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1H2 ! » MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA CONTROVERSE lSÉRENCxARIENNE 1030

coniiiu' l’expression de la vérité les mois de Ratramne condamnés à Verceil : quæ in <illuri consecrantur esse figurant, signum, pignus corporis et sanguinis Domini. P. 37 et 43.

b) Il n’y a qu’une seule ablution au sens absolu. — Le Christ ne s’est offert véritablement qu’une fois ; le sacrifice de l'Église ne peut être qu’un mémorial par rapport au sacrifice passé : l’na est Ecclesiæ hostia et non multa'… quia semel oblatus est Christus, sacrificium vero Ecclesiæ exemption est sacrificii Christi. Entendre ces expressions d’un renouvellement par l'Église de l’offrande de la victime présente sur l’autel, jadis immolée au Calvaire, ce serait multiplier le Christ. P. 131 et 191.

Entre les sacrifices de l’Ancien Testament et celui de l'Église, il n’y a d’autre distinction que celle de signes différents ; les anciens étaient le symbole d’une chose à venir ; l’immolation du Calvaire, le sacrifice de l'Église est la commémoraison de cette chose. P. 4.3. Bref le sacrifice de l'Église est un pur mémorial. « Le pain et le vin subsistent après la consécration comme ils existaient avant. Ils sont appelés chair et sang du Seigneur, parce que, célébrés dans l'Église en mémoire de la chair crucifiée et du sang répandu, ils nous rappellent le souvenir de la passion du Seigneur, et en le rappelant nous invitent à crucifier incessamment notre propre chair avec ses vices et ses convoitises. » C’est en ces termes que la théorie est résumée par Lanfranc, De corp., xxii, P. L., t. cl, col. 440.

Dans la logique de cette conception, il n’y a point de place pour une communion réelle au corps et au sang du Christ. Bérenger rejette celle-ci comme un flagitium : le sang du Christ nous est proposé dans la communion de la même façon que dans le baptême, non sensualiter. P. 222. La communion consiste à se reposer, à se complaire par la foi, par le souvenir dans l’incarnation et la passion du Verbe, acquiescendo sibi in incarnatione et passione Verbi. P. 254, 255 ; p. 223, et aussi p. 71, 248. Il y a dans ces textes non seulement toutes les apparences, comme le dit Heurtevent, mais l’affirmation nette et d’ailleurs cohérente avec l’ensemble du système, d’une communion purement spirituelle, à l’occasion de la manducation du pain consacré qui ne contient point, mais symbolise le corps du Christ. Par cette communion, le fidèle reçoit veræ naturee Christi virtutem, mais non le corps du Sauveur. P. 250. Voir Heurtevent, op. cit., p. 213.

Ainsi Bérenger, tout en conservant certaines manières traditionnelles de parler de la messe, les vide de leur contenu. Il fait du mystère de l’autel un pur mémorial salutaire ; par sa conception symboliste, dynamiste, il compromet, bien plus, il détruit la notion traditionnelle de la vérité du sacrifice eucharistique, de l’unité et de l’identité de celui-ci avec le sacrifice du Calvaire.

Réponse des théologiens et du magistère ecclésiastique.

En face de Bérenger qui prétend s’autoriser de la dialectique, de l’exégèse et de la tradition

des Pères pour rejeter ce qu’il appelle l’erreur de Paschase et du vulgaire, l'Église va réagir par la voix des théologiens et le magistère des conciles.

En dehors des auteurs cités plus haut qui firent entendre la réfutation de la première heure, il faut nommer surtout Durand de Troarn, Lanfranc, Guitmond d’Aversa, Alger de Liège, voir Eucharistie, col. 1218, 1228, 1230 ; Lepin, op. cit., p. 17-20.

Ces auteurs ne se contenteront point d’affirmer la doctrine de la transsubstantiation ; à l’erreur de Bérenger qui fait du pain et du vin le seul objet du sacrifice de la messe, ils opposeront l’affirmation traditionnelle de la présence du Christ sur l’autel comme victime du sacrifice eucharistique, et mettront ainsi en meilleur relief la vérité de ce sacrifice. Ils se préoccuperont

aussi de déterminer la part qu’il faut faire à l'élément figuratif et commémorât if dans sa célébration.

