Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/687

Cette page n’a pas encore été corrigée

1311

ANIMATION

1316

temps de la vie utérine, il ne manifeste, en effet, que des phénomènes de nutrition, la sensation n’apparaît que plus tard, et la raison n’éclôt qu’après un laps de temps beaucoup plus considérable. Cette succession des phénomènes nutritifs, sensitifs, rationnels prouve bien la succession des âmes. — Réponse. La succession de ces phénomènes ne prouve pas la succession des âmes, parce qu’une même âme, rationnelle de sa nature dès le commencement, peut très bien ne manifester ses puissances que successivement. A mesure que l’organisme se construit et se développe, l’âme fait passer de la puissance à l’acte les multiples facultés qu’elle possédait dès le commencement. Ainsi les phénomènes de la vie nutritive, de la vie sensitive et de la vie intellectuelle, en apparaissant les uns après les autres, ne prouvent pas plus la multiplicité des âmes successives que les sens, le toucher, la vue, l’imagination, la mémoire, en s’éveillant les uns après les autres, ne prouvent la multiplicité et une succession graduelle d’âmes sensitives. Si l’âme sensitive existe tout entière même avant l’épanouissement de tous les sens, pourquoi l’âme intellectuelle n’existerait-elle pas tout entière même quand une seule de ses puissances, la nutrition, est en acte ? — Cette succession ne petit rien prouver, car si elle prouvait quelque chose, il faudrait faire dater de l’éveil des sens l’apparition de l’ânie sensitive, et de l’éveil de la raison qui n’a lieu qu’après la naissance, la création de l’âme intellectuelle : conclusion impossible et condamnée.

5° L’animation immédiate est impuissante à expliquer le fait de l’hérédité qui perpétue dans les fils les particularités physiologiques, anatomiques, pathologiques et même intellectuelles ou morales qui caractérisent les parents. Si, en effet, une âme toute neuve est créée par Dieu et unie au corps dès la conception, cette âme est incapable de construire le corps à la ressemblance des parents ; il faut, pour expliquer cette ressemblance, une âme qui procède des parents et qui, portant leur empreinte, imprime celle-ci dans le corps qu’elle prépare â l’âme raisonnable. — Réponse. La ressemblance héréditaire est un fait mystérieux difficile à expliquer dans les deux opinions. Elle n’apparaît qu’après le quarantième ou même le quatre-vingtième jour, alors que les partisans de l’animation médiate accordent déjà la présence de l’âme humaine. — L’âme en arrivant dans l’ovule fécondé y trouve l’empreinte des parents et une espèce de force plastique qui persévère avec elle comme certaines propriétés des aliments persistent dans le corps vivant qui s’en est nourri. — Enfin, la mère en nourrissant son fruit continue à exercer sur lui une inlluence qui peut transmettre avec son sang propre les particularités qui la distinguent.

6° N’est-il pas immoral et effrayant de penser que Dieu crée autant d’âmes qu’il y a de conceptions humaines, et que, chaque fois qu’un fœtus, même de quelques jours, disparaîtra, une âme sombrera dans les limbes sans jamais avoir pu arriver à la vie surnaturelle ? D’autre part, un tel état de choses ferait de Dieu l’esclave des passions humaines, puisqu’il devrait créer des âmes suivant le caprice de la volupté. — Réponse. Raison de sentiment qui paraît insuffisante à résoudre le problème.

— Dieu est magnifique, prodigue même dans ses œuvres. C’est par milliards qu’il faut compter les graines semées par lui pour arriver à la production d’une plante ; à cuti d’un animal qui naît et grandit, des quantités innombrables de germes ne sont jamais fécondés et périssent sans avoir donné le jour â un être vivant ; le nombre des hommes est infime â côté des ressources séminales que possède la nature ; il ne paraît donc ni impossible, ni improbable que Dieu ait ainsi prodigué les créations d’âmes humaines pour permettre à quelques-unes d’atteindre â la pensée, comme il a multiplié les âmes.{(luîtes pour permettre à un nombre inférieur d’aboutir à la grâce. — Qu’il n’y ait là aucune injustice, ni aucune cruauté, puisque Dieu ne doit pas la vie surnaturelle ni même la vie rationnelle aux âmes créées si libéralement par lui, c’est chose certaine : ajoutons à cela que les limbes, où les âmes ravies prématurément séjournent, sont un lieu où l’on jouit d’un bonheur naturel. — Quant à l’objection qui prétend que Dieu serait ainsi au service de la passion humaine, elle est plus inconvenante que raisonnable. Dans ce cas, Dieu n’obéit qu’à une loi posée par lui-même pour le bien et la propagation de la race humaine ; il n’est pas plus souillé en cela qu’il ne l’est en concourant, comme cause première, à tous les actes mauvais des pécheurs.

