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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA THÉOLOGIE NOMINALISTE


l hèque d'Élat de Munich, fol. 60, 61, et Franz, Die Messe…, p. 304-307.

b. Dépréciation de la valeur de la messe. — a) Tendances à mésestimer la messe. — A la tendance qui portait le peuple à exagérer la valeur ex opère operato de la messe et à oublier sa valeur ex opère operanlis, s’opposait, dans certaines âmes qui s’apparentaient plus ou moins aux anciennes sectes vaudoises, la tendance à méconnaître cette valeur ex opère operato, et à ne tenir compte que de la valeur ex opère operanlis du sacrifice eucharistique.

Dans ces milieux vaudois répandus en Italie, en France et en Allemagne, on rejetait comme inutiles certaines cérémonies de 'a messe, ainsi que l’usage des vêtements sacerdotaux et on contestait la valeur de la messe pour les défunts. Voir Huck, Dogmen historischer Beitrag zur Geschichle der Wahhnser, 1897.. p. 48, et Dollinger, Beitràge zur S^ctengesch., t. ii, p. 310, n. 79 et 80 : Item omnia verba sacra missæ dicunt et credunt esse superflua et nihil ad missæ officium pertinere exceplis solis verbis consecrationis et Pater noster. Item dicunt et credunt presbyteros célébrantes loties peccare quoties dicunt et exprimunt nornina sanctorum in Missa ; p. 313 : Item dicunt omnia verba missæ et omnia paramenta ad missam spectantia esse de errore prseter verba consecrationis ; p. 307 : Item dicunt et credunt vigilias, missas et orationes ecclesiasticas et quælibetalia sufjragia Ecclesiæ pro defunctis facta nullius esse roboris ; p. 298 : Dicunt ctiam quod licet malus sacerdos non confteiat propicr peccata sua, lamen in ore ipsius hæretici recipientis convertitur in carnem Christi propter mérita sua. Voir VExplicatio missæ du ms. lat. 377 (1366) de Munich, cité dans Franz, ibidem, p. 310

On trouve des opinions de ce genre reprochées à Jean de Wesel, en 1479, dans un jugement de l’inquisition de Mayence. « Le Christ, disait-il, n’a pas parlé de sanctifier des fêtes ; il n’a donné d’autres prières que l’oraison dominicale… Mais la messe s’est bien alourdie dans la chrétienté. Saint Pierre célébrait la messe en consacrant après récitation du Pater et en se communiant lui-même et les autres, et tout était expédié. Aujourd’hui il faut qu’un prêtre vous reste debout, au froid, une heure et plus, à se ruiner la santé. » Ortvinus Gratius, Fasciculus rerum expetendarum ac jugiendarum, Cologne, 1535, fol. 163 Dans ces propositions l’auteur incriminé n’attaque pas directement la doctrine ecclésiastique de la messe ; il se contente d’exalter d’une façon exagérée ce qu’il croit avoir été la messe apostolique. Il est comme un dernier écho de l’opinion depuis longtemps critiquée d’Amalaire sur la messe primitive.

Plus scabreuses sont les opinions du théologien Wessel Harmenss Gansfort, voir Wesselii opéra, Groningue, 1614, p. 818, 819. Il part d’un principe excellent : La messe doit être pour ceux qui y assistent une commémoraison du sacrifice du Calvaire dans la contemplation de la passion. Mais il en tire des conséquences exagérées : obligation, sous peine de péché, de ne faire aucune autre prière que celles qui rappellent la passion. Ibid., De sacramento Eucharistiæ et audienda missa. p. 658.

