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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, DÉBET DE LA SCQLASTIQUE


prêtre dise la messe étant seul et sans quelqu’un qui lui réponde. » Cardinal Bona, De la liturgie, t. i, p. 151-155, Paris. 1874.

c) L’acte essentiel de l’oblation eucharistique. — Le moment de la consécration est comme l'âme du sacrifice : Cum ad summi sacramenti verticem, cum ad ipsam perventum est sancti sacrifiai mentern, disparet sermo. Rupert, De div. off., II, viii, P. L., t. clxx, col. 39.

La prière Supplices te rogamus a pour les liturgistes de cette époque, comme pour leurs prédécesseurs, une importance toute spéciale : elle marque l’acceptation de l’oblation : Hic oblala. ibi accepta, non mutatione loci…, sed quia Deus est ubique non fit loci mutatione, ut (onjungatur Deo de pane jacta caro… Hostiam perferri in sublime altare quod est nisi oblationem nostram conjungi Yerbo, uniri Yerbo, fieri Deum, et per eam nos in Deum assumi et vota nostra acceptari. Odon, Expos, in canonem, P. L., t. clx, col. 1067 A.

En dehors de la consécration normale par les paroles de Xotre-Seigneur, le Micrologus, à la suite d’Amalaire, reconnaît pour le vendredi saint la consécration par contact : Xam ordo romanus in Parasceve vinum non consecratum cum dominica oratione et Dominici corporis immissione jubet consecrare, ut populus possit plene communicare. xix, P. L., t. cli, col. 989. En rappelant les prières prononcées le vendredi saint sur le corps du Christ, Honoré déclare qu’autrefois était ainsi célébrée la messe apostolique. Gemma, III, xcvi. P. L., t. clxxii, col. 668.

d) Le but commémoralif et figuratif de l’oblation eucharistique. — Les liturgistes développent les vues d’Amalaire sur le but commémoratif de la messe. Rupert, De div. op., II, x, P. L., t. clxx, col. 42.

Le canon entier, d’après le Micrologus, commémore la passion du Seigneur. Le prêtre y tient les mains étendues moins pour marquer la dévotion de son âme élancée vers Dieu que pour y signifier l’extension du corps du Christ sur la croix. Les cinq conclusions identiques per Dominum font penser aux cinq blessures, et l’inclination profonde du prêtre pendant le Supplices rappelle le Christ inclinant sa tête pour mourir, xvi, P. L., t. eu, col. 987. On retrouve le même symbolisme chez Honoré d’Autun, Gemma, I, xlvi, P. L., t. clxxii, col. 558. De même Rupert, De div. ofj., ILxii, xv, xvi, t. clxx, col. 43, 45, 46. Celui-ci insiste surtout sur le caractère représentatif des signes de croix.

Le symbolisme exposé par Rupert est repris d’un bout à l’autre par Etienne de Beaugé qui se contente de le condenser en formules plus nerveuses et plus pieuses. C’est sans doute sous l’influence de ce symbolisme mystique appliqué à la liturgie, que Guillaume de Saint-Thierry allègue comme signes représentatifs de la passion, non seulement la fraction de l’hostie, mais encore l’ensemble des gestes par lesquels le prêtre prend le corps du Sauveur, l'élève, l’abaisse, f radio, depositio, et elsvatio ejus et ceelera. » Lepin, op. cil., p. 120. Cf. Etienne de Beaugé, loc. cit., xiii-xvii, P. L., t. clxxii, col. 1287-1301 ; Guillaume, De sacramento allaris, ix, P. L., t. clxxx, col. 356.

2. La messe d’après les canonisles.

Les grands recueils canoniques de la première moitié du xii c siècle coordonnent les témoignages les plus autorisés et les plus significatifs de l'époque patristique et de la première époque théologique.

En distribuant ces témoignages en un certain nombre de chapitres pourvus de titres saillants qui guident les recherches et stimulent la réflexion, non seulement les décrétistes constituent une mine très riche

« d’autorités » qui sera exploitée par les théologiens,

mais ils fixent en quelque sorte les questions qui seront de préférence traitées dans les écoles.

