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1077 MESSE DANS 1 /ÉGLISE LATINE, LA THÉOLOGIE NOMINALISTE

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tement et s’ils demeurent par la charité dans le corps mystique, ils continuent, en vertu même de leur appartenance devant Dieu à ce corps, de participer à ses grâces et à sa vie. Le prêtre ne doit point nommer les excommuniés au cours du sacrifice, mais il peut très bien par charité prier en particulier pour leur conversion.

Enfin, tout naturellement, la messe est utile à ceux pour qui elle est spécialement offerte. Ibid. On dit : spécialement et non très spécialement ; car l’ordre de la charité veut que le fruit de la messe aille d’abord de cette façon très spéciale à celui qui offre. Elle ne leur est pas seulement utile d’une façon très générale, à la façon dont elle est utile à tous les membres de l'Église ; autrement les prières spéciales de l'Église pour ceux qui demandent l’oblation, vivants et défunts, n’auraient pas de sens. A titre de membres plus actifs à la messe, ceux qui demandent le sacrifice ont droit à de spéciales largesses Ibid

Riel, à la suite de saint Thomas, III a, q. lxxix, a. 7, fait remarquer qu’il n’est point nécessaire de communier pour participer aux fruits de la messe. La messe, en tant que sacrifice, a un effet de propitiation pour enlever les fautes mortelles ou vénielles et les peints dues à ces fautes non seulement de ceux qui communient, mais de tous ceux pour qui elle est offerte et cela dans la mesure de leur disposition. Elle agit sur ceux qui sont bien disposés à la façon d’une prière toute-puissante qui leur obtient la grâce de la contrition. Avec saint Thomas, In I V nm sent., dist.XI I. q. v, a 2, il remarque enfin qu’elle ne requiert pas préalablement une vie spirituelle en acte, mais seulement en puissance. Et si l’on dit au contraire qu’il n’y a de sacrifice que pour les membres du Christ, cette expression, appliquée à certains, doit être ainsi comprise : pour qu’ils deviennent des membres du Christ Lect.LXXXV, fol. 254 b.

d) Critioue des superstitions ou abus touchant l’appréciation de la messe. — Nos auteurs rencontrent sur leur chemin un certain nombre de conceptions inexactes, dont les unes vont à surexalter la valeur de la messe, tandis que d’autres, au rebours, la déprécieraient. Ouelle est leur attitude par rapport à ces abus ?

a. Exagération de la valeur de la messe. — a) Appre-. dation populaire de la messe. — A côté des justes appréciations de la messe par la théologie savante, se développe dans le peuple, aux xive et xve siècles, une conception parfois mêlée d’erreur touchant les fruits que l’on attend de l’assistance au sacrifice.

Le peuple veut savoir d’une façon très précise quel sont les bienfaits spirituels et temporels qu’il peut attendre de l’audition de la messe. De là pour satisfaire à cette curiosité la difiusion dans les sermonnaires de formules concises énonçant les fructus, les utilitales, les virtutes de la messe. On y insiste beaucoup sur les avantages temporels que procure la messe. Ainsi dans la Summula Raymundi, Strasbourg, 150-1, fol. 6, on lit cette formule : Prima (virtivi) est quia si aliquis daret pauperibus omnia quie haberet.. tantam ci non prodesset sicut si digne audiret unam missam. — Seconda virlus est quod infra auditionem missæ animæ consanguineorum non patiuntur penam in purgatorio. — Terlia virlus, quia infra auditionem missæ non ef/icitur senec nec infirmabitur. — Quarto vi r lus quod post auditionem missæ omnia quæ sumuntur magis conveniunt naturæ quam antea. — Quinta virtus est quod missa plus petit coram divina majestale quam omnes oraliones quæ jiunt in loto mundo, quia est oratio Ecclesiæ. — Szxta virtus est quod una missa cum devotione audila in vita plus valet quam centum post vitam…

