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ABSOLUTION DES PECHES D’APRES L’ECRITURE SAINTE

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la plénitude de l’Esprit Saint, Is., ix, 2 ; Joa., ni, 34, etc., donne à ses apôtres cet Esprit sanctificateur et vivilicateur. Il le leur donne à ce moment même ; car il ne dit pas Xr,’ieff8e, « vous le recevrez » (au jour de la Pentecôte), mais Xà6sTê, « recevez-le ». Dès ce moment les apôtres sont donc les dépositaires du Saint-Esprit, source et auteur de la sanctilication, et voici quelle sera leur puissance : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils sont remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. »

Le pouvoir de remettre les péchés. — « Remettre les péchés, » içi’Evai -û ; à^aon’aç, rcmiltere peecata, d’après la signification naturelle des mots et l’usage constant de l’Écriture, c’est délivrer le pécheur de ses fautes, de telle sorte que devant Dieu la culpabilité n’existe plus et que le pécheur devient jusle, ami et enfant de Dieu, Rom., iv, 5 ; .Tac, II, 23 ; Rom., viii, 14 sq., d’impie, d’ennemi de Dieu et d’enfant de colère qu’il était auparavant. Eph., ii, 3 ; Rom., v, 10, etc.

Dieu seul possède en propre ledroit de remettre ainsi les péchés. Aussi lorsque Jésus dit au paralytique ; àç (îvtat (loi a’c âpaptcai erov, « tes péchés sont remis, » Matth., ix, 2, les pharisiens se mirent à murmurer : « Quel est celui-ci, qui prononce de tels blasphèmes ? Qui peut remettre le péché si ce n’est Dieu seul ? » Et Jésus ne conteste pas la justesse de cette dernière réflexion, mais leur prouve, au moyen du miracle par lequel il guérit le paralytique, que « le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés ». Luc, v, 21 sq.

Or c’est précisément ce pouvoir, exclusivement divin, que Jésus communique à ses apôtres. C’est pour les rendre capables d’exercer un pouvoir qui appartient à Dieu seul, qu’il leur donne le Saint-Esprit. — Il emploie l’expression àcpi’evou, qui est le terme consacré pour désigner la rémission des péchés telle que Dieu lui-même l’opère : dans le Pater, par exemple, Jésus nous fait dire à Dieu : wpss rifJùv, dimitte nobis débita nostra, Matth., vi, 12 ; de même au V. 14 : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père céleste non plus ne vous pardonnera pas, » àç-rjtrsi, dimittet ; Jésus en croix dit à son Père : cttpeç aù-roï ; , Luc, xxiii, 34 ; c’est aussi le terme employé pour dire que Jésus a remis les péchés. Matth., ix, 6 ; Marc, ii, 5, etc. — Enfin Jésus donne à ses apôtres, en ce qui concerne les péchés, et sa propre mission et sa propre autorité, sicut misit me Pater, et ego mitto vos, Joa., xx, 21 ; or Jésus est venu pour délivrer les hommes de leurs péchés, Matth., i, 21, pour justifier les pécheurs, Matth., ix, 13 ; Luc, v, 32 ; et il a souvent remis les péchés, par exemple, au paralytique, Matth., ix, 2, à la pécheresse. Luc, vii, 47.

Aussi, grâce à ce pouvoir divin qui leur est donné, les apôtres remettent les péchés de telle sorte que ceuxci sont remis efficacement, immédiatement et ipso facto ; il n’y a pas d’intervalle ni d’intermédiaire entre l’action des apôtres et la rémission effective des péchés. Jésus dit en effet : àçi’evrai, « ils sont remis, » et non pas « ils seront remis ». Quelques manuscrits ont la leçon : àçîovTat, forme plus rare du présent, d’autres àçltoviat, qui est plus probablement un parfait, ce qui désignerait encore plus énergiquement l’infaillible efficacité de la rémission. Winer, Grammalik des neutestamentlichen Sprachidioms, § 14, 3, 5e édit., Leipzig, 1844, p. 91.

Le pouvoir de retenir les péchés.

