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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, AMALAIRE DE METZ


Ainsi s’accordent ces différentes expositions à mettre en relief l'œuvre divine de la consécration comme le point central de la messe.

Amalaire de Metz et l’iorus de Lyon.

Il faut

considérer ensemble ces deux auteurs qui ont été amenés à s’opposer l’un à l’autre.

1. Amalaire († 837). — Tandis que les anciens auteurs d’Expositions de la messe s’attachaient à faire du canon une glose littérale à la lumière des Pères, Amalaire inaugure une interprétation nouvelle, selon la méthode allégorique et symholique ; sur son rôle liturgique, voir Diction, d’arch., t. i, col. 1323-1333, et ici, 1. 1, col. 933. Nous avons à marquer sa place dans le mouvement théologique du ixe siècle.

On se méprendrait sur son rôle, si l’on ne voyait dans le prêtre de Metz que le créateur d’un courant relativement nouveau dans l’interprétation des prières de la messe, que le propagateur de vues assez originales touchant certains modes extraordinaires de consécration ; il est aussi et d’ahord un témoin érudit de la tradition patristique touchant le sacrifice eucharistique.

On cherchera surtout l’expression de sa pensée dans le De ecclesiasticis officiis, t. III, c. v-xxxvii, P. L., t. cv, col. 1108-1157. Cet ouvrage fut écrit vers 827, puis retouché vers 832 après un second voyage à Rome et un assez long séjour à Corbie. — Les Eclogæ de officio missse, ibid, col. 1315 sq., écrites postérieurement et quelques lettres : Epist. ad Rantgarium, col. 1333, ad Gunlradum, col. 1336, complètent nos renseignements sur la doctrine. Sur la valeur des Eclogæ comme sources de sa pensée, voir Ephemerides lilurgicee, 1927, t. xli, fasc. 1.

a) Aspect traditionnel de son témoignage sur le sacrifice de la messe. — Disciple d’Alcuin, Amalaire est comme lui très attaché aux Pères et particulièrement à saint Augustin. Il l’affirme lui-même, De eccl. off., Præfatio altcra, col. 988. Ses autorités sont, à côté de saint Augustin, saint Isidore de Séville, Bède, saint Grégoire et surtout saint Cyprien.

Suivant leur doctrine, la messe consiste essentiellement pour lui dans la reproduction de la cène, selon l’ordre du Christ, et dans ce sens il cite saint Cyprien. De eccl.of}., t. III, c. xxiv, col. 1140 C.

Aussi regarde-t-il comme la partie essentielle de la messe la consécration, faite en vue de mettre sur l’autel l’aliment des fidèles, chants et lectures n’ayant qu’une importance secondaire. Ibid., III, præf., col. 1101. Dans cette perspective, les cérémonies de la messe ne sont que le vêtement du corps du sacrifice : elles reproduisent successivement ce que le Seigneur a ordonné de faire en peu de mots. Ainsi l’action de grâce se fait au Yere dignum et justum est, la consécration par le récit même de la cène, la fraction avant la communion.

Reproduction de la cène, la messe comporte des liens très intimes avec la croix. Pour les décrire, Amalaire trouve des expressions pleines et heureuses : elle est la continuation, dans son identité, du sacrifice de la croix : Quoniam una hostia Christns oblalus est pro justis et injustis, idem sacrificium permanct in altari quod ante positum est. 7è ; d., IV, xxiv, col. 1140. Elle n’en est pas moins la commémoraison figurative de la passion, In sacramento… passio Christi in promptu est. III, xxv, col. 1141 B. Yoiraussi Præfatio altéra, col. 989 AB. Le prêtre à l’autel est le représentant du Christ. A lui seul comme tel d’offrir le sacrifice. Col. 1132 B.

