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MESSE CHEZ LES ALEXANDRINS : CLEMENT


Strom., i, x, P. G., t. viii, col. 744. Quand on renouvelle la cène, on doit employer du pain et du vin ; la règle de l 'Église, xocvwv tyjç iy.xXr l citx< ;, le veut. Les hérétiques qui font usage d’eau sont en désaccord avec l'Écriture. Strom., i, xix, col. 813. Déjà intéressant par ce menu détail, ce court passage l’est plus encore parce qu’il appelle l’eucharistie chrétienne une 7rpoCT<popâ, une offrande.

Si le sens de ce mot n’est pas déterminé en cet endroit, une autre phrase de Clément nous renseigne davantage sur sa pensée : « Melchisédech, roi de Salem, prêtre du Dieu Très Haut, offrit Je pain et le vin comme une nourriture sanctifiée en figure de l’eucharistie. » Strom., IV, xxy, col. 1369. Aucun doute ne subsiste. Cette oblation du pontife-roi de l’Ancien Testament est pour l’auteur un véritable sacrifice. Le mot « sanctifié »., Y)yiaCTjjisv7)v, ici employé, achève de le démontrer. Déjà nous avons cru, en étudiant le IVe évangile, pouvoir lui attribuer ce sens. Joa., xviii, 19. Clément écrit ailleurs que le Christ immolé comme notre agneau pascal a pour nous été sanctifié, ÛTrèp rjpuov ayi.aCoti.evoc, en d’autres termes que sa mort sur la croix fut un sacrifice. Strom., V, x, t. ix, col. 101. On le constatera : les Africains de la même époque entendent ainsi le mot latin' sanctificare. Il est naturel de conclure que l’eucharistie, comme l’oblation de Melchisédech et la passion du Sauveur, est aux yeux de Clément un véritable sacrifice ; quant aux déclarations de Clément relatives aux oblations spirituelles prières et vertus, seules agréables au TrèsHaut, elles s’expliquent comme celles des apologistes, déjà rencontrées. Voir Strom., VII, iii, vi, t. ix, col. 417 sq., 439 sq.

A relever encore quelques indications liturgiques : « Ceux qui distribuent l’eucharistie, selon l’usage, invitent chacun du peuple à prendre sa part/ » Strom., I, i, t. viii, col. 692 B. Sur cette communion un autre renseignement nous est donné. Le Christ parle ainsi au fidèle : « Je suis celui qui te nourrit. Comme pain, je me donne moi-même : qui me goûte ne fait plus l’expérience de la mort et chaque jour je me donne en breuvage d’immortalité. » Quis dives salv., xxiii, t. ix, col. 628. Il y a donc dans l’assemblée où se célèbre l’eucharistie le peuple et les officiants. Parmi ces derniers, il en est qui sont chargés de distribuer la communion. Chacun des assistants est invité à la recevoir, non seulement par le Christ, mais encore par la hiérarchie : peut-être le distributeur usait-il déjà d’une formule consacrée, pareille au Sancta sanctis. Le fruit de l’eucharistie que signale Clément est celui qu’ont fait connaître tous les écrivains antérieurs : l’immortalité. Enfin, nous apprenons que ce don peut être reçu chaque jour.

Sur l’effet de cette nourriture, et sur une autre particularité du rite, on recueille des données en un développement un peu moins clair, mais précis sur ces deux points : « Double est le sang du Seigneur. Car l’un est charnel, c’est par ce sang que nous sommes rachetés de la corruption ; et l’autre est spirituel, c’est par ce sang que nous sommes oints. Boire le sang de Jésus, c’est participer à l’incorruptibilité du Seigneur. L’esprit est la force du Verbe comme le sang l’est de la chair. Analogiquement donc, le vin se mêle à l’eau et l’esprit à l’homme. Si le vin trempé rassasie la foi, l’esprit introduit en l’homme l’incorruptibilité. Et l’union des deux, à savoir du vin et du Verbe, est appelée eucharistie, grâce vénérable et belle. Ceux qui selon la foi y participent sont sanctifiés corps et âme, la volonté du Père formant mystérieusement le divin mélange de l’homme avec l’esprit et le Verbe. » Peedag., II, ii, t. viii, col. 409 sq. A coup sûr, plus d’une proposition de ce morceau n’est pas facile à interpréter. Il est certain du moins qu’ici Clément atteste

l’usage de mêler de l’eau au vin dans l’eucharistie. Il déclare aussi que le sang du Christ nous fait participer à l’incorruptibilité du Seigneur, nous sanctifie corps et âme.