Autre conséquence : la valeur de la messe se mesure au degré d’union de l’assistant avec la passion du Sauveur. Ce n’est point de l’honoraire donné, de l’intention du célébrant que dépend cette valeur, elle tient au degré de compassion de l’assistant : Hab « t enim missa unicuique quantum spirita’iter immutatur et proficit, non quantum dîsiderat qui célébrât. Ibid., p. 818. Wessel attaque l’opinion reçue, d’après laquelle une messe a moins de valeur lorsqu’elle est offerte pour plusieurs au lieu de l'être pour une seule personne. Le rayonnement du soleil de la passion

est aussi puissant, quel que soit le nombre de ceux qui s’y réchauffent. Dans cette pespective, la messe ne servira aux ûmes du purgatoire que dans la mesure de leur compassion en vertu du principe : Missa nihil prodest nisi compatienti. Ces âmes ont-elles une compassion parfaite, la messe ne leur est pas nécessaire : Palet quia perjecte compati, perfecte amure est. Per/ecte amans solio dignior est quam purgalorio, sive celebrctur, sive non ceiebretur, animæ in purgalorio quanto paliendo projecerint, tanto conregnabunt. Aliéna compassio, puta celebrantis, non pro mensura hosliæ, non pro mensura compassionis, non pro mensura devolæ intercessionis arbilrariæ sufjragatur existentibus in purgatorio. Opéra, p. 919, cité dans Franz, p. 313. Une telle doctrine insiste tellement sur le facteur dévotion, sur la valeur ex opère operanlis de l’assistance à la messe, qu’elle méconnaît parfois la valeur en soi du sacrifice chrétien. Reconnaissons pourtant que nulle parole de Wessel ne va à nier le caractère sacrificiel de la messe.

(3) Opposition catholique à ces opinions. — Ces opinions sont en contradiction aussi bien avec la théologie classique qu’avec la pratique de l'Église et la piété populaire qui s’en inspire.

Aussi théologiens, clercs, fidèles sont-ils unanimes à reconnaître une valeur ex opère operato à la messe. La tendance serait plutôt, nous l’avons vii, chez le peuple à exagérer cette valeur et à oublier l’autre facteur de l’efficacité de la messe : les dispositions morales de ceux qui y assistent et pour qui elle est offerte. Mais la raison ne perd pas ses droits. La théologie classique d’un Gerson et d’un Biel est attentive à défendre contre toute fausse appréciation la part respective de l’un et l’autre facteur de l’efficacité de la messe.

Ce qu'était alors la doctrine commune sur ces points, à la fin du xve et au commencement du xvie siècle, nous le saisissons particulièrement dans l’article Missa du lexique théologique d’Altenstaig. Cet ouvrage, publié d’abord à Haguenau en 1517, fut souvent réédité dans la suite ; il reflète la pensée des -théologiens alors classiques : Hugues de SaintVictor, Pierre Lombard, saint Thomas, Duns Scot, Richard de Médiavilla, Brulefer, Biel, Gerson, Pierre d’Ailly ( ! e cardinal de Cambrai) y sont cités. On y saisit en quelques phrases précises la doctrine courante sur les origines et le développement de la messe, sur la valeur respective de ses cérémonies, sur la part qui revient au prêtre dans l’efficacité de celles-ci. Altenstaig, Vocabularius theologiæ, Haguenau, 1517, fol. 152.

A la suite de Hugues de SaintVictor, De sacramentis, t. II, part. VIII, l’auteur fait remonter à saint Pierre la célébration de la première messe, à saint Jacques et à saint Basile de Césarée, la disposition ordonnée du sacrifice : ordinem celebrandæ missæ, à d’autres les additions qui ont été faites ad decorem et solemnilalem. Avec saint Bonaventure, In IVum sent., dist. XIII, q. iv, il fait différence dans la messe entre l’essentiel qui est toujours acquis, quelle que soit la valeur morale du célébrant, et l’accidentel qui varie selon les dispositions de celui-ci. Il concède, , de ce point de vue, que mieux vaut donc la messe d’un bon prêtre, qui provoque davantage à la dévotion. « Et si quelqu’un préfère entendre la messe d’un prêtre dévot, je crois qu’il fait bien, pourvu toutefois qu’il croie que pour l’essentiel cette messe ne dépasse point en valeur celle que célèbre un pécheur. » Il rappelle la juste formule de Richard, In IVum sent., dist. XIII, q. viii : Non habet efficaciam ex opère operato solum sed ex sanctitate et devotione operanlis.

Il note enfin la valeur symbolique des vêtements