Tandis que les théologiens de l'âge précédent puisaient leurs documents soit dans les manuscrits des Pères, soit dans des chaînes ou des florilèges, soit déjà dans les recueils de Réginon de Pri’im et de Burchard de Worms, ceux de l'âge suivant iront chercher dans les œuvres d’Yves de Chartreset deGratlen une documentation de première importance sur l’eucharistie en général, et le "sacrifice de la messe en particulier.

Yves de Chartres († 1116), traite de la messe dans le Decretum et la Panormia.

La deuxième partie du Decretum a pour objet le sacrement du corps du Christ et la messe : De missa et aliorum sacramentorum sanctilale. Quelques titres de chapitre ont directement rapport à l’idée de sacrifice ; ainsi le c. vi : Non mentiri eum qui dicit Christian impassibilem et immortalem quolidie in sacramento immolari. On y montre, surtout d’après l'Épître à Boniface de saint Augustin, qu’il ne peut être question à l’autel que d’une immolation figurative. Decretum, II, iv, P. L., t. clxi, col. 136-140. Ainsi le c. ix, qui définit le sacrifice d’après Lanfranc : Sacrificium Ecclesiæ duobus confici, duobus conslare : id est visibili elementorum specie, et invisibili Domini noslri Jesu Christi carne et sanguine. Ibid., col. 152-160. Ainsi les c. xixv qui traitent de la matière du sacrifice. De même le c. xv qui marque la raison d'être de la commémoraison de la passion à la messe.

Plus riche encore, au point de vue de la messe, est la Panormia. Les titres suivants mettent bien en relief les questions qui préoccupaient alors les écoles. Ils sont tirés du t. I, De sacramento eucharisties et de celebratione missarum : c. cxxxvii, Sacramentum et res sacramenti sacrificium perficiunt ; c. cxxxix, Quid significat f radio hostise et sanguinis polalio, (var. Dum hostia frangitur, passio Christi ad memoriam reducitur) ; c. cxli, Carnis et sanguinis comestio et potatio dominiez mortis est commemoralio ; c. cxlii et cxLin, Quomodo intelligendum est Semel immolatus est Chris TUS ET QUOTIDIE IMMOLATUR ? C. CXLIV, Hostia qiUV

semel immolata est, in recordatione suée mortis quolidie ofjertur, col. 1075-1077. Il s’agit surtout dans ces chapitres de mettre en relief le caractère commémoratif et figuratif de la messe. « Quant à la doctrine des Pères, alléguée sur divers points, elle est censée empruntée tout particulièrement à saint Ambroise et à saint Augustin. Mais, sous le nom de saint Ambroise, on trouve cité, c. cxliv, le célèbre passage du commentaire de l'Épître aux Hébreux que nous savons être de saint Jean Chrysostome. Sous le nom de saint Augustin et avec référence à la lettre de l'évêque d’Hippone à Boniface, on voit reproduit, c. cxliii, non plus le texte de cette lettre, mais le commentaire qu’en a donné Lanfranc. Comme extrait du livre des Sentences d’Augustin publié par Prosper se trouve allégué, c. cxxxix, un morceau du même Lanfranc. » Lepin, op. cit., p. 29.

Gratien († 1158), dans sa Concordia discordanlium canonum, traite lui aussi, part. III, dist. II, du sacrifice eucharistique et en expose les sources principales.

Ce sont à peu près les mêmes cadres, les mêmes questions que chez Yves de Chartres. Dist. II, De cons., c. xxxii, P. L., t. cLxxxvii, col. 1745 : Quid 'sit sacrificium ? c. xxxvii, col. 1748 ; Dum hostia frangitur, passio Christi ad memoriam redit ; c. li. col. 1755 : Quomodo Christus sit immola/us semel, et quomodo quolidie immoletur ? c. lui, col. 1756 : Hostia quiv semel oblala est, in rcconlutioncm suæ mortis quolidie offertur ; c. i.xxii, col. 1767 : Quotidianum sacrificium non est reileratio passionis, sed commemoralio.

Comme à Yves de Chartres, il arrive à Gratien de citer des extraits de Paschase et de Lanfranc sous le nom d’Augustin. Quoi qu’il en soit de l’imperfection de sa critique, sa collection de textes sera < comme