Pour Clément donc, l’eucharistie est une offrande rituelle, un sacrifice institué par le Christ. On y renouvelle la cène, l’offrande par Jésus du pain et du vin trempé d’eau. Le rite s’opère selon un règlement fixé par l'Église et par les soins d’une hiérarchie distincte du peuple. Le fidèle qui participe à cette nourriture et à ce breuvage, mange et boit Jésus luimême. Il est sanctifié, corps et âme. Le sang du Christ lui assure l’immortalité.

On a essayé d’enlever au mot offrande, Trpoacpopâ, le sens de sacrifice. Il désignerait la présentation par les fidèles à l'évêque des dons destinés à l’eucharistie ou au soulagement des pauvres. Wieland, Opferbegriff, p. 119 ; Wetter, Altchrist. Liturgien, t.n, p. 95-96. Sans doute Clément parle en maints endroits soit de l’agape, voir Volker, op. cit., p. 153160, soit des banquets spirituels du clirétien, du gnostique. Mais il ne lie pas les repas amicaux et charitables des fidèles à l’eucharistie. Volker, loc. cit., p. 160-161. Pour les agapes dont parle Clément les fidèles apportent des offrandes, mais l’auteur ne dit pas qu’elles constituent le sacrifice chrétien, elles sont un acte de charité. Cet usage n’explique en rien pourquoi Clément appelle le rite qui s’opère sur le pain et le viii, une TCpoacpopâ, une oblation rituelle, ni pourquoi il l’assimile au sacrifice de Melchisédech. Wetter ne peut recourir au témoignage de Clément qu’en forçant les textes. Voir Coppens, op. cit., p. 112.

Reste un autre morceau attribué au même écrivain et dont le contenu mérite l’attention. Toutefois l’authenticité n’en est pas certaine. C’est un commentaire de Luc, xv, P. G., t. ix, col. 760-761. Il y est parlé « d’un veau gras qui est immolé, OûsTat, veau qui est encore appelé un agneau et pas un petit, mais un très grand, l’agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. Comme une brebis, il est conduit à l’immolation.. C’est une victime, 0ùu.a, pleine de moelle, dont toute la graisse, selon la loi sacrée, est devenue la part de Dieu : tout entier il a été consacré, voué au Seigneur. Il est si élevé, si grand… qu’il rassasie ceux qui se nourrissent et jouissent de lui : car cette chair est du pain, et puisqu’elle est l’un et l’autre, elle s’offre à nous pour être mangée. Lors donc que les fils se présentent, le Père leur donne le veau qui est immolé, Oùetoc, puis mangé. » L’exégèse de chacun des mots de ce morceau n’est pas sans difficulté, mais le sens général ne semble pas discutable. Le Christ est présenté comme la victime qui fut immolée sur la croix, pour être à la fois offerte à Dieu et consommée par les fidèles sous la forme du pain eucharistique. C’est donc sa chair immolée en sacrifice que le Christ donnerait aux communiants. Si cette affirmation émane de Clément d’Alexandrie, elle complète fort bien ce qu’il dit de la Tcpoaçopâ, de l’oblation rituelle et du sacrifice des chrétiens. Cf. Lamiroy, op. cit., p. 296 sq. ; De la Taille, op. cit., p. 226-227.

Sur d’autres détails purement liturgiques à glaner dans Clément d’Alexandrie (lecture des prophètes et de l'Évangile, chants et hymnes, prières de supplication, baiser de paix, usage de flambeaux, Sanctus), on consultera Fortescue, op. cit., p. 39-40 ; plus d’un texte allégué d’ailleurs appelle des discussions.

2° Origène. († 254 ou 255). — On sait que le grand docteur alexandrin cède sans cesse à.la tentation d’allégoriser : il lui arrive donc de parler en un sens spirituel de l’offrande et du sacrifice, du pain et du vin, même du corps et du sang de Jésus-Christ. Ne seront pas cités ici les textes où il n’est pas certain