autel comme il offrit à la cène et au Calvaire. Alors il s’offrait lui-même, seul, en une immolation sanglante rédemptrice. Aujourd’hui, il offre, mais il n’offre que par notre entremise.

La messe est essentiellement le sacrifice de l'Église, l’affaire de l’Eglise ». M. de la Taille, Esquisse, p. 22. « Seule, elle interpose une oblation nouvelle, bien que subordonnée à l’unique oblation du Christ, prêtre principal dont elle tire sa vertu. La messe est dès lors, en ce qu’elle apporte de nouveau, une démarche des hommes vers Dieu, mais non plus le propre et actuel mouvement du Christ vers son Père. » Ibid. Selon une doctrine traditionnelle, magistralement exposée déjà par saint Augustin, reprise bien des fois par des disciples comme Alcuin, Amalaire, Alger de Liège, systématisée par Pierre Lombard et saint Thomas, mise en un relief plus puissant encore par Scot et Biel, la messe apparaît de plus en plus nettement, à la veille de la Béforme, comme l’oblation faite par l'Église, sur l’ordre et dans la puissance du Christ de la victime

jadis immolée au Calvaire, offerte de nouveau sur l’autel en union avec tous les membres du corps mystique, en vue de commémorer en la représentant l’unique immolation réelle rédemptrice de la croix, pour nous en appliquer les fruits, nous rendre ainsi Dieu propice et nous unir à Lui.

Dans cette perspective, il n’est point question de rechercher comment le Christ devient victime à l’autel. C’est un problème inexistant, sans signification aucune pour l’esprit des théologiens antérieurs à la Réforme que celui-ci : « Étant donné que la messe est un sacrifice, et qu’il n’y a pas de vrai sacrifice sans une vraie victime, dire ce qui est fait au Christ dans la messe pour le mettre en état de victime. Problème qui n’apparaît nulle part avant le milieu du xvie siècle et pour cause : le Christ n'était pas à mettre en état de victime ; il y est à perpétuité de par son sacrifice unique, consommé par la gloire. » De la Taille, Esquisse, p. 18. La réalité du sacrifice eucharistique n’est nullement liée à la réalité d’une immolation du Christ à l’autel : il n’y a qu’une immolation effective, celle du Calvaire. La messe est un sacrifice, parce qu’elle est une oblalion ; elle est un sacrifice identique à celui du Calvaire, parce qu'à l’autel l'Église s’approprie la victime elle-même du Calvaire, pour l’offrir en représentant son immolation passée.

C’est aussi un problème inexistant pour nos théologiens que celui qui consisterait à concilier l’unité de l’oblation rédemptrice toute suffisante faite par le Christ au Calvaire, avec une multiplicité d’oblations qui répéteraient indéfiniment le geste oblateur du Calvaire par une intervention personnelle actuelle, immédiate du Sauveur, et. qui devraient, par le fait, avoir la valeur surabondante de la passion. La question pour eux ne se posait point ainsi. Ils enseignent unanimement, selon l’affirmation de l’Epître aux Hébreux, l’unité de l’oblation rédemptrice, en tant qu’elle est émanée jadis immédiatement de l'âme du Christ. Cette unique oblation en tant que telle n’est point renouvelée par le Sauveur à l’autel. Elle est renouvelée par l'Église son corps mystique. Par la multiplicité de ses oblations subordonnées à l’unique oblation du Christ, l'Église sur l’ordre et dans la puissance du Christ, prêtre éternel, s’approprie activement la victime du Calvaire pour l’offrir et s’appliquer les fruits surabondants de sa rédemption. La messe est essentiellement l’acte sacerdotal, dépendant, subordonné sans doute, mais effectif de l'Église, corps mystique du Christ.

Les théologiens du xiv 5 et xv° siècle, en mettant en un si puissant relief le caractère ecclésiastique du sacrifice eucharistique, ont été certes des disciples très fidèles de l’ancienne tradition, telle que nous la trouvons exposée chez Irénée et Augustin. Ont-ils fait droit cependant aux affirmations d’un Ambroise, d’un Paschase et d’un Ilintmar, dans lesquelles ces auteurs nous montrent le Christ s’ofîrant lui-même à la messe, continuant à présenter au ciel l’oblation de son humanité? On doit reconnaître que cet aspect de la vérité reste en dehors de leur vue directe. Mais leur doctrine ne l’exclut point. fin reproduisant, à l’occasion, la doctrine traditionnelle sur le Christ, prêtre éternel, et sur les prêtres humains, vicaires du Christ à l’autel, des auteurs, comme Biel, Altenstaig, reconnaissent équivalemment que le Christ « s’offre » à l’autel, en tant du moins qu’il offre par notre entremise, « notre oblation s’exerçant en vertu de la sienne, en vertu de cette unique oblation, émanée jadis du Christ, mais toujours opérante comme une cause universelle à l'égard de loules les oblations particulières et subordonnées, qui l'étendent dans le temps et dans l’espace, à l’universalité de l'Église ». De la Taille, op. cit., p. 19. Telle est bien, semble-t-il, le sens de la doctrine tradi-