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MESSE EN OCCIDENT : TERTULLIEN


mains pendant sa passion afin de délivrer de la souffrance ceux qui croient en toi. Il s’est livré volontairement a la douleur pour abolir la mort, briser les liens du diable, fouler au pied l’enfer, illuminer '.es justes, établir le statut [nouveau] et manifester la résurrection.

Prenant le pain, te rendant grâces, il a dit : « Prenez mangeI. Ceci est mon corps qui sera brisé pour vous. » « Pareillement aussi (prenant) la coupe, il a dit : « Ceci est mon sang qui est versé pour vous. » « Quand vous faites cela, vous faites ma commémoration. » « Nous rappelant donc, Memores igitur, sa mort et sa résurrection, nous t’offrons le pain et le calice, te rendant grâces parce que tu nous as jugés dignes de nous tenir devant tcii et de te servir. « Et nous demandons que tu envoies ton Saint-Esprit sur l’oblation de la sainte Église, et que, la ressemblant en un seul tout, tu donnes à tous les saints qui communient d'être remplis du Saint-Esprit pour être confirmés dans la foi de la vérité, afin que nous te louions et te glorifiions par ton Fils Jésus-Christ, par lequel à toi soit gloire et honneur, Père et Fils avec le Saint-Esprit dans ta sainte Église et maintenant et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. » Traduction de dom Cabrol, art. Hippoli/le, dans Diction, d’archéol., t. vi, col. 1416.

Suit une oraison pour la bénédiction de l’huile avec réponse du peuple.

Nous n'étudions ces textes que pour en dégager la théologie d’Hippolyte. L’eucharistie chrétienne est pour lui un sacrifice qui commémore la première cène et la passion du Christ. Il y a offrande du pain et du calice, mais du pain et du calice après que l’officiant a rappelé les actes et les paroles du Christ à la première cène. Après quoi vient une invocation à l’EspritSaint, une épiclèse, mais elle ne demande pas que le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ. Elle supplie Dieu d’envoyer son Esprit-Saint sur l’oblation de la sainte Église afin que les communiants soient remplis de lui. Ainsi les trois personnes interviennent et chacune a son rôle. Le Père a envoyé le Fils et par lui il nous a créés, il a opéré notre salut ; Jésus a lui-même accompli cette œuvre et la continue par l’eucharistie ; le Saint-Esprit doit l’achever dans l'Église et en chaque fidèle.

C’est la hiérarchie qui célèbre. L'évêque préside, mais il y a concélébration : les prêtres le suivent. Tous parlent au nom du peuple entier : l’oblation est celle de l'Église, oblationem Ecclesise sanctse. Ce sacrifice est institué pour rendre grâces au Père par le" Fils. Le rite est une eucharistie au sens étymologique : le bienfait de la création n’est pas totalement oublié, mais il n’est rappelé que d’un mot et rattaché à la personne du Christ : « Nous te rendons grâces pour ton cher Fils Jésus, le Verbe inséparable de toi par lequel tu as tout fait. » Les dons de Dieu sur lesquels on insiste sont l’incarnation et la mort du Christ, la rédemption de l’humanité, l’appel des fidèles à la foi, à l'Église et à la résurrection. Le sacrifice est aussi impétratoire : on demande spécialement pour l'Église l’union de ses fils, sans doute et sur terre et dans le royaume à venir, puis pour chacun des participants l’Esprit-Saint, et par lui la confirmation dans la foi, la grâce de louer et de glorifier Dieu.

Dom Connolly estime que les prières qui suivent ne sont pas d’Hippolyte, mais remontent en partie au moins à une époque voisine de la sienne. Nous ne les étudierons pas d’ailleurs en liturgiste, mais en théologien. L'évêque et les assistants demandent que les mystères sanctifient les fidèles, les fortifient, les délivrent de tout mal et augmentent leur foi. Autant d’effets attribués au saint sacrifice. Il semble bien qu’on attendait de lui tous les dons, comme le prouve la post-communion : « Que la réception des saints mystères ne soit pas pour notre condamnation, mais pour le salut de l'âme et du corps. » Cette anaphore d’Hippolyte à laquelle les liturgisles

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

accordent tant de valeur n’est pas moins importante pour le théologien ; elle lui révèle une doctrine sur le sacrifice chrétien reçue à Rome dans la première moitié du m 8 siècle.

