Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/688

Cette page n’a pas encore été corrigée

1317

ANIMATION

1318


III. Arguments de raison.

1° Pour informer le corps, l’âme humaine exige seulement de pouvoir y exercer quelqu’une de ses opérations vitales. Or, dès la conception, l’âme peut exercer, dans le germe, ses facultés de nutrition et d’accroissement. Elle peut donc venir dès cet instant. — Réponse. S’il en était ainsi, l’âme pourrait rester dans le corps humain tant que quelqu’une de ses fonctions pourrait s’y exercer. Or l’expérience montre le contraire. L’âme fuit souvent le corps alors qu’il prête encore à sa vie un théâtre autrement organisé et favorable que l’ovule simplement fécondé. Cf. Sylvester Maurus, op. cit., q. xxix, ad l um.

2° L’organisme exige une âme pour se former ; il exige une âme humaine quand il doit être humain ; car cette âme seule est compétente pour organiser la matière et construire un corps humain. La restauration de certaines portions du corps, par exemple des côtes amputées dont le périoste a été conservé, montre que l’âme humaine a le pouvoir d’organiser ainsi convenablement la matière. — Réponse. La raison étant tout à fait transcendante par rapport à la matière, l’âme raisonnable n’est pas requise et ne saurait l’être, comme telle, pour la construction du corps humain. Il suffit donc qu’il y ait là une âme animale, d’un genre spécial, procédant des parents et ayant reçu de l’âme de ceux-ci la puissance d’animer provisoirement et déformer un animal humain, lequel, une fois organisé, recevra de Dieu une âme raisonnable, à la place de celle qu’il avait et par laquelle il a été formé Cf. Élie Blanc, Traité de philosophie scolastique, t. ir, n. 755-760 ; Farges et Barbedette, Philosophia scholastica, Paris, 1895, t. ii, n. 219, p. 248.

3° On ne comprend pas bien la succession de plusieurs cimes, surtout de trois âmes dans un même corps. Il y a dans cette thèse un réel danger de transformisme. — Réponse. Il est certain qu’il y a succession d’âmes, car les éléments de la génération avant la fécondation sont animés, et doués d’une vie distincte de la vie des parents. Ils ont donc une âme qui n’est pas une âme humaine. A supposer que l’âme humaine arrive dans la conception, elle succède, même alors, nécessairement à une âme non rationnelle. Il n’est pas plus difficile de comprendre la succession de plusieurs âmes après la fécondation, qu’il n’est impossible de l’admettre dans la fécondation même. Quant au transformisme, il est écarté par l’affirmation nette et précise de la création de l’âme humaine au moment où le corps est suffisamment organisé. D’autre part, il est certain qu’il y a une évolution du corps : la sensibilité n’apparaît qu’après la vie et la raison ne vient qu’après la sensibilité et la vie. Les phénomènes de la vie intra-utérine sont des métamorphoses comparables à celles qu’on trouve chez certains animaux, comme les papillons. Cf. Sylvester Maurus, ibid., ad 4um ; Tilmann Pesch, Institutiones psychologicæ, n.331, Fribourg-en-Brisgau, 1896, t. i, p. 429.

V. Conclusions.

I. conclusions physiologiques.

1° Les éléments qui concourent à la génération humaine sont le spermatozoïde ou élément mâle ; l’ovule mûr ou élément femelle. — Le spermatozoïde renfermé en grand nombre dans le sperme est un petit filament formé d’une tête et d’un long llagellum ou queue. A la jonction de la tête et de la queue, est une masse de protoplasma appelée « segment intermédiaire ». Comparé à la cellule qui est considérée aujourd’hui par les biologistes comme l’élément originel de la vie, le spermatozoïde en représente le noyau par sa tête, le corps protoplasmique par le segment intermédiaire, les cils vibratiles par sa queue. « Le spermatozoïde est une cellule vibratile devenue libre et transformée de manière à aller porter et faire pénétrer son noyau dans l’élément femelle ou ovule. » Mathias Duval, Cours de physiologie, XII, ii, §1, A, Paris, 1892, p. 665. Le spermatozoïde, grâce aux mouvements vibratiles de sa queue, est très agile. Il a une vie propre distincte de celle des spermatozoïdes voisins et de celle du générateur, puisqu’il peut continuer à se mouvoir séparément des autres spermatozoïdes et en dehors du générateur. — L’ovule mùr est composé d’une enveloppe cellulaire ou zone pellucide, contenant une masse protoplasmique, appelée vitellus, au centre de laquelle se trouve un petit noyau sphérique, le pronucléus femelle. L’ovule mûr a une vie à part, comme le spermatozoïde. Séparés l’un de l’autre, le spermatozoïde et l’ovule sont incapables de se développer de façon à former un vivant complet. Il leur faut pour cela s’unir et se compléter ainsi mutuellement : c’est le phénomène de la fécondation.