Ces formules vont se précisant et se développant :

certaines comptent douze fruits de la messe. Voir le ms. de Saint-Gall 418, fol. 286, cité dans Franz, Die Messe, im deutschen Mittelalter : Die Fruchle der Messe, p. 45, 59. Elles insistent de plus en plus sur les bénédictions temporelles attachées au sacrifice. Bref, elles forment, comme le remarque Franz, un mélange de vérité et d’erreur, d’espérances fondées, et de folles illusions, de pieuses pensées et de superstition dangereuses. Elles insistent sans doute sur la nécessité des bonnes dispositions chez ceux qui entendent la messe. Cependant le peuple sans culture qui les entendra oubliera facilement les dispositions requises pour ne retenir que la sûreté des résultats promis. Ces abus ou ces déviations de l’appréciation populaire fourniront bientôt à Luther matière à de faciles plaisanteries.

fi) Réaction des théologiens contre ces abus. - — Ce matérialisme du peuple et parfois de certains clercs dans l’appréciation du rôle de la messe devait provoquer une réaction critique chez les évêques catholiques réformateurs, chez les mystiques et les théologiens.

Nicolas de Cues, aux vues si hautes sur la messe, ne pouvait, dans ses synodes, que s’attaquer à ces superstitions, et détruire les légendes sur lesquelles elles prétendaient s’appuyer. Voir Bickell, Synodi Brixinenses sœculi XV, Inspruck, 1880, p. 44 à 46. Les mystiques Tauler et Eckhard, avec leur souci d’intérioriser, de spiritualiser la religion, tout en appréciant sainement la haute valeur de la messe, ne pouvaient que blâmer l’erreur de ceux qui donnaient une trop grande estime à l’assistance tout extérieure au sacrifice. Voir Linsenmeyer, Geschichte der Predigl in Deutschland von Karl dem Gr. bis zum Ausgang des 14. Jahrhunderts, Munich, 1886.

De même le chancelier Gerson va protester contre cette matérialisation de la messe dans son petit écrit : Quædam argumentatio adversus eos qui publiée volunt dogmatizare seu prædicarz populo, quod si quis audit missam, in illo die non erit excus, nec morietur morte subitanea et talia multa. Opéra, t. ii, p. 521-523. Il dénonce ces superstitions comme « un retour au judaïsme ». Il les montre dénuées de tout fondement en Écriture et en raison ; il invite ses lecteurs à se défier des textes des Pères que l’on apporte en leur faveur, et qui sont probablement inauthentiques. Tout ceci, sans préjudice pour la valeur réelle de la messe, dont il célèbre l’ampleur universelle dans son traité ix sur le Magnificat, t. iv, p. 419 sq.

Nicolas Jauer († 1437) et Denys le Chartreux <t 1469) s'élèvent aussi énergiquement, en Allemagne, contre une appréciation superstitieuse de la messe Voir A. Franz, Der Magistcr Nicolaus Magni de Jawor, Fribourg, 1898, p. 187 ; Denys, Contra vitia superstitionis, art. 9, Cologne, 1533, p 613. De même Busch, le réformateur des monastères du nord de l’Allemagne : De reformatione monasteriorum, dans Gcschichtsquellen der Provinz Sachsen, t. iv b. p. 729.

Gabriel Biel dans sa lect xvi, fol. 29, 30, énonce les principes très prudents qu’il faut suivre dans la lutte contre ces usages superstitieux : recommander au peuple beaucoup de simplicité et de droiture dans ses intentions ; il lui suffit en somme de s’unir à toutes les intentions de l'Église ; qu’on lui apprenne à éviter les vaines observances, qu’on le mette en garde surtout contre l’idée des recettes infaillibles pour se concilier Dieu ou les saints. Biel en appelle sur ce point à Gerson dans son traité De directione cordis. Il faut citer aussi V Explicatio missæ de Paul Wann, mort vers 1500, où cet auteur attaque avec vigueur les usages superstitieux qui viennent s’ajouter aux rites commandés par l'Église. Voir le ms. lai, 176.5 1 de la Biblio-