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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, DÉBUT DE LA SCOLASTIQUE


.S’f> Yerbum Palris carni et sanguini, quem de utero Virginis assumpseral, et pani et vino quod de allari assumpsit, médium interveniens, iinuni sacriflcium cfficit. II, ix, col. 40 ; cf. II, ii, col. 35.

Quoi qu’il en soit de la multiplicité des hosties, il y a unité de sacrifice : Unilas Verbi unilatem efflcit sacrificii. Ibid. Mais, objectera-t-on, le prêtre qui sacrifie ne participe-t-il pas lui-même à une grâce du V.erbe ? Entre cette participation partielle et la plénitude qui se répand dans le pain il y a, déclare Rupert, une grande différence. Ibid. De cette conception toute dynamique de l’objet du sacrifice découle une conception très spéciale de la communion ; elle est comme une irradiation sur nous, à travers le pain et le vin de la vraie divinité et de la vraie humanité du Fils de Dieu : Vivo flumine super panem et vinum c’onfluenle tant veram divinitatem, veramque humanilatem Christi in cash sedentis et regnantis excipimus, quam veram substantiam ignis a sole, supposila cryslalli sphæra exigua, fere quotidie mutuare possumus. II, v, col. 38.

On s'étonne de rencontrer après la controverse bérengarienne une conception aussi équivoque sur l’objet du sacrifice eucharistique. Elle ne pouvait que mériter les critiques de théologiens.soucieux de la vérité traditionnelle. Aussi Guillaume, abbé de SaintThierry de Reims, releva-t-il justement ce qu’il y avait d’erroné dans cette conception du eorpus sacrificii, il rappela le fait de la transsubstantiation méconnu par Rupert, dénonça l’impanation qu’impliquait sa théorie, et formula en une lettre, aussi charitable que ferme, la vérité oubliée de l’identité du corps céleste et du corps sacrifié à l’autel. Epist. ad quemdam mon., P. L., t. clxxx, col. 341-345. Ce n’est donc point sans raison que Baronius, Bellarmin, Vasquez et Suarez ont fait écho à ces critiques d’un contemporain de Rupert.

b. Le corps mystique, du Christ uni à son chef. — Nos liturgistes interprètent le texte de la messe à la lumière de la tradition augustinienne, et aiment à montrer sur l’autel, à côté de l’oblation du Christ, celle de ses membres. La messe comprend comme élément essentiel la propre et totale oblation du corps mystique.

Honoré d’Autun l’affirme en un langage un peu subtil qui illustre les vues d’Amalaire. Dans le sacrifice grandiose de la société des saints, il distingue différentes sortes d’oblations ou sacrifices : celui des anges et des esprits bienheureux signifié par la préface, celui des innocents, des apôtres, des martyrs, des confesseurs qu’il trouve commémoré dans le canon : c’est sous une forme originale, l’affirmation du caractère universel de l’oblation eucharistique qui a pour but l’union de tous à la tête du corps mystique. Gemma animas, I, lviii, P. L., t. clxxii, col. 561.

De même Isaac de Stella « ramasse dans une vaste synthèse où entrent des éléments assurément fort discutables, mais qui ne laisse pas d’ouvrir sur la messe une perspective grandiose, les divers aspects de ce grand mystère de l'Église, prêtre et victime avec le Christ dans une même oblation qui commence sur l’autel eucharistique et se consomme sur l’autel du ciel ». Lepin, op. cit., p. 144. Isaac de Stella, Epistola de officio missas, P. L., t. cxciv, col. 1890.

b) Les offrants : le prêtre et les cooperateurs de l’oblation. Les messes solitaires. — a. Rôle principal du Christ et de l'Église. — Les liturgistes aiment à rappeler à l’occasion la doctrine du sacerdoce universel du Christ : c’est au Christ mystique uni à la société des saints que revient à l’autel le principal rôle dans l’oblation. De là le rôle secondaire du prêtre visible : il n’est que le mandataire du Christ et de l'Église.

b. Rôle secondaire du prêtre visible et des fidèles. — Puisque le Christ est le vrai prêtre de la messe, peu importe, au point de vue de la validité du sacrifice, la qualité morale de l’instrument qu’il emploie. Tout prêtre catholique, bon ou mauvais, consacre valideinent. Les simoniaques, à raison de leur foi intégrale catholique, consacrent validement eux aussi. Honoré d’Autun, Eucharislion, vi, P. L., t. clxxii, col. 1253.