2° Le pape Corneille dans sa lettre à Fabien, évêque d’Antioche, raconte le fait suivant : Quand Novatien célèbre l’eucharistie, il exige des assistants qu’ils jurent de lui rester fidèles. Ils doivent pour obtenir la communion prononcer ce serment avant de recevoir le pain consacré. Dans Eusèbe, H. E., VI, xliii, 18. A noter l’expression employée par Corneille pour dire célébrer l’eucharistie, noieiv tixç 7rpoercpopdcç, faire les offrandes rituelles, le sacrifice.

Novatien.

On ne découvre à peu près rien chez

lui. Peut-on relever une allusion au Sancius ? De Trinitate, viii, P. L., t. iii, col. 899. Il est permis d’en douter. Fortescue, op. cit., p. 50. Faut-il rapprocher de formules liturgiques bien connues un ou deux textes de Novatien (énumération des bienfaits de Dieu)? Drews et C. Weymann l’ont pensé. Voir Fortescue, op. cit., p. 50, 86.

Dans le De speclaculis de pseudo-Cyprien, attribué par plusieurs érudits à Novatien, on relève un passage qui offre un certain intérêt. L’office eucharistique est appelé le dominicum. On y reçoit la chair du Christ, et il est à noter qu’en trois lignes, l’auteur l’appelle une fois le sanctum corpus, une autre fois le sanctum. Même insistance donc sur la sainteté que chez les Orientaux et les Africains de l'époque. Et les fidèles ont l’habitude, ut assolet, d’emporter ce corps avec eux : l’un d’eux ne s’oublie-t-il pas jusqu'à ne pas s’en dessaisir quand il se rend au spectacle et à un établissement de péché. De speclaculis, dans Cypriani opéra, édit. Hartel, t. iii, p. 313.

4° Tertullicn ( vers 240-245. Son dernier ouvrage connu, le De pudicitia, est de 215-222). — 1. Le rite chrétien est un sacrifice. — Tertullien appelle les exercices de l’assemblée eucharistique : sacrificiorum oraliones, les oraisons des sacrifices. De oralione, 19, P. L., t. i (édit., de 1844), col. 1181, et la communion, une participation au sacrifice. Ibid., col. 1183. De même il se sert du mot « offrir » pour désigner le rite chrétien et on voit qu’il pense alors à une oblation proprement dite ; il observe que les époux veufs offrent le sacrifice pour leur conjoint défunt. De monogamia, 10, t. ii, col. 942 ; De exhortatione castitalis, 10 ; t. ii, col. 926. Il rappelle que dans l’assemblée chrétienne les femmes n’ont pas le droit de faire l’oblation, ofjerre. De velandis virginibus, 9, t. ii, col. 902. Il note que, comme dans le christianisme, on célèbre dans les mystères de Mithra l’oblation du pain. De præscript., 40, t. ii, col. 55. On relève même en Tertullien une phrase où les deux mots sont unis : le dimanche on offre le sacrifice. De cullu /œminarum, ii, 11, 1. 1, col. 1329.

C’est le rite préfiguré par l’oblation de l’ancienne Loi, pour la guérison de la lèpre. Adv. Marcionem, IV, ix, t. ii, col. 375. Plusieurs fois Tertullien reproduit la prophétie de Malachie, mais c’est surtout pour montrer dans le sacrifice pur qui est prédit, la prière d’un cœur innocent ou les louanges accordées à Dieu. Adv. Marc, III, xxii ; IV, i, t. ii, col. 353, 362.

2. Ce rite a été institué par le Christ. — Jésus a nommé le pain son corps, Adv. Marc, IV, XL, t. ii, col. 460, et il a transformé le vin en une chose sacrée. De anima, 17, t. ii, col. 676. Ayant pris du pain et l’ayant distribué aux disciples, le Christ en a fait sa chair par ces mots : Ceci est mon corps. Adv Mure, IV, xl, t. ii, col. 460. Ainsi le « corps du Christ est une espèce de pain », in pane censetur (sur le sens de ce mot : A. d’Alôs, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 366 ; Batiffol, op. cit., p. 216). Voir encore De oral., 6, t. i, col. 1160.

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