Ce n’est point qu’Amalaire méconnaisse la part active que doivent prendre les fidèles au sacrifice. Disciple de saint Augustin, il ne se contente point, à la suite du maître, de marquer l’union des fidèles au Christ dans une même oblation ; dans cette ohlation sacrificielle qui se déroule au cours de la messe, il

détermine la part active de l'Église et celle du Christ. De l’offertoire jusqu'à la consécration, c’est l’oblation de ceux qui sous la figure du pain et du viii, qu’ils apportent à l’autel, s’immolent mystiquement ; c’est le sacrifice, des parfaits, car, détachés de toute alïection terrestre, les fidèles offrent à Dieu avec les anges un sacrifice du cœur. De cccles. off., t. III, c. xix, xxi, xxiii, col. 1126-1138. Après l’oblation des fidèles, celle du Christ, le sacrifice universel qui rend présente sur l’autel la victime du Calvaire : Hic credimus naturam simplicem punis et vini mixli, verli in naiuram ralionabilem, scilicel corporis et sanguinis Christi. III, xxiv, col. 1141 B. — La fin de la messe du Nobisquoque peccatoribus jusqu'à la communion prépare par le sacrifice intérieur du repentir sacrificium pœnitentium, et consacre par la communion l’incorporation des fidèles au Christ.

Par la messe, nous forçons le Seigneur en quelque sorte à se souvenir du prix infini de son sang et à nous l’appliquer. Le sacrifice de l’autel, comme ses prières l’indiquent, possède une efficacité divine en faveur de l'Église, des offrants, du célébrant. III, xxiii, col. 1138 D. L’Ancien Testament lui-même nous renseigne, d’après Amalaire, sur les causes en vue desquelles nous devons offrir le sacrifice ; pro volis, pro sponlaneis, pro peccato, pro regno, pro sanctuario, pro Juda… III, xix, col. 1127 C.

b) Vues nouvelles sur le caractère figuratif de la messe ; oppositions qu’elles rencontrent. Leur succès au Moyen Age. — D’un principe fondé en tradition à savoir que la messe commémore et représente la passion, Amalaire fut amené à faire des applications nouvelles, ingénieuses parfois, très souvent contestables.

Dès que l’on regardait les paroles de saint Paul, quoliescumque manducabitis… mortem Domini annuntiabitis, comme un précepte de se souvenir de la passion, « il était naturel de penser que l'Église avait établi les cérémonies qui précédent et qui suivent la consécration, pour l’aider (le prêtre) à l’accomplir. On se trouvait ainsi amené à chercher dans les cérémonies de la messe un tableau destiné à rappeler la mort et même la vie de Jésus-Christ. » Vacant, op. cit., p. 30.

Tout y poussait Amalaire, et le goût des fidèles pour un symbolisme naïf, et les inspirations de son imagination ardente, et la curiosité de pénétrer à fond le sens mystérieux des cérémonies, sans le frein d’une raison critique qui sût confesser ses ignorances. Cf. la fin de la préface, col. 992 D. Ainsi, sans tenir compte de l’origine des diverses prières liturgiques, vit-il dans la messe une image de toute la vie de Jésus-Christ depuis sa naissance jusqu'à son ascension. L’entrée de l'évêque dans l'Église lui rappelle la venue du Christ sur cette terre, III, v, col. 1108. L’introït et le Kyrie lui font penser même à la préparation de la venue du Messie par les prophètes. Il rattache au Gloria in excelsis la naissance du Sauveur, à l'épître la prédication de saint Jean-Baptiste, à l'évangile la prédication du Sauveur lui-même, col. 1113.

Avec l’offertoire commence l’interprétation d’une autre période de la vie du Christ : la passion et les événements qui la préparent. Le Dominus vobiscum par lequel s’ouvre cette partie rappelle l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, col. 1128 ; la déposition des oblats, la visite au temple où le Sauveur se présente à son Père pour son immolation future, col. 1128, la préface, l’hymne d’action de grâces après la cène avant la passion, col. 1133. Les trois premières oraisons du canon rappellent les trois prières du Christ au Jardin des oliviers.

On s’attendrait à ce que l’auteur continuât son interprétation allégorique pour le récit de l’institu-