Comme l'Église aussi a sa part essentielle dans l’oblation, ceux qui sont séparés d’elle ou en dehors d’elle, les hérétiques, les schismatiques, les gentils ne peuvent faire le sacrement eucharistique. Ainsi Honoré d’Autun, loc. cil. Cf. Odon de Cambrai : Non est locus veri sacrificii extra catholicam Ecclesiam. Exposilio in canonem, P. L., t. clx, col. 1061 ; Etienne de Beaugé, De sacr. ait., P. L., t. cLXxii, col. 1200.

Ces vues qui exigent l’adhésion au corps mystique du Christ pour offrir le corps eucharistique ne cadrent point complètement avec la doctrine plus nuancée de Paschase et d’Alger de Liège. Elles seront éliminées plus tard.

Mandataire de l'Église à l’autel, le prêtre a normalement des cooperateurs actifs qui offrent avec lui le corps du Christ : Offerimus vinum et oblatam, ipsi offerunt mentem sanctam et devotam, dit Etienne de Beaugé, ibid., col. 1288 D.

Le mode de cette coopération a pu varier au cours des siècles. Jadis les fidèles participaient à l’oblation en offrant la farine pour le sacrifice. Lorsqu’on communia moins, le peuple prit l’habitude d’offrir des deniers au lieu de farine et de pain : Qui tamen denarii in usum pauperum qui membra sunt Christi cédèrent, vel in aliquid quod ad hoc sacriflcium pertineret. Honoré d’Autun, Gemma animas, I, lxv, P. L., t. clxxii, col. 565. Selon la pratique et l’esprit de l'Église primitive, on ne célébrait point ordinairement la messe sans l’assemblée des fidèles. Pour des causes diverses, le nombre des assistants diminua dans la suite. L’auteur du Micrologus rappelle qu’il est extrêmement convenable pour que les prières de la messe gardent un sens, que le prêtre célèbre toujours la messe au moins devant deux assistants. Il appuie cette déclaration d’un décret attribué par lui aux papes Anaclet et Soter. Micrologus, ii, P. L., t. eu, col. 979.

Cependant, en se fondant sur le principe que le prêtre à l’autel agit comme représentant de toute l'Église, certains liturgistes de l'époque, comme Pierre Damien, Odon de Cambrai, Etienne de Beaugé, montrèrent que la pratique des messes solitaires n’avait rien d’absurde. Odon commente ainsi les paroles du canon : El omnium circumstcinlium. « A l’origine on ne célébrait point de messes sans l’assemblée des fidèles ; mais dans la suite s'établit dans l'Église et surtout dans les monastères l’usage des messes solitaires. Comme il n’y a pas d’assemblée que l’on puisse saluer au pluriel, et comme aussi il n’est pas permis de changer les salutations faites au pluriel, les célébrants se tournent vers l'Église et disent que, dans l'Église, ils saluent les fidèles qui composent l'Église », et peu après, il ajoute : « Selon ce sens, ici par le mot circumstantes, on entend tous les fidèles de n’importe quel pays, qui, unis entre eux et au chef suprême, forment un seul et même corps. » Exposil., P. L., t. clx, col. 1057. Etienne de Beaugé dit très sensiblement la même chose, De sacr. ait., P. L., t. clxxii, col. 1289.

De ces paroles, résulte clairement que, dans les monastères, on disait parfois la messe sans que personne y assistât, sans même de ministre pour répondre : d’où le nom de « messes solitaires » données à ces offices. Que ce ne fût là qu’une tolérance, « c’est ce que démontrent les décrets canoniques qui, abolissant tout privilège de ce genre, défendent absolument qu’aucun