Jésus-Christ n’a pas seulement donné à ses apôtres le pouvoir de remettre les péchés, il leur a donné aussi celui de les retenir : quorum retinueritis, retenta sunt, àv tivwv (tivo ; ) y.paT ?, T£, xsxpâxYjVTat. Ces paroles sont de la plus haute importance, car elles déterminent la nature de l’acte par lequel les ministres de Jésus-Christ remettent les péchés.

Les apôtres sont en effet placés devant cette alternative : ils peuvent remettre, et ils peuvent retenir les péchés. Le choix du parti auquel ils se détermineront ne peut évidemment pas dépendre du hasard ou de leur caprice. Car il s’agit, d’une part, des péchés, c’est-à-dire des crimes de lèse-majesté divine dont le souci leur est confié ; et d’autre part, de la justification rendue ou refusée au pécheur et par conséquent de son admission au ciel ou de son exclusion. Il est impossible d’admettre que Jésus-Christ, la sagesse incréée, a voulu abandonner une matière si grave et si grosse de conséquences, à l’arbitraire et aux caprices de ses ministres. Il est évident qu’il entend leur imposer l’obligation d’agir suivant la justice et l’équité, c’est-à-dire de se conformer aux lois en vigueur dans le royaume de Jésus-Christ et de tenir compte du degré de culpabilité et de repentir des pécheurs. Mais pour que leur sentence de pardon ou de refus du pardon soit équitable, il est nécessaire que la cause ait été instruite au préalable et que les fautes commises, aussi bien que les dispositions du coupable, soient connues des juges.

En un mot, la rémission des péchés se fait par manière de sentence judiciaire : les ministres de Jésus-Christ sont des juges dont la sentence, soit qu’elle accorde la rémission, soit qu’elle la refuse, a une valeur juridique.

Il importe de remarquer encore que Jésus ne dit pas à ses apôtres qu’ils ont le pouvoir de remettre et de ne pas remettre les péchés ; mais de les remettre ou de les retenir. « Retenir » dit plus que « ne pas remettre » ; le mot grec Lpateiv signifie : « saisir, tenir, » et suppose l’exercice d’une force, d’une autorité, sur la chose qu’on retient. Ce terme est d’ailleurs le pendant de celui de ligare, employé dans la promesse, qui signifie « imposer une obligation ». Les ministres de Jésus-Christ ont donc le pouvoir non seulement de remettre ou de ne pas remettre les péchés ; ils ont encore le droit d’imposer des obligations et des peines, ayant rapport avec les péchés. Leur pouvoir de juger comprend aussi celui de punir les péchés. Et c’est au moyen de ces peines, de ces obligations qu’ils ont le droit d’imposer, qu’ils « retiennent » et « lient » véritablement les péchés : car si le pécheur ne veut pas se soumettre à l’obligation qui lui est imposée, son péché ne peut pas lui être remis. Cf. Pesch, Prælecliones dogmaticse, Fribourg, 1897, t. vii, p. 25 ; Oswald, Die dogmatische Lehre von den hcil. Sacramenten, Munster, 1877, t. ii, p. 33.

Signalons encore une conséquence que les théologiens tirent de ce droit qu’ont les ministres de Jésus-Christ de retenir et de lier les péchés : c’est qu’aucun péché mortel commis après le baptême ne peut être remis indépendamment de l’absolution sacramentelle. Car s’il n’en était pas ainsi, les ministres de Jésus-Christ auraient reçu en vain le pouvoir de retenir et de lier les péchés.

III. Nature du pouvoir promis et donné par Jésus-Christ.

Après l’explication du sens général des textes scripturaires concernant l’absolution des péchés, il importe de préciser certains points et d’établir certaines propositions à l’encontre des doctrines erronées des hérétiques.

Le pouvoir de remettre les péchés consiste à remettre le péché lui-même et non pas seulement les peines du péché, soit celles que Dieu inflige au pécheur, soit celles que l’Église lui impose par mesure de discipline extérieure.

a) Le contexte des paroles de l’institution prouve que la rémission donnée par les apôtres est suivie d’un effet intérieur produit dans l’âme, et qui a pour principe la grâce de l’Esprit sanctificateur. Il ne s’agit ni du pouvoir de guérir les maladies, suites et peines du péché, ni du pouvoir de relever des peines extérieures prononcées par l’Eglise.

b) Le mot amartia désigne l’acte du péché (la transgression de la loi), ou l’état de péché, qui résulte de la