1. La vérité du sacrifice eucharistique : Son unité et son identité avec celui de lu cène et du Calvaire. — Dès 1048, Hugues de Langres insistait contre Bérenger sur la valeur religieuse de la vérité de la présence personnelle du Christ à l’autel : là se trouve, par un miracle de transformation rapide et invisible, Celui en qui sont toute choses. Il y est comme prêtre, victime, autel et tabernacle. De corpore et sanguine Christi, P. L, t. cxlii, col. 1329 et 1332.

Durand de Troarn, comme l'évêque de Langres, est préoccupé de sauvegarder la même doctrine centrale. Dès le début de son De corpore, il dénonce le symbolisme de son adversaire. P. L., t. cxlix, col. 1377. Il lui oppose la doctrine réaliste des Pères, Ambroise, Eusèbe, Bède, non aliqua phanlasmalis vacua imagine, c. xix, col. 1405, non per cassam veritatis figuram, c. iii, col. 1382 D.

Par la parole du Christ, le sang qui nous a rachetés est rendu présent sur l’autel, col. 1397 D. L’oblation de la victime du Calvaire peut être répétée sans préjudice pour l’unité et la vérité du sacrifice rédempteur. La chair du Christ n’a-t-elle pas été deux fois offerte par le Christ lui-même, à la cène et sur la croix, la première fois in sacramento, la seconde fois in pretio ? iii, col. 1381.

Par les paroles Hoc facite, le Christ n’a-t-il point ordonné de reproduire sur l’autel son oblation : ut me videre spiritualiter, sentire præsentialiter, habere valeatis indubitanter ? iii, col. 1381. Ainsi a-t-il institué l’unique sacrifice chrétien en vue de la propitiation des péchés : unicum ac spéciale instituit sacrificium quo et Deus mundo propitietur et mortalis infirmitas quotidianis eum sceleribus ostendens reconciliationem. ii, col.. 1381.

Lanfranc, dans son traité De corpore et sanguine Domini, écrit vers 1070, discute avec vigueur les assertions de Bérenger sur le sacrifice eucharistique. Celui-ci avait ainsi décrit la messe : Sacrificium Ecclesiæ duobus constat, duobus conficitur, visibili et invisibili, sacramento et re sacramenti ; quæ tamen res, id est Christi corpus, si esset præ oculis, visibilis esset sed eievata in cœlum sedensque ad dexteram Patris usque in tempora restitulionis omnium cœlo devocari non poterit, cité par Lanfranc, De corp., x, P. L., t. cl, col. 421.

L’abbé du Bec retient la première partie de la définition de Bérenger et en tire une conclusion opposée : la res sacramenti sur l’autel est inséparable du sacramentum. L’objet du sacrifice eucharistique c’est le corps et le sang du Christ présents à la fois au ciel et sur l’autel. Ibid., xii, xix, col. 422, 435. Penser autrement ce serait aller contre le témoignage de l'Église entière qui atteste la présence du vrai corps du Christ à l’autel et son identité avec celui du Christ au Calvaire, xxii, xxiii, col. 440, 442. L’unité du sacrifice chrétien vient de l’unité de la victime offerte tous les jours et jadis réellement immolée.

Guilmond se fait l'écho des mêmes doctrines dans son De corporis et sanguinis Jesu Christi veritate in eucharislia libri très, P. L., t. cxlix, col. 1427-1494, surtout t. I, col. 1433 et 1434 ; t. II, col. 1455, 1459-60 ; t. III, col. 1473-1474, 1500.

Alger de Liège († 1130) composa son beau traité De sacramentis corporis et sanguinis dominici, vers 1120. P. L., t. clxxx, col. 739-856. On y trouve envisagées et examinées avec beaucoup de finesse les différentes questions qui préoccupent alors les esprits sur le sacrement et le sacrifice de l’eucharistie.

a. Vérité du sacrifice de la messe. — Cette question est étudiée au t. II, c. m : « Pourquoi le sacrifice de l'Église ne consiste-il point dans le seul sacrement