IV. Arguments en faveur de l’animation immédiate et réponses des adversaires.

I. Arguments tirés l’écriture sainte. —

1° Job, iii, 3, s’écrie : « Périsse le jour où je suis né et la nuit où il fut dit : un homme a été conçu ! » Ces paroles ne prouvent-elles pas que la conception et l’existence de l’homme sont deux choses synchroniques ? Être conçu et être homme se rapportent au même instant. — Réponse. « Toutes les opinions sont obligées de reconnaître, dans les paroles de Job, une expression figurée qui montre l’effet dans la cause et l’œuvre dans son commencement, l’homme dans son germe initial et dans les auteurs de son existence… C’est donc par anticipation que Job a placé la conception (l’animation ) de l’homme dans l’œuvre antérieure qui en est la cause. » P. Hilaire de Paris, L’animation immédiate réfutée, dans Revue des sciences ecclésiastiques, juillet 1886, p. 57-59.

2° Luc., i, 31, 36. L’ange dit à Marie : « Voici que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un fils, » et plus loin : « Voilà que votre cousine Elisabeth a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse, et celle qu’on appelait stérile est maintenant dans son sixième mois. » Il y a un parallélisme entre ces deux textes, et la conception de saint Jean-Baptiste est racontée dans les mêmes termes que celle de Notre-Seigneur. Or, on sait que, chez Notre-Seigneur, l’animation eut lieu en même temps que la conception. Donc, il en fut de même pour saint Jean-Baptiste. — Réponse. Il y a parallélisme dans les termes, soit ; mais l’ange n’a pas entendu exprimer que les deux conceptions, celle de Notre-Seigneur et celle de saint Jean-Baptiste, avaient eu lieu de la même façon. Notre-Seigneur a pris possession de son corps dès le premier instant et l’animation fut, dès lors, , un fait accompli, mais miraculeux ; ce que l’on ne peut dire de l’animation de saint Jean-Baptiste.

II. argument tiré de la théologie.

L’Église vénère, le 8 décembre, la conception immaculée de Marie, c’est-à-dire le mystère de la sanctification de son âme au moment où elle était créée et unie au corps. L’Église, qui célèbre la naissance de Marie, neuf mois après le 8 décembre, c’est-à-dire le 8 septembre, considère donc l’animation de Marie comme ayant eu lieu dès sa conception, c’est-à-dire comme immédiate. — Réponse. Par le dogme de l’Immaculée-Conceplion, l’Église entend que l’âme de Marie a été sainte dans l’instant même de sa création et de son union au corps. Si elle ordonne la célébration de ce mystère au 8 décembre,’cela peut s’entendre en ces deux sens ou qu’elle considère l’animation de Marie comme miraculeusement immédiate, à l’image de celle de son Fils, ou, qu’ignorant la date de cette animation, elle en a fixé la mémoire par anticipation au jour de la conception charnelle. Cf. Plazza, op. cit., p. 301 ; Passaglia, De immaadalo Deiparee virginis conceptu, part. III, sect. vu ; Zacchias, Qusestioncs médico-légales, 1. IX, tit. i, quæst. ult., n. 135 ; Florentinius, De homi/nibus dubiis baptizandis, disp. III, sect. il ; Jacobus (uanado, In III parlem, t. i, controv. ii, 1-2, i, disp. III, sect. i, § 2 ; J.-B. Pozn, Elucidatorium Deipara>, l. III, tr. II, c. IV, Lyon, 1627, p. 857 ; Franciscus Guerra, Majestas (jraliarum, Séville, 1659, t. i, l. I, diseurs, ii, fragm. v, punc. ii, p. lOi ; fragm. vi, punc. i, p. 109.