2° La fécondation a lieu quand un spermatozoïde rencontre un ovule : le spermatozoïde s’engage dans la zone pellucide et y est prisonnier. Le vitellus s’avance alors sur la tête du spermatozoïde, et l’englobe pendant que le llagellum se détache. Aussitôt que le vitellus a pris contact avec la tête du spermatozoïde, la zone pellucide se double d’une membrane nouvelle à contours très nets et qui s’oppose à l’entrée de nouveaux spermatozoïdes. Pendant ce temps, la tête, absorbée par le vitellus, s’avance vers le pronucléus femelle, l’atteint, se confond avec lui. La fusion des deux constitue le noyau vitellin. L’ovule est devenu un œuf dont le développement va produire un être semblable aux parents. Cf. Mathias Duval, op. cit., E. Aubert et C. Houard, Histoire naturelle des êtres vivants, t. ii, fasc. 1, Reproduction chez les animaux, Paris, 1897, p. 33 sq. ; Le Dantec, La sexualité, Paris, s. d. ; Yves Delage et A. Labbé, La fécondation chez les animaux, Paris, s. d. ; Paul Busquet, Les êtres vivants, organisation, évolution, Paris, 1899.

3° A partir de l’instant de la fécondation, l’œuf prend une vie nouvelle. Comme mû par une impulsion puissante, il se segmente, forme le blastoderme, se divise en trois couches ou feuillets distincts et entreprend la construction de chaque membre d’un corps humain. Le travail qui commence alors a, dès l’origine, une orientation déterminée. C’est le point initial de l’organisation et du développement du corps humain. Ce travail est continu, sans arrêt, sans solution de continuité : « c’est le même être vivant qui est conçu, qui se développe et qui vient au monde. C’est une évolution unique, sans interruptions et sans lacunes. La vie végétative qui se manifeste dans l’embryon animal est déjà spécifiée par la vie animale, car elle n’est pas la vie d’un végétal, mais celle d’un animal. Ainsi, par exemple, l’embryon se nourrit déjà comme un animal, avec des matières organiques ; il est incapable de se nourrir, comme le végétal, aux dépens de tluides inorganiques. Et dès que la vie sensible paraît, elle n’est pas une vie animale quelconque, mais la vie d’un animal supérieur et bientôt d’un homme. Les organes de la vie nutritive et ceux de la vie sensible, tels que le cœur et le cerveau, par exemple, ne sont jamais identiques à ceux des êtres inférieurs ; ils sont, dès l’origine, des organes humains. » A. Farges, La vie et l’évolution des espèces, c. vi, Paris, 1888, p. 161. Cf. Milne Edwards, Rapport sur les progrès de la pliysiologie, p. 443.

II. Conclusions philosophiques.

1° Dès avant la fécondation, il y a dans chaque élément générateur une vie individuelle, donc un principe propre de vie, une âme. On ne peut, avec certains philosophes, appeler ce principe « force plastique, vertu formative ou séminale » il est plus qu’une force spécifique, il est un principe d’être substantiel et d’activité immanente. Il est donc une âme.

2° L’impulsion évidente, les énergies nouvelles, l’orientation déterminée et unique qui apparaissent dès l’instant de la fécondation montrent qu’il y a, dans l’œuf fécondé, un principe unique de vie. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol., I q. cxviii, a. 2. Les uns, les ovistes, affirment que c’est l’âme de l’ovule dans lequel préexistait l’organisme entier et à laquelle le spermatozoïde au-